mardi 9 avril 2019
Des membres présumés de Daesh ont attaqué une localité du centre de la Libye
Pendant que l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar dispute le contrôle de Tripoli aux forces loyales au gouvernement d’union nationale [GNA] dirigé par Fayez el-Sarraj, la branche libyenne de l’État islamique [EI] pourrait en profiter pour passer à l’action. Du moins, c’est ce que laisse craindre l’attaque qui a visé, une nouvelle fois, la localité de Fuqaha, dans la région d’al-Jufra, située dans le centre du pays.
En effet, selon la presse locale, qui s’appuie sur les témoignages d’habitants, des membres présumés de l’EI sont arrivés à l’aube du 9 avril à Fuqaha. Après avoir coupé l’électricité et les communications, ils ont assassiné un responsable local ainsi qu’un chef de la garde municipale. Puis ils ont enlevé une troisième personne [qui n’a pas été identifiée] avant d’incendier des maisons et de se retirer.
La localité de Fuqaha, théoriquement contrôlée par les forces du maréchal Haftar, a déjà été visée à plusieurs reprises par les jihadistes. Comme en octobre dernier, avec un mode opératoire quasiment identique. À l’époque, quatre personnes avaient été tuées et huit autres furent prises en otage.
Depuis qu’elle a été chassée de la ville de Syrte par les milices loyales au GNA [et avec un soutien militaire américain], la branche libyenne de l’EI a su se réorganiser grâce à l’apport de recrues surtout venues de l’étranger, notamment du Soudan. En 2018, l’organisation a intensifié ses actions, comme l’a montré l’attaque de la haute commission électorale nationale libyenne, à Tripoli, en mai de cette année-là [14 tués et 50 blessés].
Dans le même temps, les forces américaines ont effectuées plusieurs frappes aériennes contre le groupe jihadiste. En juin 2018, l’une d’entre-elles aurait été fatale à Abdel-Ati El-Kiwi, alias Abou Muslim al-Libi, l’un de ses principaux cadres.
Dans son dernier rapport relatif à la Libye [.pdf], le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, relevait que la branche libyenne de l’EI était restée active « dans la vaste zone désertique au sud de son ancien bastion de Syrte, étendant son influence au sud vers la région de Sabha » et qu’elle avait également « conservé de petites cellules opérant à partir des zones côtières du centre et de l’ouest de la Libye. »
Et d’ajouter : les jihadistes, en particulier ceux liés à l’EI, ont « continué de profiter de la fragmentation du pays, de la porosité des frontières terrestres et de la faiblesse persistante des institutions de l’État. L’organisation utilise les régions reculées du centre et du sud de Libye pour former et recruter des membres et préparer des attentats. »
Cependant, poursuit ce rapport, les « opérations antiterroristes menées par le Gouvernement d’entente nationale [GNA] dans l’ouest et par l’Armée nationale libyenne dans l’est du pays ont intensifié la pression exercée sur les éléments extrémistes, limitant leur liberté de circulation dans les régions les plus peuplées. »
Aussi, si les affrontements entre les forces du GNA et l’ANL venaient à s’éterniser, cette pression antiterroriste sera de facto moins importante… Et donc l’EI devrait avoir davantage de marge de manoeuvre. L’attaque de Fuqaha pourrait en être un signe avant-coureur.