Sans elle, le débarquement de Normandie n’aurait pas été possible
Nous connaissons tous le rôle majeur du débarquement de Normandie durant la Seconde Guerre mondiale. Avant son exécution, une opération d’ampleur appelée Fortitude (force d’âme) a été mise en œuvre pour semer le trouble chez les Allemands. DGS vous présente cette incroyable opération secrète qui a permis aux Alliés de tromper leurs ennemis à coups de ruses et de canulars invraisemblables.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, 156 000 soldats des forces alliées débarquent sur les plages de Normandie. Jusqu’au mois d’août, plus de 3 millions d’hommes traversent la Manche pour combattre les Allemands. Baptisée “opération Overlord”, cette manœuvre reste aujourd’hui la plus grande opération logistique de débarquement de tous les temps. Elle a largement contribué à la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, déjà affaiblie par la puissance de l’Armée rouge sur le front russe, en ouvrant un nouveau front en Europe de l’Ouest.
La réussite de cette opération phénoménale n’aurait sans doute pas été assurée sans l’ingéniosité impressionnante des forces de renseignements alliées. En 1943 déjà, les Allemands s’attendent à un débarquement en Europe, reste à savoir où. Le SHAEF (l’état major suprême de la force expéditionnaire alliée) échafaude alors l’opération Bodyguard. Son but : dissimuler l’invasion de ses troupes aussi bien par le nord avec l’opération Overlord que par le sud avec l’opération Dragoon.
Fondée par Winston Churchill en 1941, la London Controlling Section (LCS), qui s’occupe des opérations clandestines et de désinformation, prend en charge l’opération Bodyguard avec à sa tête le colonel John Henry Bevan. Cette dernière est divisée en trois parties dont les opérations Fortitude North et Fortitude South. La première tend à faire penser à un débarquement sur les côtes norvégiennes, une démarche visant à empêcher les Allemands d’envoyer des troupes de renfort en France. Les Britanniques simulent ainsi un renforcement de leur armée en Écosse, tout en élaborant un contact politique avec la Suède, pays neutre.
Pour accentuer la véracité de Fortitude North, l’opération Skye est lancée : des communications entre les armées factices sont transmises par radio. Au début du printemps 1944, des commandos britanniques bombardent des cibles industrielles et militaires en Norvège, afin de faire croire à une invasion prochaine. À la fin du printemps, 13 divisions armées allemandes attendent le supposé débarquement allié sur le territoire norvégien.
Mais l’opération de désinformation et de dissimulation la plus impressionnante est incontestablement Fortitude South. Pour les Allemands, un débarquement sur le sol français se fera forcément dans le Pas-de-Calais, il s’agit en effet du territoire le plus proche de l’Angleterre. Pour conforter les nazis dans cette idée, la LCS va inventer de toutes pièces le premier groupe d’armée américain, le FUSAG, qui est composé de 11 divisions factices. Cette “armée” est installée dans la région de Douvres, dans le comté de Kent, pour deux raisons : elle est située juste en face du Pas-de-Calais et les avions de reconnaissance allemands peuvent la survoler.
Un char gonflable du FUSAG © Wikimédia / domaine public
Un véritable dispositif artificiel est mis en place : chars gonflables, fausses infrastructures, batteries d’artillerie en caoutchouc, 200 navires faits de bric et de broc, faux terminal pétrolier, cinquante escadrilles de faux chasseurs… Pour crédibiliser cette énorme supercherie, une activité portuaire est simulée et des camions sans chargements sont mis en circulation. À la tête de l’armée factice, les Alliés nomment George S. Patton, redoutable général américain qui est bien connu des Allemands. Pour tromper les nazis jusqu’au bout, les Britanniques et les Américains créent un système radio qui simule des communications. Ils mobilisent ainsi plus de 1 000 personnes afin de préenregistrer des milliers de télégrammes traitant du quotidien du FUSAG.
Joan Pujol Garcia
À cet incroyable dispositif vient s’ajouter le rôle primordial des agents doubles. Les Allemands ont auparavant déployé un réseau d’espionnage en Angleterre mais le MI5, le service de sûreté britannique, réussit à en démanteler une grande partie. Une fois arrêtés, les espions n’ont pas vraiment le choix : la mort ou la coopération. Ces agents vont contribuer à la réussite de Fortitude en corroborant les “informations” divulguées par les Alliés. Parmi ces agents doubles, Joan Pujol Garcia, un Espagnol d’aspiration franquiste. Ce dernier, en qui les Allemands ont une confiance aveugle, leur fait croire que 24 de ces agents sont infiltrés dans le FUSAG.
Des fausses péniches de débarquement près de Douvres © Wikimédia / Domaine public
Enfin, à quelques jours du débarquement, les Alliés intensifient les frappes dans le Pas-de-Calais, une manœuvre particulièrement brutale puisqu’elle coûte la vie à environ 600 civils. Les Allemands, et surtout Hitler, sont convaincus que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais, où la 15e armée allemande, la plus puissante, attend patiemment l’arrivée des forces alliées.
Le dernier coup de grâce vient de la météo. Début juin 1944, une forte tempête frappe la Manche. Les nazis sont alors persuadés que les Alliés sont dans l’incapacité de débarquer, le général Erwin Rommel quitte même le Pas-de-Calais pour aller fêter l’anniversaire de sa femme. Mais les Alliés ont l’avantage : leur système météo est bien plus développé que celui des Allemands, ils sont à même de prédire une accalmie dans la nuit du 5 au 6 juin.
Les troupes alliées s’installent après le débarquement de Normandie
Jusqu’en août 1944, avec le déploiement de la 15e armée allemande en Normandie, les nazis sont persuadés que le débarquement n’est qu’un leurre et que le fameux FUSAG s’apprête à envahir le Pas-de-Calais. L’opération Fortitude a été une véritable réussite, sans laquelle les Alliés n’auraient certainement pas pu percer le mur de l’Atlantique.
Mathilde Rochefort