Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 21 mars 2018

Selon les salariés syriens de Lafarge, les dirigeants français les ont abandonnés face à Daech



Septembre 2014 : les jihadistes de Daech sont à Raqqa, tout près de l'usine Lafarge locale, mais le cimentier français maintient sa production. Pour continuer à vendre son ciment, la direction a-t-elle sciemment exposé son personnel au danger ? 



Obsédés par leurs ventes, il semble bien que les dirigeants français de Lafarge en aient oublié leurs employés syriens. Ils vont les entraîner vers la catastrophe. En septembre 2014, l'organisation Etat islamique enfonce les dernières lignes de défense kurdes. Les jihadistes ne sont plus qu'à quelques kilomètres de l'usine.

Quelles directives l'entreprise Lafarge donne-t-elle alors aux 25 salariés restés sur place ? Ne pas bouger, selon une note que s'est procuré "Complément d'enquête". Voici ce que l'on peut y lire : "Préparez des matelas, de la nourriture, de l'eau et du sucre dans le tunnel technique. En cas d'attaque de l'usine, réfugiez-vous dans les tunnels de l'usine et attendez. Surtout, pas de fuite en voiture en cas d'urgence."

Des salariés toujours à leur poste deux heures avant l'attaque

Dix-huit heures plus tard, les jihadistes pénètrent dans les lieux. Une prise célébrée dans une vidéo de propagande, où les terroristes paradent et se congratulent dans l'usine dévastée. Ces images, les anciens salariés retrouvés par les journalistes de "Complément d'enquête" les voient pour la première fois, et ils ne cachent pas leur émotion. "Quel malheur ! C'est un drame. Daech était à la fête ce jour-là. Les habitants de la région comme nous, on était vraiment dévastés." Le village a été pris en même temps.

Deux heures avant l'attaque, le chef d'équipe était encore à son poste. Il dit avoir travaillé jusqu'à la dernière minute. Les jihadistes n'étaient plus qu'à deux kilomètres. "Quand les bombardements se sont rapprochés, on nous a dit qu'ils allaient attaquer l'usine. J'ai prévenu tous les ouvriers, et on est partis [dans plusieurs voitures]." Selon les salariés, la direction française les a abandonnés à leur sort. "Pour moi, les dirigeants ne cherchaient qu'à gagner de l'argent, intervient l'un d'eux. Ils nous disaient toujours 'la sécurité d'abord'. Mais ce jour-là, elle était où, la sécurité ?"