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mercredi 23 janvier 2019

Lanceuse d'alerte anti-Trump ou proxénète : qui est l'escort-girl biélorusse Nastia Rybka ?


Capture d'écran de la chaîne YouTube @Fontanka Ru


Nastia Rybka a été arrêtée à l'aéroport de Moscou alors qu'elle était en transit, puis libérée sous condition. Accusée d'«incitation à la prostitution», elle clame détenir des informations sur la collusion présumée entre Donald Trump et la Russie.

Les images de l’arrestation d'Anastasia Vachoukevitch – plus connue sous le pseudonyme de Nastia Rybka – lors d'une escale à Moscou le 17 janvier ont largement été partagées par nombre de médias. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux par son avocat, on peut voir plusieurs hommes la transporter de force sur une chaise roulante dans l'enceinte de l'aéroport Sheremetyevo de la capitale russe.



Alors qu'elle devait être entendue par un tribunal de Moscou le 19 janvier, son audience avait été reportée et sa garde à vue prolongée de trois jours. Les enquêteurs russes réclamaient qu'elle soit maintenue en détention pour une période de 30 jours : Nastia Rybka a finalement été libérée ce 22 janvier, à la condition de se présenter ultérieurement devant un juge et de ne pas quitter le territoire russe.

La raison du courroux des autorités moscovites ? La jeune femme – une escort-girl de haut vol ayant fréquenté des membres de l'élite politique et économique russe – est mise en cause dans une enquête pour «incitation à la prostitution». Des accusations dont s'est défendue celle qui a acquis le surnom de «chasseuse d'oligarques», expliquant ne pas être «coupable».

Une escort-girl qui dirigeait en Thaïlande une entreprise de «coaching sexuel»

Sur les réseaux sociaux, la jeune femme biélorusse partage depuis plusieurs années de nombreuses photos d'elle dénudée dans des postures osées, à Dubaï, Bangkok ou Moscou par exemple.

En février 2018, elle a été arrêtée dans la station balnéaire thaïlandaise de Pattaya aux côtés de neuf autres étrangers qui organisaient sous couvert de cours de «formation sexuelle» des orgies sexuelles payantes.

Condamnée le 15 janvier à une amende, elle a été expulsée dans la foulée. Pendant sa détention en Thaïlande, elle a acquis une notoriété internationale. La raison ? Selon ses dires jamais corroborés, elle détiendrait un enregistrement de plus de 15 heures au total de l'oligarque russe Oleg Deripaska, dans lequel il incriminerait le président américain, Donald Trump. Dans cette bande sonore qui aurait été enregistrée en 2016 sur son yacht, le milliardaire expliciterait les liens présumés entre le locataire de la Maison Blanche et la Russie, dévoilant des détails jusque là inconnus sur le directeur de lacampagne républicaine, Paul Manafort. Nastia Rybka a fait savoir à plusieurs reprises pendant sa détention détenir les «pièces manquantes du puzzle» : des informations, si elles existent, qui intéresseraient à coup sûr la justice américaine et plus particulièrement le procureur Robert Mueller, qui enquête depuis plus d'un an sur le rôle qu'aurait pu jouer la Russie dans l'élection de Donald Trump.

Des accusations opportunistes ?

Quelques médias avaient rendu Nastia Rybka célèbre en 2017, alors qu'elle était poursuivie en Russie pour avoir filmé Sergueï Prikhodko, vice-Premier ministre russe, sur un yacht d'Oleg Deripaska l'année précédente. Mais au-delà d'une courte polémique en Russie, l'affaire n'avait pas fait grand bruit.

L'oligarque russe lui avait intenté un procès pour diffamation, qu'il a gagné : Nastia Rybka et son autoproclamé «gourou du sexe», Alexandre Kirillov, ont été condamnés à lui payer chacun 500 000 roubles (6 800 euros) pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux la vidéo semblant le montrer en pourparlers avec le haut responsable russe. En octobre de la même année, l'escort-girl avait partagé une photographie d'elle en compagnie d'Oleg Deripaska avec la légende suivante : «Entraînement : chasse aux oligarques».

Quelques mois auparavant, Nastia Rybka publiait ce cliché d'Alexandre Kirillov – qui mène avec elle le groupe de «coaching sexuel» en Thaïlande – devant la Trump Tower du président américain.

Mais ce n'est qu'un an plus tard qu'elle a choisi de révéler qu'elle détenait des enregistrements compromettants. Le moment opportun, alors que la Biélorusse venait d'être placée en détention par les autorités thaïlandaises ?

Lors de son interrogatoire à Moscou, elle a déclaré ne vouloir «en aucune façon compromettre Oleg Deripaska», son avocat, Dmitri Zatsarinski, enfonçant le clou : elle «n'a rien à voir» avec l'oligarque russe et «encore moins avec Donald Trump», a-t-il affirmé en évoquant sa cliente.

Pourtant, Nastia Rybka a pendant de longs mois feuilletonné, sur son compte Instagram notamment, les informations compromettantes qu'elle disait détenir. Ainsi, dès le 27 février 2018, elle appelait «tous les médias et tous les journalistes» à partager son histoire. Elle recevait également dans la foulée le soutien – intéressé – du militant anti-corruption et opposant Alexeï Navalny.

Nastia Rybka a souvent tenu des propos hétérodoxes et participé à des protestations polémiques. En octobre 2017, elle apportait son soutien à Harvey Weinstein – au cœur d'un des plus retentissants scandales sexuels à Hollywood – nue devant l'ambassade américaine à Moscou.

Relâchée ce 22 janvier, Nastia Rybka encourt une peine de six ans de prison maximum selon la loi russe. Une question reste cependant en suspens : pourquoi un tel intérêt des médias occidentaux pour les allégations de quelqu'un qui a bâti sa carrière sur des déclarations fracassantes et des images provocantes ? Le seul fait d’évoquer la collusion présumée entre Donald Trump et la Russie suffit-il à susciter la curiosité du monde entier ?

Car près de deux ans après ses premières déclarations, aucun élément, qu'il provienne des enquêteurs russes ou thaïlandais, ou bien des journalistes ayant couvert ce feuilleton, n'est venu corroborer ne serait-ce qu'une partie des accusations de l'escort-girl biélorusse.

Reste une image : celle d'une femme fatale est-européenne, séductrice professionnelle, qui a suscité l'engouement de la presse internationale.