vendredi 26 juillet 2019
Europol porte un coup fatal au cartel des Balkans
Des mois d'enquête sur trois continents, une tonne de cocaïne saisie: les polices européennes ont annoncé jeudi le démantèlement d'un vaste réseau de trafiquants des Balkans, région au c?ur du trafic de drogue en Europe.
Seize personnes ont été arrêtées, onze en Europe (Croatie, République tchèque, Serbie et Suisse) et cinq à Hong Kong, a précisé à La Haye Europol dans un communiqué. L'agence de coordination des polices européennes, s'est félicitée de la mise hors d'état de nuire de ce "réseau balkanique de criminalité organisée, se livrant à un trafic de cocaïne de large ampleur de l'Amérique latine vers l'Europe, en utilisant des avions privés".
Le 16 mai 2019, quand ils atterrissent à Bâle-Mulhouse sur la frontière entre la Suisse et la France, les occupants d'un jet arrivant d'Amérique latine via Nice, ne se doutent pas qu'ils sont piégés, surveillés par les gendarmes français et la police suisse.
L'arrestation de trois passagers, un Tchèque, un Croate et un Monténégrin considéré comme le chef du réseau, marque l'épilogue d'une enquête lancée en octobre 2018, quand un million d'euros avait été découvert dissimulé dans une voiture en Croatie, a expliqué jeudi à Zagreb lors d'une conférence de presse, Alen Barta, responsable du volet croate de l'enquête.
Agé de 60 ans et désormais détenu en Suisse, le Monténégrin est une "figure" du milieu, surnommé "Majk" ou "Majkl", selon le quotidien croate Jutarnji List. Né Ilmija Frljuckic, il est dans les radars policiers depuis les années 1990, sous de nombreux alias, Michael Dokovich, Michael Bugatti, Michael Illyriani ou plus récemment Zivko Jovic et Radovan Trzin. Il s'est marié en 1994 aux Etats-Unis avec la fille d'un policier de Floride, rapporte Jutarnji List.
Hong Kong et Macao
Dans son avion, 603 kilogrammes de cocaïne sud-américaine sont découverts, auxquels s'ajoutent les 421 kilogrammes trouvés en avril dans le port de Hong Kong. Les policiers tchèques saisiront plus d'un million d'euros lors de perquisitions, tandis qu'en Serbie, les enquêteurs mettent la main sur "une importante quantité de marchandises de luxe, de montres, de voitures", précise Alen Barta, selon qui cinq Croates figurent parmi les interpellés.
L'enquête "Familia" -- son nom de code -- a révélé que ces "trafiquants des Balkans ne limitaient pas leurs activités à l'Europe ou à l'Amérique latine, où ils ont affrété des vols d'un continent à l'autre en 2018 et 2019, mais aussi en Asie, où ils facilitaient et coordonnaient le trafic par la mer (...) principalement à Hong Kong et Macao", poursuit Europol.
"Nous avons conscience que le crime organisé ne respecte aucune frontière. Cette coopération internationale réussie (...) est la seule arme dont nous disposons pour le combattre", a insisté Alen Barta.
L'opération intervient au moment où, selon une source policière européenne, "le trafic de cocaïne atteint un niveau sans précédent". La production des trois principaux pays d'origine (Colombie, Pérou et Bolivie) a doublé entre 2016 et 2018 en passant de 1.000 à presque 2.000 tonnes par an.
Les Balkans, au cœur du trafic
Dans ce trafic, le milieu des Balkans joue souvent un rôle primordial, selon un récent rapport sur cette région de l'ONG Global Initiative Against Transnational Organized Crime. "Voisins de l'Union européenne", les Balkans deviennent "un point d'entrée de plus en plus important de la cocaïne, autant qu'un site de blanchiment des profits du crime", selon ce rapport.
Selon l'ONG, "les groupes criminels des Balkans sont actifs dans la distribution de cocaïne en Europe de l'Ouest, particulièrement en Autriche, en Grèce, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Suède et au Royaume-Uni".
En février 2018, la police albanaise a saisi 631 kilogrammes de cocaïne colombienne dissimulée dans un chargement de bananes, dans le port de Dürres (nord), autre centre névralgique du trafic. Quelques mois plus tard, 27 personnes, dont deux anciens parlementaires et deux policiers avaient été arrêtés dans ce pays.
Et depuis 2014, des gangs rivaux monténégrins se livrent une guerre sanglante, jusqu'à Belgrade ou Mostar (Bosnie), sur fond de conflit qui avait éclaté après la disparition en 2014 à Valence (nord de l'Espagne) d'un chargement de cocaïne.