jeudi 4 janvier 2018
Le cimentier français Lafarge payait 20'000 dollars par mois à Daesch
Cet ancien ingénieur syrien de Lafarge se fait appeler Ahmed. Avec 10 autres salariés du numéro un mondial du béton, il s'est joint à la plainte déposée par l'association Sherpa. Il raconte dans les colonnes du Parisien comment le groupe a traité avec les rebelles, puis avec le groupe Etat islamique.
Au début de l'insurrection en 2012, l'usine de Jalabiya dans le nord de la Syrie voit l'arrivée de combattants kurdes et de ceux de l'Armée syrienne libre. C'est à ce moment que Bruno Pescheux, le patron de la filiale syrienne, donne la marche à suivre. «Il nous a dit de ne pas nous inquiéter. De toute façon, on n'avait pas le choix sinon on se faisait licencier», raconte Ahmed.
«On a réalisé que tous les employés n'avaient pas la même valeur. Lafarge n'en avait rien à faire de nous», ajoute-t-il, en référence aux expatriés qui sont évacués du pays dès juillet 2012.
Arrivent les djihadistes
A la fin de l'année arrivent les forces djihadistes du Front Al-Nosra, affiliés à Al-Qaïda. Pas de changement dans un premier temps, puisque leur checkpoint continue de laisser passer les employés de Lafarge. «Evidemment la direction payait. De toute façon, pour continuer à faire tourner l'usine, ils ont financé tous les groupes. Cette entreprise a nourri la terreur», accuse Ahmed.
En 2013, l'ingénieur quitte la région et se réfugie dans un pays du Golfe, sans obtenir d'indemnités de Lafarge. Quant aux trente salariés encore présents dans l'usine, ils prennent la fuite en catastrophe le 19 septembre 2014, quelques heures avant l'assaut du groupe Etat islamique.
20'000 dollars par mois
Lafarge a acquis la cimenterie de Jalabiya en 2010 et le groupe l'a exploitée jusqu'à sa prise de contrôle par les djihadistes. Une activité, qui, selon les juges chargés d'instruire le dossier, n'a pu se réaliser sans de coupables compromissions financières avec plusieurs organisations terroristes.
Selon Bruno Pescheux, une somme de 20'000 dollars américains a été versée tous les mois entre 2012 et 2014 à l'Etat islamique. Ces versements étaient présentés dans les comptes comme des «frais de représentation».
Lafarge a-t-il bénéficié de la protection du Quai d'Orsay pour ses activités en Syrie? «Non, je l'affirme catégoriquement, je n'ai jamais demandé à Lafarge de rester en Syrie. Et je n'ai jamais laissé entendre ceci», a souligné Eric Chevallier, le dernier ambassadeur en poste à Damas.
Pour rappel; Lafarge a fusionné avec le no 2 mondial du secteur, le groupe suisse Holcim. Le nouveau groupe est officiellement lancé le 15 juillet 2015 sous le nom de LafargeHolcim. Les fais incriminés à Lafarge sont donc antérieurs à cette fusion et c'est donc bien le groupe français qui est entendu par la justice et non LafargeHolcim.