Que s’est-il passé à l’ambassade de Corée du Nord, à Madrid, le 22 février dernier? Officiellement, une ressortissante nord-coréenne a été prise en charge pour des « blessures légères » reçues dans une rue située près de l’emprise diplomatique. Et si aucune plainte n’a été déposée auprès des autorités espagnoles, le Commissariat général de l’information [Comisaría General de Información], habituellement saisi pour traiter les affaires sensibles, a été chargé de mener une enquête, en lien avec le Centre national de renseignement [CNI], c’est à dire le renseignement d’outre-Pyrénées.
Six jours après les fait, le quotidien El Confidential a en effet révélé que la femme en question s’était blessée après avoir sauté par une fenêtre du bâtiment. Prévenue par un riverain, la police est ensuite arrivée sur les lieux avec un interprète pour recueillir son témoignage. Et elle aurait ainsi évoqué l’intrusion d’un groupe armé dans l’enceinte diplomatique. Toujours selon ses propos, au moins 8 employés auraient été battus, ligotés et bâillonnés.
D’après le journal La Vanguardia, un policier se serait ensuite présenté à l’ambassade. Et un « homme bien habillé » lui aurait assuré que « tout était normal ». Cependant, en surveillant le secteur, les policiers auraient aperçu deux véhicules diplomatiques « haut de gamme » quitter le bâtiment à grande vitesse. Et l’une était conduite par celui qui venait d’accueillir le policier. Les voitures ont été retrouvées plus tard, abandonnées par leurs occupants, dans un quartier proche de la légation nord-coréenne.
A priori, selon la presse espagnole, les dix assaillants étaient surtout intéressés par les ordinateurs et les téléphones mobiles des employés de l’ambassade. Évidemment, il est difficile d’imaginer que l’intrusion dans une enceinte diplomatique puisse être le fait d’une bande de truands… Surtout que cet « incident » s’est produit quelques jours avant la seconde rencontre, à Hanoï, du président Trump et de Kim Jung-un, le chef du régime nord-coréen.
En outre, d’après El Confidential, les limiers du CGI chercheraient à vérifier si l’attaque de l’ambassade ne serait pas liée à l’incendie, plus tôt, d’un transformateur d’Iberdrola qui, situé à deux pas, fait aussi office de relais pour les communications téléphoniques.
Le 10 mars, le même quotidien espagnol, revenant sur les « mystères » de l’ambassade nord-coréenne, a évoqué les différentes « hypothèses » des enquêteurs espagnols. Et l’une d’entre-elles serait que la CIA aurait commandité, voire planifié cette opération, « probablement en collaboration avec d’autres services de renseignement », en l’occurrence sud-coréens. Visiblement, cette théorie prend corps, à en croire les dernières informations livrées par El Pais.
Ainsi, selon ce dernier, qui cite des sources policières et du contre-espionnage espagnol proches du dossier, au moins deux des dix assaillants auraient été identifiés comme ayant « des liens avec les services secrets des États-Unis. » Et cela, après avoir analysé les images des caméras de surveillance, recoupé les témoignages des victimes et passé au peigne fin les voitures diplomatiques ayant servi à leur fuite.
Pour les enquêteurs, il est clair que les assaillants savaient ce qu’ils cherchaient, c’est à dire des informations sur Kim Hyok Chol, un proche du Kim Jong-un devenu l’émissaire nord-coréen pour les États-Unis après avoir été en poste en Espagne jusqu’en septembre 2017, date à laquelle il fut déclaré persona non grata par Madrid.
En outre, le quotidien révélé un autre détail sur l’attaque du 22 février. Ainsi, le chef de la délégation diplomatique nord-coréenne aurait subi un interrogatoire en tête à tête, mené par un homme se faisant appeler « El Empresario ».
Toujours d’après El Pais, les services espagnols ont demandé quelques explications à la CIA. Cette dernière aurait nié toute implication mais de « façon peu convaincante », avance le quotidien, qui s’appuient sur des « sources gouvernementales ».
Reste à voir ce que fera Madrid, si ces informations sont confirmées. Cette action présumée de la CIA pourrait donner lieu à des frictions diplomatiques avec Washington étant donné que les barbouzes américains l’aurait conduite sur le sol espagnol sans en demander l’autorisation, ni même en informer leurs homologues ibériques. Qui plus est, une telle opération viole les conventions internationales, qui protègent les représentations diplomatiques.