Un avocat de Meng Wanzhou a soutenu jeudi que la GRC avait illégalement transmis au FBI les numéros de série et autres informations liées à ses téléphones cellulaires, son ordinateur portable et sa tablette.
Scott Fenton a déclaré au tribunal que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait fourni à la police fédérale américaine (FBI) des renseignements permettant de connaître les appels faits et reçus par Mme Meng, le numéro de téléphone, l’heure et la durée de ces appels, ainsi que l’emplacement des tours cellulaires d’où les appels étaient retransmis. L’avocat estime que ce partage d’informations pouvait ensuite permettre aux autorités américaines d’approfondir leur enquête concernant la femme d’affaires chinoise.
Qualifiant cette affaire de «très grave», Me Fenton a donc soutenu que la GRC avait violé la Loi sur l’extradition et les droits constitutionnels de Mme Meng.
Un avocat du gouvernement canadien a catégoriquement nié les allégations de la défense. Me Robert Frater a indiqué au tribunal que la Couronne pourrait produire des éléments de preuve démontrant que ces informations n’avaient pas été partagées avec les Américains.
Les avocats de la directrice financière de Huawei sont en Cour suprême de la Colombie-Britannique afin d’obtenir de nouveaux documents qui, selon eux, prouveraient que des responsables américains et canadiens ont comploté pour mener en douce une «enquête criminelle» à l’aéroport de Vancouver, le 1er décembre. La défense soutient qu’un stratagème a été élaboré au cours d’une réunion ce matin-là pour que des agents des services frontaliers interrogent Mme Meng, lors d’une escale à Vancouver, avant même que la GRC n’exécute le mandat d’arrêt provisoire — la privant ainsi de son droit à l’assistance d’un avocat ou à garder le silence.
Les États-Unis réclament l’extradition de la directrice financière du géant technologique chinois pour répondre à une accusation de fraude liée à des violations présumées des sanctions commerciales américaines imposées à l’Iran, ce que nient Mme Meng et Huawei.
Un «agent de liaison» au FBI
Me Fenton appuie ses allégations sur les notes d’un policier de la GRC, selon lesquelles un sergent d’état-major aurait transmis par courriel ces renseignements à une personne qui, selon la défense, aurait été «l’agent de liaison» au FBI.
Or, selon l’avocat, ce courriel n’aurait pas été remis à la défense; étant donné que l’audience est précisément axée sur la divulgation de documents, a-t-il plaidé, il suffirait que ce courriel soit produit par la Couronne.
Le ministère public a fait valoir cette semaine que rien n’indiquait un partage inapproprié d’éléments de preuve entre le FBI, la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Me Fenton a contesté cette affirmation: bien que les appareils électroniques n’aient finalement pas été remis au FBI, on avait effectivement prévu de le faire, selon lui.
L’avocat de la défense a plaidé jeudi qu’après une réunion avec des agents de la GRC et de l’ASFC, ce matin du 1er décembre, une policière avait écrit dans ses notes que les gardes-frontières obtiendraient les téléphones de Mme Meng «à la demande du FBI».
Puis, le 4 décembre, un policier a écrit dans ses notes qu’un sergent d’état-major avait envoyé par courriel à l’agent de liaison au FBI les numéros de série des appareils, les numéros de cartes SIM et ce que l’on appelle les numéros IMEI.
Le FBI a depuis abandonné sa demande pour obtenir les appareils, mais Me Fenton a estimé qu’il s’agissait là d’une tentative pour «limiter les dégâts». L’avocat a même laissé entendre que le FBI avait peut-être déjà glané des informations importantes à partir de ces appareils et qu’en fait, il n’en avait plus vraiment besoin.
Laura Kane