La Russie va expulser des diplomates britanniques en riposte à l'expulsion de 23 de ses diplomates en poste à Londres, dans la foulée de l'empoisonnement d'un ex-agent double russe, Sergueï Skripal, survenu le 4 mars dernier au Royaume-Uni.
« Nous allons bien sûr le faire », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, interrogé à ce sujet par un reporter de Reuters à Astana, au Kazakhstan.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a également assuré vendredi que Moscou annoncerait dès vendredi une riposte « mûrement réfléchie » et « totalement conforme aux intérêts de [son] pays ».
La réplique de Moscou à la position « absolument irresponsable » du gouvernement britannique sera prise en bout de piste par le président Vladimir Poutine, a ajouté M. Peskov.
L'implication de Poutine « extrêmement probable » selon B. Johnson
La première ministre britannique Theresa May a annoncé mercredi l'expulsion de 23 diplomates russes et le gel des contacts bilatéraux avec leur pays, dans la foulée de l’empoisonnement de l'ex-agent double russe, Sergueï Skripal.
Selon Londres, M. Skripal et sa fille Youlia ont été empoisonnés le 4 mars par un gaz innervant de type Novitchok, fabriqué dans les années 70 et 80, à l’époque de l’Union soviétique. Tous deux demeurent hospitalisés dans un état critique.
La Russie joue depuis la carte de l’indignation, assurant qu’elle n’a rien à voir dans cette affaire, en niant même l’existence d’un programme d’armes chimiques Novitchok.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, en a néanmoins rajouté vendredi, en déclarant que l’implication du président Vladimir Poutine dans cette affaire est « extrêmement probable ».
Nous sommes en conflit avec le Kremlin de Poutine et avec sa décision - et nous pensons qu'il est extrêmement probable qu'il s'agit de sa décision - d'utiliser un agent innervant dans les rues du Royaume-Uni, dans les rues d'Europe pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Boris Johnson
Ces propos ont été immédiatement condamnés par M. Peskov. « Toute référence ou mention à notre président à ce sujet est une violation choquante et impardonnable des règles diplomatiques de conduite décente », a répliqué le porte-parole du Kremlin, selon des propos rapportés par l'agence russe Tass.
Plus tôt dans la journée, Sergueï Lavrov a aussi vivement réagi à des propos du ministre britannique de la Défense, Gavin Williamson, qui a déclaré jeudi que la Russie « devrait disparaître et se taire ».
« Peut-être veut-il entrer dans l'histoire avec des déclarations fortes. Je ne sais pas. Peut-être manque-t-il d'éducation », a répliqué M. Lavrov.
Dans une déclaration commune publiée jeudi, Londres, Berlin, Paris et Washington affirmaient que la responsabilité de Moscou était la seule explication « plausible » dans l'empoisonnement de M. Skripal et de sa fille. L'utilisation d'une arme chimique « constitue une agression contre la souveraineté du Royaume-Uni » et une « atteinte au droit international », ont-ils fait valoir.
Les bureaux de l'ambassade britannique à Moscou se trouvent dans l'immeuble situé au centre de cette photo. L'immeuble situé tout juste à sa gauche abrite des bureaux du ministère russe des Affaires étrangères. Photo : La Presse canadienne/AP/Pavel Golovkin
D’autres mesures de rétorsion contre les Américains
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a aussi confirmé vendredi que Moscou allait répliquer aux sanctions annoncées jeudi par l’administration Trump, en réponse à l’ingérence russe présumée dans la présidentielle de 2016 et à d’autres cyberattaques.
Ces sanctions visent 19 individus et 5 entités, dont les services de renseignements intérieurs et les services secrets de l'armée russe.
Selon M. Riabkov, cité par l’agence de presse russe RIA, Moscou va conséquemment allonger une « liste noire » de personnalités américaines.
Depuis toujours, nous avons appliqué un principe de parité en ce qui concerne le nombre de personnes qui figurent sur les listes de sanctions. Nous allons donc allonger notre "liste noire" avec un autre groupe d’Américains.
Sergueï Riabkov
La gaz innervant placé dans une valise de Youlia Skripal?
Selon le quotidien britannique Daily Telegraph, les services de renseignements britanniques seraient maintenant convaincus que l’agent innervant en cause dans cette affaire a été transporté par Youlia Skripal, à son insu, depuis Moscou.
Selon des sources au sein de ces services, la substance aurait pu être imprégnée dans une pièce de vêtement, intégrée dans des cosmétiques ou un cadeau dans la valise de la fille de l’ex-agent double russe.
Mme Skripal est arrivée en Angleterre dans un vol en provenance de Moscou le 3 mars. Le lendemain, elle et son père se sont rendus en voiture à Salisbury, où ils se sont stationnés vers 13 h 40. Ils ont ensuite pris un verre au pub The Mills et mangé dans une pizzeria de la chaîne Zizzi avant de se rendre à pied sur un banc de parc, où ils ont été retrouvés inconscients par des passants aux alentours de 16 h.
Or, selon les sources du Daily Telegraph, des traces de l’agent innervant ont été retrouvées dans la maison de M. Skripal, dans la voiture utilisée par les deux victimes, ainsi que dans les deux établissements qu’ils ont fréquentés par la suite.
Les enquêteurs croient d’ailleurs que le policier Nick Bailey, toujours hospitalisé après être intervenu dans cette affaire, aurait été en contact avec ce gaz à la résidence de M. Skripal, et non pas près du banc du parc où il a été retrouvé.
Des spécialistes interrogés par le quotidien accréditent cette thèse en soulignant que la police britannique n'a diffusé aucune image d'un présumé suspect dans cette affaire, malgré le fait que Salisbury compte de nombreuses caméras de surveillance.
La Russie a annoncé vendredi par communiqué l'ouverture d'une enquête pour la « tentative d'assassinat de la citoyenne russe Youlia Skripal perpétrée à Salisbury au Royaume-Uni ». Rien n'a cependant été annoncé concernant son père, condamné pour trahison en Russie il y a plus d'une dizaine d'années, avant d'être libéré dans le cadre d'un échange d'espions.
Le ministre Boris Johnson a révélé il y a quelques jours que M. Skripal avait la citoyenneté britannique.