lundi 19 février 2018
Un journaliste se procure des données militaires par jeu. Il risque de gros ennuis avec la justice
Cedric Schild, journaliste du magazine «Izzy», n'a pas manqué de culot pour un de ses récents reportages. Le jeune homme a voulu savoir s'il était possible de commander l'armée. Afin de se mettre totalement dans son personnage, il a enfilé un habit miliaire et s'est bricolé l'insigne d'un major, écrit ce lundi «20 Minuten».
Le journaliste a ensuite appelé une place d'armes depuis un studio radio et s'est fait passer pour le «major Schild». En prenant soin de prendre un air dirigeant et d'utiliser un jargon militaire, il a demandé à son interlocuteur de bien vouloir lui envoyer par e-mail le plan des gardes afin d'y apporter des modifications. Pour cela, il s'est même créé un faux courriel: major.schild.admin@mail.com.
«Un seul homme nique tout le système»
La vidéo de la conversation téléphonique a été publiée il y a une semaine sur Facebook et Instagram. Elle a été visionnée plus d'un million de fois, partagée plus de 3000 fois et commentée plus de 11'000 fois. «Un seul homme nique tout le système», écrit un internaute. Un autre s'interroge, avec un brin d'ironie: «C'est donc comme ça que ça se passe avec les documents confidentiels?»
Contactée par nos confrères alémaniques, l'armée suisse dit avoir connaissance de l'enregistrement. Son porte-parole Daniel Reist parle d'une «certaine naïveté» de la part des membres de l'armée ayant remis le plan des gardes. Il précise que ce document n'a aucune incidence sur la sécurité du pays. Mais: «Il n'est pas moins délicat pour la sécurité de l'unité concernée.» Le porte-parole ajoute que l'armée a pris des mesures juste après l'incident. Les membres de l'armée que l'on entend sur la vidéo ont été sensibilisés de manière ciblée à ce type de situation.
«Une grave erreur»
Toute cette affaire risque d'avoir des conséquences pour le journaliste: «A notre avis, il s'est rendu coupable d'usurpation de fonctions. Si tel devait être le cas, il risque jusqu'à 3 ans de prison.» Daniel Reist affirme que l'armée se réserve le droit d'engager des mesures juridiques, sans entrer davantage dans les détails.
La conseillère nationale Priska Seiler Graf (PS/ZH) conseille à l'armée de ne rien faire. «Je pense qu'il est plus utile de mieux former ses membres que de perdre son énergie à porter plainte.»
Werner Salzmann, conseiller national (UDC/BE) et président de la commission de la politique de sécurité du National, parle d'une «grave erreur». «Ces choses n'ont pas le droit de se produire! L'unité a clairement été mise en danger par la transmission des informations. Le plan des gardes contient notamment les rondes, qui sont effectuées à des intervalles irréguliers. Cela permet de savoir qui contrôle quel endroit et à quel moment. C'est la porte ouverte à un possible vol, voire à un attentat.» L'agrarien estime néanmoins qu'un tel cas isolé ne permet pas d'affirmer que les membres de l'armée ne sont pas suffisamment formés.
«Développer la pensée critique»
Interrogé, le patron d'«Izzy», Bernhard Brechbühl, souligne: «Jamais nous ne violons les lois de manière préméditée et à aucun moment nous ne voulions enfreindre la législation avec notre expérience satirique.» Et d'ajouter: «Notre but était de nous moquer de la hiérarchie qui règne au sein de notre armée. L'obéissance envers les supérieurs hiérarchiques empêche visiblement les soldats de remettre certaines choses en cause. Peut-être que l'armée devrait changer quelque chose dans sa formation et inciter ses soldats à exercer une pensée critique.»