Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 24 mai 2019

Le SRC décortique toute une série de menaces




L'extrême droite et l'extrême gauche sont dans le viseur du Service de renseignement de la Confédération (SRC). Un potentiel de violence existe. Le recours à des recherches spéciales pour observer ces milieux n'est pas exclu à l'avenir.

Le Conseil fédéral va mettre en consultation en été 2020 une révision de la loi sur le renseignement, a expliqué la ministre de la défense Viola Amherd en présentant vendredi devant les médias le rapport annuel dur SRC sur la sécurité. Il pourrait proposer de renforcer l'arsenal du service.

Moyennant une série d'autorisation, dont celle de la justice, les agents du SRC peuvent surveiller des communications, observer des faits dans des lieux privés, si nécessaire en installant des micros ou de caméras, ou perquisitionner secrètement des systèmes informatiques et y installer des «chevaux de Troie».

Ces instruments ne peuvent être utilisés que contre le terrorisme, l'espionnage et la prolifération d'armes. Ils pourraient aussi l'être contre l'extrémisme violent. Nous avons été critiqués de ne pas être assez actifs dans ce domaine et cela nous donnerait plus de moyens, a expliqué le directeur du SRC Jean-Philippe Gaudin.

Mais la décision sera politique, a-t-il souligné. La ministre de la défense marche sur des oeufs. La question sera analysée très précautionneusement, a-t-elle précisé. Pour le reste, la révision de la loi devrait porter sur une optimisation de la surveillance du SRC.

Recrudescence de l'extrême droite

L'extrémisme est une des menaces mises en évidence dans le rapport annuel. L'an dernier, le SRC a constaté une forte recrudescence à l'extrême droite. Plusieurs groupes disposent désormais de sites Internet accessibles au public. Dans le canton de Vaud, l'un d'eux a même ouvert son propre local.

La plupart des actions, à l'image des patrouilles de protection de la population autochtone, sont d'abord des opérations de propagande. Mais ces milieux possèdent d'importantes quantités d'armes fonctionnelles. Leurs membres s'entraînent en outre à la manipulation d'armes à feu et aux sports de combat.

L'extrême droite continue pour l'instant d'agir dans le plus grand secret pour éviter, comme en Valais, qu'un concert soit annulé face aux réactions de l'opinion publique. Cette pression publique contribuera probablement à un repli dans l'ombre plus marqué, risquant de donner lieu à de violentes réactions de frustration.

Le potentiel de violence pourrait se concrétiser dès l'instant où ces milieux identifieront un point de ralliement autour d'un sujet d'actualité comme une hausse de l'immigration ou un attentat djihadiste. Selon M.Gaudin, un extrémiste de droite pourrait être tenté d'imiter le massacre de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.

Lutte avec l'extrême gauche

Les extrémistes de droite pourraient en outre réagir violemment aux actions à leur encontre de l'extrême gauche. Le potentiel violent de cette dernière demeure élevé. Plusieurs autres situations sont susceptibles de dégénérer. Les extrémistes de gauche peuvent par exemple profiter de rassemblements de personnes pour passer à l'acte sous couvert de la foule et agresser la police.

Le SRC voit également un danger dans le départ de militants vers les zones kurdes de Syrie. Il faut s'attendre à des retours d'individus susceptibles d'avoir acquis de nouvelles capacités, par exemple en lien avec les armes et les explosifs, ou plus enclins à la violence que par le passé.

Une recrudescence marquée des incidents en lien avec les extrémistes de la cause animale a en outre été observée en 2018. Plusieurs actions contre la chasse ont été menées notamment à Zurich. La lutte contre la consommation de viande a conduit à de nombreux dégâts matériels en Suisse romande. Six entreprises ont été attaquées au cours d'une même nuit à Genève.

Espions russes et chinois

L'espionnage est aussi une préoccupation du SRC. Une persistance des activités d'espionnage russes a été constatée. La Suisse serait actuellement l'un des points névralgiques en Europe. Près d'un tiers des diplomates accrédités actuellement sont des membres avérés ou soupçonnés des services de renseignement russes. Sans compter les collaborateurs séjournant temporairement en Suisse.

