Le «système de crédit social» c'est maintenant en Chine...
Le «système de crédit social» que Pékin souhaite déployer dès 2020 n’a pas encore été clairement défini. Mais déjà, les premiers tests inquiètent les universitaires.
On se croirait dans un épisode de Black Mirror, cette série d'anticipation dystopique. Pourtant, un scénario orwellien dans lequel les citoyens sont notés et leur profil affiché publiquement pourrait bientôt devenir réalité en Chine. Et les prémices sont déjà là, en expérimentation. Et ce que pourrait impliquer le «système de crédit social» (SCS), que le gouvernement chinois veut mettre en place à compter de 2020, fait froid dans le dos.
Selon le journal Le Monde, les détails de ce système, que l’on présente couramment comme «un système unifié de notation des citoyens, fonctionnaires et entreprises chinois sont encore flous». Pékin expérimenterait à cet effet encore plusieurs options avant de choisir la meilleure pour la déployer dans tout le pays. Il coexiste actuellement plusieurs dizaines de versions différentes. Celles-ci permettent d’entrevoir les grandes lignes du système qui sera choisi par les autorités.
«L’idée est de collecter des centaines de données sur les individus et les entreprises, depuis leur capacité à tenir leurs engagements commerciaux jusqu’à leur comportement sur les réseaux sociaux, en passant par le respect du code de la route», résumait en octobre la sinologue Séverine Arsène dans une tribune au Monde.
La légalité et la moralité d'un individu dans les domaines économiques, sociaux et politiques seront donc scrutés avec pour but de lui donner un score qui le conduira à avoir, le cas échéant des récompenses ou des sanctions. Les Chinois mal notés pourront ainsi se voir refuser l’accès à certains emplois, crédits, écoles ou transports publics. Le Monde note que de telles «listes noires» existent déjà, par exemple dans le transport ferroviaire.
Lors d’une conférence à la 35e édition du Chaos Communication Congress, le grand rendez-vous annuel des hackeurs qui se tient à Leipzig, en Allemagne, jusqu’au 30 décembre, l’économiste Antonia Hmaidi a expliqué qu'en Occident et en Chine, ce système «est perçu complètement différemment». Selon elle, en Occident, «on le voit comme une grande dystopie orwellienne. En Chine, ils estiment plutôt que la technologie va régler les problèmes de la société.»
Des catégories allant de AAA à D
70 projets sont actuellement déployés par le gouvernement. Pour ses travaux, Antonia Hmaidi s’est intéressée particulièrement au système développé à Rongcheng, une ville de la côte orientale du pays, car elle estime que c’est vers un système décentralisé comme celui-ci que la Chine pourrait tendre. Il va jusqu’à classer les individus à l’échelle de quartiers ou entreprises via six catégories allant de AAA à D. Selon son analyse, rapportée par Le Monde, «les habitants se voient attribuer 1 000 points de base qui fluctueront selon un catalogue de comportements établis qui vont du remboursement de dettes à une naissance planifiée en passant par le fait de planter des arbres dans son jardin».
De plus, des personnes référentes désignées au niveau local sont chargées de transmettre des informations au niveau hiérarchique supérieur. Les autorités n’hésitant pas à afficher publiquement certains profils et informations pour inciter les gens à mieux se comporter, voire à «s’autocensurer».
Des lunettes à reconnaissance faciale à l'étude pour la police chinoise
Un officier de police équipé des lunettes à reconnaissance faciale à Zhengzhou, en Chine, février 2018
Une nouvelle paire de lunettes connectées est actuellement à l'étude dans la police chinoise. Des craintes se sont fait entendre depuis l'étranger quant à des utilisations politiques potentielles de cet outil biométrique.
Dans la ville de Zhengzhou, entre Pékin et Shanghai, les autorités chinoises se félicitent d'avoir interpellé 33 personnes grâce à des lunettes équipées d'une technologie de reconnaissance faciale, selon The Paper et Le Quotidien du peuple, deux journaux de l'Etat chinois. Ce premier test policier grandeur nature s'est déroulé dans la gare de Zhengzhou, gigantesque carrefour ferroviaire au cœur du pays. Selon le journal français Libération, le fait que la Chine réalise ces tests au début du mois de février n'est pas un hasard : le pays s'apprête à fêter le Nouvel An lunaire, le 16 février, générant d'immenses flux de population.
Les autorités affirment que grâce à ce nouvel outil, elles pourront analyser les visages de 120 000 voyageurs par jour dans la gare de l'est de Zhengzhou, «grâce à la présence d’agents équipés de ces lunettes postés aux quatre entrées».
10 000 personnes recherchées dans la base de données de la police locale
Selon les journaux d'Etat, sept personnes recherchées pour diverses affaires criminelles (du délit de fuite au trafic d’êtres humains) ont été arrêtées ces derniers jours et 26 autres ont été interpellées en possession de faux documents d'identité. Ces personnes figuraient toutes dans la base de données de la police locale, qui contient l'identité de 10 000 personnes.
Ce dispositif de surveillance fait craindre à l'étranger un accroissement de la répression des dissidents politiques opposés au gouvernement chinois. Interrogé par le Wall Street Journal, William Nee, chercheur à Amnesty International, a ainsi estimé que ces lunettes permettraient de suivre à la trace des opposants ou des minorités ethniques.
Selon Libération, le Parti communiste chinois met actuellement sur pied une base de données regroupant des informations biométriques sur toute la population (échantillons de voix, ADN, groupe sanguin, photo de l’iris, empreintes digitales).
L’objectif affiché de cette mesure serait d’identifier n’importe lequel des 1,4 milliard de citoyens chinois en seulement quelques secondes.