Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 26 août 2019

G7 : la défaite du black bloc


Au lendemain du G7, les black blocs broient du noir. Les actions programmées par l'ultragauche et ses militants paramilitaires pour perturber le sommet des chefs d'État ont fait pschitt ce week-end. L'assaut prévu dans la nuit de samedi à dimanche contre le lycée Saint-Joseph d'Ustaritz qui hébergeait les CRS chargés du maintien de l'ordre sur la zone ? Échec. Même si l'accès au site ne comportait aucun obstacle, comme a pu le constater Le Point à l'heure dite. Le noyautage de la manifestation des anti-G7 entre Urrugne et Irun samedi matin ? Échec. Les services de renseignement ont pourtant dénombré près de 500 personnes susceptibles d'action violente dans l'ex-village vacances du CE de Nestlé qui accueillait les anti-G7 à Urrugne, située à 25 kilomètres de Biarritz. « Il faut saluer les organisateurs des rassemblements qui ont tout fait pour maintenir les éléments violents à distance, notamment concernant le choix des parcours. L'ultragauche et ses black blocs ont été marginalisés par des militants tout aussi hostiles qu'eux au G7 », précise une source à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.

Selon nos informations, les débats internes ont été très animés et seule une poignée des anti-G7 a défendu l'option de la violence. Néanmoins, la crainte était telle que des médias audiovisuels travaillent désormais sous la protection d'équipes de sécurité privée, comme on a pu le voir dans les rues de Bayonne ce week-end.

Ni vitrines brisées, ni banques prises d'assaut, ni voitures retournées ou incendiées, ni fast-foods détruits... Sur les 13 200 membres des forces de l'ordre engagés par le ministère de l'Intérieur pour sécuriser le G7, on ne compte que deux policiers blessés, dont l'un victime d'un lynchage à terre par des lâches alors qu'il venait de tomber de sa moto.

Le rôle décisif du renseignement intérieur

Le face-à-face avec les gendarmes mobiles sur les ponts du centre-ville de Bayonne a tourné à l'avantage des forces de l'ordre. Les militants encagoulés n'ont eu qu'un jet de GLI-F4, une grenade lacrymogène assourdissante, à déplorer, en riposte, selon la préfecture, à une action visant à entraver l'interpellation de lanceurs masqués de projectiles. Les black blocs ont bien tenté de déborder la marche, dimanche matin, en faveur des gardés à vue retenus au centre de rétention administrative de Hendaye. Mais la trentaine d'ultras ont été encore une fois tenus en échec. Et nouvel échec lors de la tentative de jonction avec les Gilets jaunes à Bidart, à 6 kilomètres du sommet des chefs d'État.

Si le dispositif de maintien de l'ordre a été très mobile, laissant une large place à l'initiative locale pilotée par Jean-Marie Salanova, le patron de la sécurité publique, présent à Biarritz avec les spécialistes de la contre-subversion, le Renseignement, avec tous ses outils, a joué un rôle décisif. Car les radicaux avaient tout préparé en amont. Caches de projectiles, de fumigènes, de mortiers, de matériels de protection dans des appartements amis découvertes par la police à l'instigation des agents du Service central du renseignement territorial (SCRT), leader de tous les services d'intelligence pour l'organisation du G7. Des éléments radicaux ont été en effet hébergés par la mouvance gauchiste locale et autonomiste basque.

Samedi matin, les policiers ont ainsi investi un logement de Bayonne : ils y ont découvert l'attirail du parfait black bloc, en plus d'une arme factice de type airsoft. Un objet inquiétant s'il avait été exhibé en manifestation, puisque, dans la confusion, il aurait été difficile de faire la différence avec une arme létale. Le seul coup d'« éclat » – bien que très relatif, il a plus été suivi par les médias qu'il n'a réuni de militants – vient de l'association basque Bizi – non violente – qui a pu organiser en plein Bayonne dimanche matin une manifestation des « décrocheurs » de portraits officiels du président de la République, Emmanuel Macron. Présentée par ses supporteurs comme une opération d'une grande audace, elle a laissé les forces de l'ordre de marbre.

Jonction des indépendantistes basques et de l'ultragauche

Les renseignements – SCRT et DGSI – ont pourtant compté près d'un millier d'activistes prêts à en découdre durant ces trois jours, dont près de trois cents sont arrivés samedi soir seulement. Une mobilisation importante que la mouvance anarcho autonome, selon la dénomination des services, a préparée dans l'Hexagone et une partie de l'Europe quelques mois avant le sommet. Le collectif basque Mauvaise Troupe a sillonné, par exemple, les routes de France afin de présenter l'ouvrage Borroka ! (lutte en basque, NDLR) abécédaire du Pays basque insoumis rédigé dans la perspective du contre-sommet, dans lequel on peut lire : « Au-delà du bien-fondé de l'arrêt d'une tactique dont beaucoup ne voyaient plus les perspectives [la lutte armée d'ETA, NDLR], il ne manque pas de militants euskaldun (basques) qui considèrent la preste liquidation de l'héritage d'ETA comme un peu raide et le virage amorcé par trop serré. Comment continuer à se battre au Pays basque ? Comment faire pour que la politique ne soit pas kidnappée par les urnes ? » Les fichés de Rennes, Nantes, Lyon, Bordeaux ou encore Toulouse ont été rejoints par des Allemands, des Belges et des Espagnols.

