Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 13 novembre 2016

Un an après les attentats du 13 novembre, un réseau en grande partie démantelé mais un commanditaire mystère


C'était le pire scénario imaginable pour les forces de l'ordre: des attaques simultanées à divers endroits de la capitale, menées le 13 Novembre 2015 par trois commandos terroristes distincts et organisés.

Un an après ces terribles événements, le réseau derrière les attentats a été en grande partie démantelé et huit hommes sont écroués en France, dont un suspect-clé muré dans le silence. Le nom du commanditaire en revanche n'a pas été révélé.

Neuf assaillants dont un "cerveau", tous morts

Si les informations étaient relativement floues dans les jours qui ont suivi les attentats, l'enquête a permis de préciser un certain nombre de points, à commencer par l'identité des neuf terroristes. Sept d'entre eux ont été identifiés de manière formelle. Foued Mohamed-Aggad, Samy Amimour et Ismaël Mostefaï sont les trois terroristes du Bataclan. Abdelhamid Abaaoud, Brahim Abdeslam et Mohamed Abrini forment le commando qui a attaqué les terrasses. Bilal Hadfi, Ahmad al-Mohammad et Mohamad al-Mahmod se sont fait exploser au Stade de France. Ces deux derniers noms n'ont cependant pas été confirmé, car ils apparaissaient sur des faux documents d'identités.

Grâce aux géolocalisations des téléphones portables, des GPS des véhicules et aux images des caméras de surveillance, les enquêteurs ont également pu retracer le parcours des terroristes depuis leur départ de Belgique le 12 novembre.

Huit suspects incarcérés en France

Impliqués à des degrés divers, ils pourraient se retrouver sur le banc des accusés d'un futur procès. Salah Abdeslam, Français de Belgique âgé de 27 ans, a été arrêté à Bruxelles en mars et transféré en France fin avril. Il a fait depuis valoir son droit au silence et ses avocats ont renoncé à le défendre. Ce proche d'Abaaoud, qui a aidé plusieurs protagonistes du 13 novembre à gagner l'Europe, a participé, avec son frère Brahim, à la préparation des attaques. Il a convoyé les kamikazes au Stade de France et affirmé avoir renoncé au dernier moment à s'y faire exploser. Mais les enquêteurs se demandent s'il n'était pas chargé d'un attentat dans le XVIIIe arrondissement parisien, évoqué dans la revendication du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et qui n'a pas eu lieu.

Deux hommes qui ont exfiltré Abdeslam de France vers la Belgique, Mohamed Amri et Hamza Attou, et un troisième qui l'a aidé dans sa cavale, Ali Oulkadi, sont également mis en examen.

L'Algérien Adel Haddadi et le Pakistanais Mohamad Usman, soupçonnés d'avoir été missionnés pour participer aux attentats, ont été remis par l'Autriche fin juillet. Ils avaient débarqué en Grèce début octobre 2015, avec les deux kamikazes irakiens du Stade de France, mais avaient été repérés et placés en détention. Libérés, ils s'étaient rendus en Autriche où ils avaient été interpellés.

Enfin, Jawad Bendaoud et Mohamed Soumah, qui ont fourni la planque de Saint-Denis à Abaaoud, sont incarcérés.

Des complices tués ou écroués dans d'autres pays

"Tous les préparatifs pour les raids" ont "commencé" avec Ibrahim et Khalid El Bakraoui, a affirmé l'EI. Les deux frères sont morts en kamikazes lors des attentats qui ont fait 32 morts le 22 mars à Bruxelles, tout comme un autre suspect-clé, Najim Laachraoui, considéré comme un artificier du réseau et soupçonné d'avoir coordonné les attaques parisiennes depuis la capitale belge avec un quatrième homme, Mohamed Belkaïd, tué par la police.

Plusieurs suspects sont incarcérés en Belgique: un cousin de Salah Abdeslam qui lui a fourni sa dernière planque à Bruxelles et deux hommes dont les empreintes ont été retrouvées dans des caches du réseau. Deux autres ont été réclamés par la justice française: Mohamed Bakkali, logisticien présumé, et Mohamed Abrini. Repéré avant les tueries avec les Abdeslam, ce dernier ne sera pas transféré en France "dans l'immédiat", vu son rôle dans les attentats de Bruxelles: Abrini avait déposé un bagage piégé à l'aéroport avant de prendre la fuite.

Trois autres suspects sont incarcérés en Italie, au Maroc et en Algérie, et Ahmed Dahmani, soupçonné d'avoir aidé à repérer des cibles à Paris, est écroué en Turquie.

Un mystérieux commanditaire

La voix des frères Fabien et Jean-Michel Clain, piliers de la mouvance jihadiste toulousaine, a été identifiée dans le message de revendication de l'EI, mais ils ne sont pas les donneurs d'ordre, d'après une source proche du dossier.

Quant à Abaaoud c'était "un coordinateur", "pas le commanditaire", a relevé en mai le patron de la DGSE, Bernard Bajolet, devant des parlementaires. Il a affirmé aussi connaître l'identité de ce dernier sans toutefois la révéler.

Un homme, dont le nom de guerre "Abou Ahmad" apparaît plusieurs fois, pourrait avoir joué les premiers rôles. Il est soupçonné d'avoir missionné depuis la Syrie deux assaillants du Stade de France et le commando arrêté en Autriche. Les enquêteurs ont aussi retrouvé dans un ordinateur, abandonné à Bruxelles, "des conversations entre un certain Abou Ahmed et des membres de la cellule" portant notamment sur des modes d'action envisagés, d'après la source.

Jade Toussay