Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a reconnu lundi pour la première fois l'existence de contacts avec les groupes djihadistes, les justifiant par la nécessité d'explorer les voies d'une sortie de crise après huit années de guerre.
Il a cependant ajouté attendre encore une réponse des djihadistes à la démarche d'approche entreprise par un de ses représentants. «Le nombre aujourd'hui des morts au Sahel devient exponentiel et je crois qu'il est temps que certaines voies soient explorées», a déclaré Ibrahim Boubacar Keïta dans un entretien avec la chaîne France 24 et Radio France Internationale (RFI). Son haut représentant dans le centre du pays, l'ex-président Dioncounda Traoré, «est en mission pour moi» et «a le devoir d'écouter tout le monde», a-t-il ajouté.
Cette déclaration rompt avec l'attitude des plus hauts dirigeants maliens, qui avaient jusqu'à présent rejeté officiellement ce dialogue. Fin janvier, le haut représentant du président pour le centre du Mali, Dioncounda Traoré, lui-même ancien président, avait indiqué avoir «personnellement envoyé des émissaires en direction (d'Amadou) Koufa et Iyad (ag Ghali)», les deux principaux dirigeants djihadistes du pays. «Nous sommes prêts à lancer les passerelles pour dialoguer avec tout le monde (...) Il faut à un moment donné s'asseoir autour d'une table et discuter», avait-il dit.
Dioncounda Traoré, «est en mission pour moi» et «a le devoir d'écouter tout le monde», a dit le président Keïta. Sa mission consiste à déterminer si certains dans l'entourage des chefs peuvent être «sensibles à un discours de raison», a dit Ibrahim Boubacar Keïta. Combattre les groupes djihadistes et dialoguer avec eux n'est «pas antinomique», a-t-il dit.
Le centre du Mali, ainsi que le Burkina Faso et le Niger voisins, ont connu ces derniers mois une succession d'attaques djihadistes meurtrières contre les soldats et les civils, sans que les forces nationales et étrangères présentes dans la région parviennent à les enrayer.
Face à ce cycle de violences, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a recommandé en mai 2019 d'établir un dialogue avec les djihadistes et leurs partisans, préconisant «un changement de cap» combinant pression militaire, dialogue et désarmement pour amener les chefs djihadistes à la table des négociations.
«Cette histoire de dialoguer avec Koufa et Iyad n'a pas surgi comme ça au réveil d'un somme d'IBK» (en référence à ses initiales, NDLR), a déclaré le président malien, en soulignant que cela faisait partie des «recommandations» issues d'un récent dialogue national.
«Nous sommes en train d'essayer de le faire», mais sans «naïveté», a assuré Ibrahim Boubacar Keïta. «Nous ne sommes pas de grands candides qui pensent que tout de suite cette porte va s'ouvrir, (qu'on va) aller s'asseoir sur la peau de prière de Koufa pour lui dire: Bon, écoute cher ami, reviens à de meilleurs sentiments maintenant et dépose les armes ». «J'avoue qu'aujourd'hui encore, nous sommes en attente de quelques frémissements», après les perches tendues aux proches des chefs djihadistes , a-t-il dit.
AFP