Il est l'un des hommes "les plus recherchés de Belgique et même d'Europe", selon une source proche du dossier. Oussama Atar, 32 ans, est soupçonné d'être un coordinateur, depuis la Syrie, des attentats de Paris et Bruxelles, a indiqué l'AFP mardi 8 novembre, confirmant une information du Monde.
Les enquêteurs pensent que derrière le nom de guerre "Abou Ahmad", cité à plusieurs reprises dans les investigations sur ces deux attentats, se cache Oussama Atar, un vétéran du jihad belgo-marocain aujourd'hui membre de l'organisation État islamique, qui avait revendiqué les attentats du 13 novembre à Paris et ceux du 22 mars à Bruxelles. "Il est le seul coordinateur depuis la Syrie à avoir été identifié en l'état des investigations", a précisé une des sources.
Selon les informations du Monde, Oussama Atar a recruté deux kamikazes irakiens qui se sont fait exploser près du Stade de France le 13 novembre 2015, organisé et financé leur voyage en Europe depuis Raqa. Il est aussi soupçonné d'être l'homme à qui les terroristes de Bruxelles auraient soumis leurs plans avant de passer à l'action le 22 mars. Son nom a été retrouvé dans un ordinateur retrouvé par les enquêteurs dans une poubelle devant une planque des terroristes de Bruxelles.
Des liens familiaux avec le terrorisme
Plusieurs personnes de son entourage baignent dans le milieu terroriste. Deux de ses cousins, les frères Ibrahim et Khalid El Bakraoui se sont fait exploser, avec un troisième kamikaze, lors des attentats de Bruxelles. Son propre frère Yassine est arrêté cinq jours plus tard avec deux autres hommes dans le cadre d'une "opération judiciaire antiterroriste". Il est toujours en détention préventive.
Oussama Atar fait aussi partie de la famille de Moustapha (40 ans) et Jawad Benhattal (29 ans), arrêtés le 18 juin pour "tentative d'assassinat dans un contexte terroriste". Tout deux sont soupçonnés, selon la presse belge, d'avoir voulu commettre un attentat avec un complice soit pendant une retransmission publique du match de l'Euro Belgique-Irlande, soit dans une artère commerçante de Bruxelles.
Tout récemment, l'entourage d'Oussama Atar a encore été visé par huit perquisitions, menées dans la nuit du 11 au 12 août, près de Bruxelles. Pas de traces d'arme ni d'explosif, mais sa mère, sa soeur et l'un de ses amis ont été arrêtés, avant d'être relâchés quelques heures plus tard.
"Comme je l'ai dit à la police, je n'ai aucun contact avec lui", assure sa soeur Asma, jointe par l'AFP. "Ca se compte en années", précise cette infirmière, qui reste cependant évasive sur la date du dernier contact. Puis elle ajoute: "Il y a un acharnement au niveau médiatique. Il y a beaucoup de choses qui sont fausses."
Elle rejette ainsi l'étiquette de possible "cerveau" ou "mentor" des attentats de Bruxelles dont l'affuble la presse belge ou le rôle qu'il aurait pu jouer dans "la radicalisation d'Ibrahim et Khalid" El Bakraoui.
Un temps soutenu par Amnesty International
Loin d'être un inconnu, Oussama Atar avait été interpellé fin 2004 à Ramadi, en Irak, alors en pleine guerre un an et demi après l'intervention américaine. Ramadi était alors un des bastions de l'insurrection jihadiste en Irak et de l'organisation qui allait se baptiser plus tard État islamique.
Le Belgo-Marocain avait été condamné à 10 ans de prison pour avoir illégalement franchi la frontière entre la Syrie et l'Irak, souligne son avocat de l'époque, Me Vincent Lurquin, qui se dit aujourd'hui "étonné de la façon dont on présente" son ancien client. Emprisonné pendant huit ans dans plusieurs geôles irakiennes gérées par l'armée américaine, dont trois ans dans la fameuse prison d'Abou Ghraib, selon son avocat, il était retourné en Belgique après sa libération en septembre 2012.
Le Monde explique qu'Oussama Atar est aussi passé par Camp Bucca, une prison du sud de l'Irak par laquelle sont passés de nombreux dirigeants de Daech, comme l'indique un document révélé par Wikileaks. C'est en ces murs qu'il aurait pu rencontrer, comme beaucoup d'autres jihadistes à la même époque, l'homme qui se présentera quelques années plus tard comme le nouveau "calife", Abou Bakr Al-Baghdadi.
Sa famille ayant choisi de médiatiser son cas dans l'espoir de le faire libérer, il avait à l'époque bénéficié d'une campagne de soutien de la part du gouvernement belge, de personnalités politiques ou d'ONG, comme Amnesty International qui le disait souffrant.
Sur une affiche de 2010, intitulée "L'oublié belge détenu en Irak", on le voit l'air juvénile, sourcils épais, fine moustache.
"Je n'ai jamais été accusé de terrorisme"
D'après une source proche du dossier, il n'a pas donné signe de vie "depuis au moins deux ans". Me Lurquin "ne sait pas" ce qu'est devenu son client depuis leur seul et unique rencontre, le lendemain de son retour en Belgique en 2012, lors de son audition par un juge d'instruction. "Il devait peser 45 ou 46 kg", se rappelle-t-il.
Dans une interview en 2011 au quotidien Le Soir, Oussama Atar avait expliqué être allé en Syrie "pour étudier l'arabe", avant de se rendre en Irak par l'intermédiaire d'une association pour y acheminer des médicaments.
Il avait alors nié avoir fait "de mauvaises rencontres": "En Syrie, j'ai toujours été en lien avec mon gouvernement et ma famille. Dans ce contexte, comment aurais-je pu être en contact avec Al-Qaïda ou une autre organisation de ce genre? Je n'ai jamais été accusé de terrorisme."
L'identité des commanditaires n'est toujours pas connue
D'après Le Monde, le jihadiste a rapidement rejoint la zone irako-syrienne après sa libération. Il est soupçonné d'avoir coordonné les attaques sanglantes des deux capitales européennes depuis Raqa, capitale autoproclamée du groupe État islamique.
Depuis les attentats, les enquêtes se poursuivent en France et en Belgique. L'hypothèse dun projets d'attaques coordonnées en Europe est toujours creusée par les enquêteurs, et le périple des jihadistes avant leurs actes toujours étudié. Les interrogations qui se dissipent autour du rôle d'Oussama Atar ne permettent pas aux enquêteurs, selon Le Monde, d'établir qu'il était le principal commanditaire des attaques, puisqu'il est possible qu'un "cerveau" plus discret ait joué un rôle important.
"Plusieurs noms de commanditaires –français ou étrangers– dont l'implication reste à établir, circulent dans la communauté du renseignement", explique le journal. Sans compter que l'enquête se poursuit sans l'aide de Salah Abdeslam, dont le rôle au soir du 13 novembre reste énigmatique, et qui garde pour l'instant le silence face aux juges français.