Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 23 décembre 2016

Anis Amria a été abattu par la police italienne


On le croyait en Allemagne… Mais c’est en Italie qu’il fallait le chercher : Anis Amri, l’auteur présumé de l’attentat de Berlin, commis le 19 décembre au soir, a été abattu par la police italienne, au cours d’une fusillade à Milan. Son identité a été rapidement confirmée par Marco Minniti, le ministre italien de l’Intérieur.

Le suspect est arrivé à la garde Sesto Giovanni, dans la banlieue de Milan, dans la nuit du 22 au 23 décembre. Là, ayant attiré l’attention d’une patrouille de policiers, il n’a pas hésité à sortir une arme, ce qui lui a valu d’être immédiatement abattu.

Peu de temps après l’attentat, la police allemande avait interpellé un jeune réfugié pakistanais, avant de le relâcher, faute de charges contre lui. Mais, dans le camion Scania volé ayant servi à l’attaque contre le marché de Noël de Berlin, il fut retrouvé des papiers d’identité au nom d’Anis Amri, ainsi que, sur la portière du véhicule, les empreintes de ce dernier. Du coup, le Parquet fédéral allemand lança un avis de recherche le concernant, accompagné d’une récompense de 100.000 euros.

Originaire de Tunisie, Anis Amri connaissait bien l’Italie… Ou plus précisément les prisons italiennes. Arrivé à Lampedusa en 2011 en se déclarant mineur alors qu’il avait 18 ans, il fut condamné à 4 ans de réclusion pour avoir tenté de mettre le feu au centre d’accueil de Belpasso, près de Catane, où il avait été placé. Violent et considéré comme dangereux, aucune remise de peine ne lui fut accordée.

Libéré en mai 2015 et transféré dans un centre d’identification et d’expulsion, la Tunisie ne le reconnut pas comme étant l’un de ses ressortissants. Finalement, il lui fut intimié l’ordre de quitter l’Italie. Inscrit dans le Système d’information de Schengen (SIS), qui répertorie les personnes surveillées, Anis Amri parvint à rejoindre l’Allemagne, où il déposa une demande d’asile en prétendant être de nationalité égyptienne.

Mais la ruse ne trompa pas les autorités allemandes : sa requête étant rejetée, une nouvelle procédure d’expulsion fut lancée. Sans résultat. Seulement, dans le même temps, Amri commença à fréquenter les milieux islamistes radicaux, dont le prédicateur Abou Walaa, un Irakien d’une trentaine d’années. Ce dernier fut interpellé en novembre 2015 pour ses liens avec l’État islamique (EI). C’est ainsi que le jeune tunisien apparut sur les radars du renseignement allemand. Et son nom fut inscrit dans le fichier des individus considérés comme « potentiellement dangereux ».

Le printemps dernier, suspecté de planifier un braquage pour se procurer ensuite des armes, Amri fut mis sur écoute. Mais l’enquête le concernant n’ayant pas été concluante, le dispositif de surveillance fut abandonné en septembre.

La suite est connue : le 19 décembre, il vole un camion appartenant à une entreprise polonaise et kidnappe son chauffeur, Łukasz Urban, qu’il assassinera plus tard. Et c’est ainsi qu’il foncera sur le marché de Noël de la Breitscheidplatz, fauchant une soixantaine de personnes sur son passage (12 tués, au moins 48 blessés). Cette attaque sera revendiquée plus tard par l’EI.

Reste que la cavale d’Amri pose plusieurs questions, la principale étant de savoir comment il a pu se rendre à Milan alors qu’il faisait l’objet d’un avis de recherche international. Selon les médias italiens, il aurait été en possession d’un billet de train Chambéry-Turin. Ce qui veut dire qu’il serait passé par la France avant de rejoindre l’Italie.

Comment nos frontières sont-elles sécurisées?



Cette escapade dans deux ou trois pays a minima est symptomatique de la catastrophe sécuritaire totale que représente l'espace Schengen.

Pourtant, avant même les attentats du 13 novembre 2015 (en prévision de la Cop21), la France a actionné une clause des accords de Schengen qui lui permet de rétablir provisoirement le contrôle à ses frontières. Réactivée après l'attentat de Nice, cette mesure avait entraîné d'importants bouchons à la frontière franco-espagnole pour les départs en vacances durant l'été 2016. Un plan de recrutement d'un millier de douaniers a même été lancé pour aider les 16.500 personnes travaillant actuellement pour les douanes.

Ce dispositif est toujours en vigueur. Et il le sera au moins jusqu'au 26 janvier 2017, rappelle le site Touteleurope qui publie une carte des pays européens qui ont fait de même. La France n'est donc plus sous le régime de la libre circulation, règle fondatrice de l'Union européenne.



"Les frontières ne sont pas étanches"

Voilà pour la théorie. Car en pratique, les choses sont plus compliquées. France Inter rappelait ainsi en novembre que "le long de la frontière franco-belge, on compte 1500 points de passages. Environ 400 si l'on exclut les chemins forestiers et agricoles". Garder cette frontière paraît donc illusoire, sauf à mobiliser un nombre de douaniers considérable. Il en est de même pour la frontière franco-allemande qui est encore plus longue.

Après l'attentat de Berlin, le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a pourtant réclamé "un renforcement sans délai des contrôles à la frontière franco-allemande". Plus de 200 hommes supplémentaires ont été mobilisés dans le Bas-Rhin. Des renforts avaient également été mis en place en Moselle, principalement autour de Forbach et Sarreguemines. Mais dans les deux cas, seuls les automobilistes empruntant les grands axes étaient systématiquement contrôlés.

Bruno Le Roux ne s'est d'ailleurs pas caché: il avait rappelé durant la semaine que que deux unités de forces mobiles avaient été déployées "en supplément du contrôle aux frontières, sur la frontière Est et la frontière Nord, et sur les axes routiers et autoroutiers où il peut y avoir circulation". Après la neutralisation du terroriste berlinois, Thierry Solère (porte-parole de François Fillon) lui a demandé des comptes.

"Les frontières ne sont pas étanches même quand elles existaient pour de bon. On peut passer par un champ, il n'y a pas de barbelés", a déjà répondu l'ancien juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Sans prendre la défense du gouvernement, il a balayé sur BFMTV l'idée selon laquelle on pourrait se prémunir à 100% contre l'intrusion de terroristes sur notre sol.

La SNCF a reculé sur le contrôle systématique

L'autre axe des contrôles concerne les gares. Mais là encore, le contrôle systématique des passagers quittant la France est compliqué. S'il est toujours en oeuvre pour les personnes allant en Grande-Bretagne (hors espace Schengen), il a même été abandonné par la SNCF pour les personnes prenant le Thalys. En cause, les retards que cela provoquait sur les trains. "Les quantités de gens sont telles, le temps est tellement réduit, que, physiquement, nous ne pouvons pas contrôler tout le monde", indiquait un porte-parole de la SNCF en janvier dernier, un mois après l'installation de portiques de sécurité à la gare du Nord pour les passagers prenant le Thalys.

Le gouvernement, par la voix de Ségolène Royal estimait pourtant que l'on pourrait s'accommoder des retards. "S'il y a 5 minutes de plus pour assurer la sûreté, je pense que les Français vont répondre positivement", disait la ministre de l'Environnement et des Transports quand elle avait émis l'idée d'un contrôle pour tous les trains.

En attendant que le débat ne resurgisse, la SNCF a réfléchi à un autre dispositif: faire circuler des trains avec à bord des agents armés en civil. Une mesure désormais testée, comme l'a affirmé le président Guillaume Pépy.


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