Pékin ne serait pas en reste, notamment dans l'espionnage économique. Les conclusions relatives aux incidents constatés jusqu'à présent en Suisse suggèrent l'implication de plusieurs groupes de hackers récemment associés aux services de renseignement chinois. Des services de renseignement étrangers pourraient jouer un rôle dans la préparation, l'exécution et le suivi de délits graves tels que des enlèvements ou assassinats commandités par des États.

Le SRC défend son approche

Les accusations de surveillance illégale lancées par plusieurs partis et organisations de gauche vont être analysées. En attendant, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) se défend face aux critiques.

La loi doit être respectée, a souligné la ministre de la défense Viola Amherd vendredi devant la presse. Elle ne peut pas se prononcer à ce stade sur les accusations lancées jeudi par la Jeunesse socialiste et les Verts, mais va demander des informations. La délégation des commissions de gestion du Parlement et l'Autorité indépendante de surveillance pourront se pencher sur ces cas.

Le directeur du SRC Jean-Philippe Gaudin a quant à lui martelé que ses services travaillaient dans le cadre de la loi et qu'ils n'espionnaient pas les partis et les personnalités politiques. Le SRC est rigoureusement contrôlé par les organes de surveillance, a-t-il ajouté.

Le SRC espace son monitoring du djihad

La Suisse compte un peu moins de personnes présentant un risque en lien avec le terrorisme. Selon les nouvelles statistiques du Service de renseignement de la Confédération (SRC), les chiffres des voyageurs du djihad sont également stables.

En mai, le service a enregistré 66 personnes à risques et 92 voyageurs du djihad. Le nombre de ces derniers, partis de Suisse dans des zones de conflits n'a pas bougé depuis février. Le monitoring du djihad sera donc publié désormais tous les six mois au lieu de trois, annonce vendredi le SRC.

Aucun départ vers la zone de conflits irako-syrienne n'a été enregistré depuis 2016. Depuis 2001, 77 départs ont été recensés vers la Syrie et l'Irak, 15 vers la Somalie, l'Afghanistan, le Pakistan et les Philippines. Parmi ces voyageurs, certains sont encore sur place ou passent d'une zone de conflits à une autre. 31 personnes sont décédées. Le nombre des retours se monte à 16.

Parmi ces 92 cas, 31 personnes sont détentrices de la nationalité suisse (dont 18 binationales). Le SRC estime à une douzaine le nombre de femmes liées à la Suisse s'étant rendues en Syrie ou en Irak. Sept enfants ayant au moins un parent au bénéfice de la nationalité suisse sont concernés par cette problématique même s'ils ne sont pas comptabilisés dans la statistique globale.

Selon le SRC, une vingtaine de voyageurs du djihad avec le passeport suisse (enfants inclus) se trouveraient actuellement dans la zone de conflits irako-syrienne. Ce chiffre peut toutefois évoluer en raison de l'instabilité politique dans la région.

624 internautes repérés

Dans le cadre de la prévention du terrorisme, le SRC procède également à un monitoring des sites Internet publics ainsi que des médias sociaux utilisés par les djihadistes. Depuis 2012, 624 internautes (606 en novembre 2018) ont ainsi été repérés pour avoir diffusé du matériel prônant l'idéologie djihadiste, ou s'être connectés avec des personnes qui défendent les mêmes idées.

Le SRC organise des auditions préventives et peut demander pour les étrangers des interdictions d'entrée en Suisse, des expulsions, des révocations du statut de séjour et des signalements de recherches de personnes. Lors de soupçons d'actes répréhensibles, le SRC transmet ces cas aux autorités de poursuite pénale.

Le cercle des «personnes à risques» dont le total est revenu de 80 en novembre 2018 à 66 en mai ne se limite pas aux djihadistes. Le SRC utilise une combinaison de critères très précis où une référence concrète à la violence est décisive. Toutes les personnes sont signalées à l'Office fédéral de la police (fedpol) et au Ministère public de la Confédération.

Menace élevée

Selon le SRC, la menace terroriste islamiste s'est transformée, mais reste élevée. Le retour de voyageurs du djihad est l'un des enjeux. La Suisse est également concernée, tout comme ses voisins européens, par le traitement des cas de djihadistes sortis de prison ou de personnes radicalisées en détention.

Il faut s'attendre à des attentats plus simples, préparés par des acteurs isolés ou par des petits groupes. Ils risquent de viser des cibles faciles, comme des rassemblements de personnes ou des infrastructures de transport, estime le directeur du SRC, Jean-Philippe Gaudin.

ATS