Entre les annonces officielles et les révélations officieuses, les démentis et l’absence de commentaires (ce qui a éventuellement valeur d’approbation), les suppositions fondées et les galéjades, il est toujours compliqué de se faire une idée précise des nouvelles capacités militaires chinoises. Sauf quand on est placé devant le fait accompli. Et encore faut-il ne pas prendre tout pour argent comptant.
Cela étant, on sait que Pékin développe une arme hypersonique [le Wu-14], qu’elle est particulièrement active sur le marché des drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance], avec des appareils peu coûteux par rapport à leurs homologues israéliens et américains [qui, en plus, font l’objet de restrictions à l’export] et qu’elle dispose de missiles balistiques de portée intermédiaire, contrairement aux États-Unis et à la Russie [du moins si son missile 9М729 Novator russe n’enfreint effectivement pas le traité FNI].
En outre, Pékin a mis l’accent sur le développement de capacités cyberbétiques et spatiales (satellites, armes anti-satellites, etc) ainsi que sur ses forces navales, en faisant des progrès dans le domaine des sous-marins tout en investissant massivement dans sa flotte de surface, ce qui se traduira notamment par la mise en service d’un second porte-avions ainsi que par la construction d’un troisième, dont il est dit qu’il sera équipé de catapultes électro-magnétiques.
Dans certains domaines, la Chine semble-t-il pris de l’avance, comme le suggère le cas des armes électro-magnétiques. Mais cela demande encore confirmation…
Les capacités aériennes chinoises ne sont pas en reste. Malgré des lacunes dans la conception de moteurs, la Chine a déjà mis au point deux avions de combat dits de 5e génération, car « furtifs » : le Chengdu J-20, qui a effectué son premier vol en janvier 2011, et le Shenyang FC-31 Gyrfalcon.
Selon la documentation fournie par son constructeur, le J-20 est décrit comme étant un « chasseur furtif lourd », taillé pour la « supériorité aérienne ». Toutefois, Malcolm Davis, un analyste l’Australian Strategic Policy Institute, avait estimé, en janvier 2017, que sa mission serait plutôt de viser les avions ravitailleurs et les AWACS à longue distance, afin de paralyser une flotte aérienne adverse.
Quoi qu’il en soit, le dernier rapport [.pdf] de la Defense Intelligence Agency [DIA, renseignement militaire américain], relatif aux capacités militaires chinoises, considère que le J-20 et FC-31 sont des avions de 5e génération « multi-rôles ». Mais ce document estime également que la Chine cherche à développer un chasseur-bombardier furtif. Seulement, il ne donne pas beaucoup de détails…
Ainsi, on trouve une mention de cet appareil, qui serait donc en cours de développement et désigné « Tactical Bomber », dans un tableau résumant les principales caractéristiques des avions de la composante aérienne de l’Armée populaire de libération. Sans surprise, il est aussi fait état du H-XX [ou Hong-20, cf photo ci-dessus], c’est à dire le bombardier stratégique furtif appelé à remplacer les actuels Xian H-6K, dont la conception est largement inspirée du Tupolev Tu-16 soviétique.
La Chine met au point de « nouveaux bombardiers furtifs à moyenne et longue portée pour frapper des cibles régionales et mondiales. La technologie furtive continue de jouer un rôle clé dans le développement de ces nouveaux appareils, qui atteindront probablement leur capacité opérationnelle initiale d’ici à 2025 », avance le rapport de la DIA.
A priori, ces chasseurs-bombardiers de 5e génération chinois remplaceraient les actuels Xian JH-7. Une nouvelle version de ce type d’appareil – JH-7 E – a cependant été récemment présentée en novembre dernier.
Quoi qu’il en soit, le rapport de la DIA estime que la Chine a accompli d’importants progrès en matière d’armement, voire qu’elle est même sur le point de disposer de certains systèmes très avancés par rapport à ceux mis en oeuvre par les Occidentaux. Cela a été rendu possible par la stratégie chinoise consistant à acquérir des technologies « par tous les moyens disponibles ».
Évidemment, on pense à l’espionnage ou aux intrusions informatiques… Mais ce serait oublier la législation locale, qui impose des transferts technologiques aux industriels lorgnant sur le (très vaste) marché chinois.
« Cette approche en matière d’acquisition de technologie faut que l’Armée de libération du peuple est sur le point de mettre en service certains systèmes d’armes parmi les plus modernes du monde », avance le rapport. « La puissance militaire croissante de la Chine signifie qu’elle dispose de capacités avancées dans les domaines aérien, maritime et spatial ainsi que dans le cyberespace », ajoute-t-il. Et celui lui permettra « d’imposer sa volonté dans la région », estime-t-il.
Ainsi, outre la mer de Chine méridionale, que Pékin revendique dans sa quasi-totalité malgré les revendications de ses voisins et un avis de la Cour permanente d’abritage de La Haye, « le principe moteur de cette modernisation militaire est l’objectif ancien » du gouvernement chinois « de finir par contraindre Taïwan à la réunification avec la Chine et de dissuader toute tentative de Taipeh de déclarer son indépendance », avance la DIA.
« S’ils [les Chinois] voulaient tirer des missiles sur Taïwan, ils pourraient le faire maintenant. C’est ce qui m’inquiète le plus », a affirmé un reponsable militaire américain à la presse, rapporte l’AFP.
À court terme, une invasion de Taïwan est cependant peu probable car l’APL a encore des lacunes, notamment en termes d’organisation et de formation de ses soldats. Mais la DIA « ne sait pas exactement quand ils auront confiance dans leur capacité » pour lancer une telle offensive, a continué le même responsable. « Ils peuvent leur donner l’ordre d’y aller aujourd’hui. Mais je ne pense pas qu’ils aient particulièrement confiance dans cette capacité là », a-t-il estimé.
Alors que la Chine ne cesse d’accentuer la pression sur Taipeh, tant sur le plan diplomatique que militaire, le général Li Zuocheng, un haut responsable de l’APL, a mis en garde l’amiral John Richardson, le chef d’état-major de l’US Navy, alors en visite à Pékin. « Si quelqu’un veut séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise défendra à tout prix l’unité de la patrie », lui a-t-il lancé, le 15 janvier.