« Tous nos objectifs étaient bien présents sur zone », confirme-t-on à l'état-major des renseignements. Comprendre : les militants suivis de près par le RT ou la DGSI. La centrale de Levallois-Perret bénéficie de la coopération des services européens, très utiles pour repérer puis expulser les militants fichés comme susceptibles de provoquer des troubles à l'ordre public, comme cela a pu être réalisé avec des militants allemands avant et durant la tenue du G7. Grâce à son groupe Basque, préservé par Laurent Nuñez lorsqu'il était le patron de la DGSI, malgré le délitement d'ETA, le ministère de l'Intérieur a pu connaître en temps réel l'état de la mobilisation locale et sa volonté ou sa capacité à se joindre aux durs de l'ultragauche.

Dès que les plus virulents ont commencé à s'organiser en vue d'imposer leur idéologie au contre-sommet, les services de renseignement se sont mis au diapason. Dès juin, une note, consultée à l'époque par Le Point, recommandait aux agents secrets en fonction dans les 96 départements de la France métropolitaine de recenser « 1/ des squats et lieux de vie susceptibles d'accueillir ou de faire transiter des militants des mouvances contestataires radicales qui seraient susceptibles de se déplacer à l'occasion du sommet du G7 à Biarritz, 2/ les individus radicaux parmi les mouvances contestataires susceptibles de se déplacer au G7 ».

Cet énorme travail a permis d'actualiser les inscriptions au Fichier des personnes recherchées (FPR) dont sont issues les fiches S ou au Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (FPASP) et d'y insérer les militants remarqués ces derniers mois pour leur violence, sur les ZAD ou les manifs de Gilets jaunes. Aussi, lors des contrôles sur zone durant le sommet, le policier en tenue devait-il faire preuve d'une vigilance redoublée. « Une même personne ou un véhicule a pu faire l'objet d'une inspection poussée trois à quatre fois dans la journée », explique un stratège sur place.

Épuisés par le harcèlement des forces de l'ordre, des membres de la mouvance ultra ont commencé à plier tentes et bagages dès dimanche matin. Il restait près de 400 « objectifs » dimanche à 13 heures, selon un recensement effectué par la police. « Certains partent, car ils sont en effet dépités de n'avoir pu mener une seule action violente. Quelques-uns ont reconnu qu'on avait fait du bon boulot ! Mais d'autres quittent le campement parce qu'ils croient qu'on va l'investir lundi matin. Qui vivra verra ! »

Des préparatifs du sommet jusqu'au dimanche 25 août, les forces de l'ordre ont procédé à près de 170 interpellations.

La femme interpellée jeudi matin à Dax devait héberger des « black blocs »

Emmanuelle P., 37 ans, connu des services de renseignements pour son appartenance à la mouvance d'ultra-gauche, décrite comme virulente, a reconnu à la fin de sa garde à vue une partie des faits qui lui sont reprochés depuis son interpellation hier matin à son domicile près de Dax avec son compagnon Dylan L., 22 ans. Outre les dégradations de radars, elle a précisé aux enquêteurs qu'elle devait héberger durant le G7 des camarades radicaux originaires du sud-est de la France, dont l'un de Montpellier, en prévision de leur participation aux black blocs. Interrogé par Le Point, le procureur de Dax, Jean-Luc Puyo, a confirmé cette dernière information.

C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a poussé le parquet de Dax à requérir sa détention jusqu'à la prochaine audience de comparution immédiate qui doit se dérouler lundi à l'issue du sommet des chefs d'État. Emmanuelle P., si elle est connue du Renseignement intérieur, détient un casier judiciaire vierge. Son compagnon, décrit comme suiveur, a, lui, était placé sous contrôle judiciaire.

Le couple avait été interpellé jeudi matin au saut du lit à l'instigation de la direction interrégionale de la police judiciaire de Bordeaux. Lors de la perquisition, des bombes de peinture, des gants, des masques pour se protéger des gaz lacrymogènes ou encore des projectiles ont été retrouvés. L'examen de leurs téléphones portables a montré des images de contestations à Paris, Nantes et Bordeaux, selon le quotidien Sud-Ouest. Dans la nuit du 16 au 17 août, ils sont soupçonnés d'avoir effectué un périple de Dax jusque vers Capbreton. Ils auraient dégradé trois radars, inscrit des propos pro-Gilets jaunes, black blocs et anti-G7 sur des ponts et un tunnel.