De son véritable nom : Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri, Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri, dit Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi, anciennement Abou Du'a1, plus récemment « calife Ibrahim » pour ses partisans, ou plus simplement Abou Bakr al-Baghdadi (arabe : أبو بكر البغدادي), est né à Falloujah en Irak le 28 juillet 1971.
L'imposteur
Sa jeunesse est méconnue et sa biographie précise difficilement vérifiable. Il est issu du clan des Badrites, installé entre Samarra et la province de Diyala. Selon des biographies diffusées par l'État islamique, al-Baghdadi serait un descendant direct de l'imam Ali ibn Abi Talib. Il utilise Al-Qurashi dans son nom, faisant référence à la confédération tribale des Quraych dont est issu le Prophète. Cette prétendue parenté lui permettrait ainsi de prétendre au titre de calife.
Ayant enquêté sur le parcours de Baghdadi, les journaux allemands Süddeutsche Zeitung et ARD écrivent qu'il était mauvais élève, ayant redoublé à cause de ses notes en anglais. Il aurait été refusé par l'armée à cause de sa myopie, malgré son appartenance à la minorité sunnite au pouvoir. Ce serait par défaut, n'ayant pu intégrer la faculté de droit, qu'il se serait rabattu sur la théologie. Il est étudiant à l'Université islamique de Bagdad.
Issu d'une famille rurale pauvre, al-Baghdadi s'établit à Tobchi, un quartier de l'ouest de Bagdad alors qu'il est âgé d'environ 18 ans. Pendant sa jeunesse il suit des études islamiques et obtient une maîtrise, puis un doctorat à l'université des sciences islamiques d'Adhamiyah, dans la banlieue de Bagdad. Au cours de ses études, il aurait d'abord été membre des Frères musulmans avant de rallier le salafisme.
Selon le chercheur irakien Hisham al-Hashimi qui l'a rencontré à la fin des années 1990, il n'avait alors « pas le charisme d'un chef [...] il était très timide et parlait peu ». Il se consacrait aux enseignements religieux et n'avait pas d'autre ambition que d'« obtenir un poste dans le gouvernement au sein des Dotations islamiques ». Vers l'an 2000, Al-Baghdadi est marié et père d'un fils. Il prêchait dans la mosquée Imam Ahmad ibn Hanbal de Samarra lors de l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003.
Après l'invasion américaine de l'Irak, Al-Baghdadi rejoint les insurgés à la fin de l'année 2003 et forme sa propre faction ; « Jaysh Ahl al-Sunnah oua al-Jama'a » (« l'Armée du peuple appartenant à la communauté sunnite »). Il prend à cette occasion le surnom d'« Abou Du'a ».
En 2004, Al-Baghdadi passe dix mois dans les geôles américaines en Irak. Il est arrêté le 31 janvier par les Américains à Falloujah, en même temps que Abdoul Wahed al-Semayyir et Nessayif Numan Nessayif. C'est ce dernier, ami d'Al-Baghdadi, qui était la véritable cible de l'opération, les deux autres hommes sont arrêtés presque par hasard. Pendant son emprisonnement, les Américains laissent Al-Baghdadi remplir le rôle de médiateur pour régler les problèmes de ses codétenus, sa qualité de doctorant en études islamiques lui conférant à leurs yeux une autorité jurisprudentielle. Classé comme « prisonnier civil » et « secrétaire » et non comme membre d'un groupe armé, Al-Baghdadi recrute en réalité des partisans et renforce son prestige. Jugé peu dangereux, il est libéré le 6 décembre 2004, après avoir été détenu dans les camps Bucca et Adder.
Rejoignant Al-Qaïda en Irak, alors dirigée par le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, il est nommé « émir de Rawah », dans la province d'al-Anbar et préside la tenue de tribunaux islamiques pour intimider les populations locales. Le 26 octobre 2005, il est la cible d'une attaque aérienne américaine visant un repaire présumé de djihadistes près de la frontière syrienne. Alors identifié sous le nom d'Abou Du'a, il est déjà décrit comme un haut responsable de la branche irakienne de la nébuleuse terroriste. Il était notamment chargé du transfert de combattants syriens et saoudiens en Irak.
Al-Baghdadi rejoint ensuite le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak et se signale par son intransigeance envers les autres mouvements insurgés sunnites. Le 13 octobre 2006, le conseil consultatif proclame l'État islamique d'Irak
Le 16 mai 2010, un communiqué du conseil consultatif de l'État islamique d'Irak annonce la nomination d'Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi en remplacement d'Abou Omar al-Baghdadi, son ex-émir, tué le 18 avril 2010 lors d'une opération conjointe des forces de sécurité américaines et irakiennes. L'organisation annonce également la désignation d'Abou Abdullah al-Husseini al-Qurashi comme son nouveau Premier ministre. Deux jours plus tôt, Abou Hamza Al-Mouhajer, ancien chef d'Al-Qaïda en Irak et ex-ministre de la guerre au sein de l'État islamique d'Irak, également décédé le 18 avril 2010, est remplacé par Nasser al Din Allah Abou Souleimane, selon un communiqué du groupe traduit par le centre de surveillance américain des sites djihadistes (SITE).
Abou Bakr al-Baghdadi est choisi pour plusieurs raisons : il fait partie de la confédération tribale des Quraych, il est lui-même membre du conseil consultatif de l'EI, il était proche d'Abou Omar, l'ancien émir, et il est plus jeune que les autres candidats. Selon le chercheur Hisham al-Hashimi, l'élection d'Al-Baghdadi est validée par neuf des onze membres du conseil consultatif.
En décembre 2010, les forces de sécurité irakiennes procèdent à l'arrestation de Hazem Abdul Razzaq al-Zawi, cousin de l'ex-émir Abou Omar al-Baghdadi et « ministre de l'Intérieur » au sein de l'État islamique d'Irak, lors d'une opération anti-terroriste menée à Ramadi. Au cours de l'interrogatoire, le suspect avoue son implication au sein du groupuscule et révèle l'identité du nouvel émir.
Le 3 décembre 2010, la chaîne de télévision satellite irakienne Al-Sumaria diffuse des clichés photographiques censés montrer Abou Bakr al-Baghdadi et Abou Souleimane, lequel a été identifié comme un certain Niaman Mansour al-Zaidi.
Dès la fin de l'année 2010, l’État islamique d'Irak, sous la direction d'Abou Bakr al-Baghdadi, intensifie les attaques contre des cibles gouvernementales et policières. Le 9 mai 2011, Abou Bakr al-Baghdadi annonce dans un communiqué son allégeance à Ayman al-Zawahiri, le successeur d'Oussama ben Laden, tué le 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan. L'« émir » de l'État islamique d'Irak réaffirme la loyauté du groupe envers la direction centrale d'Al-Qaïda tout en jurant de venger son ancien chef. En août, Abou Bakr al-Baghdadi déclare s'apprêter à déclencher une vague de cent attentats pour venger la mort d'Oussama Ben Laden.
Le 4 octobre 2011, Abou Bakr al-Baghdadi est inscrit sur la liste des terroristes les plus recherchés par le gouvernement américain (Rewards for Justice) qui offre une prime de 10 millions de dollars pour sa capture, faisant de lui l'un des trois chefs djihadistes les plus recherchés au monde avec Ayman al-Zawahiri, chef d'Al-Qaida, et le mollah Omar.
Le 22 juillet 2012, Abou Bakr al-Baghdadi annonce dans un communiqué audio que la branche irakienne d'Al-Qaida s'apprête à reprendre ses anciens bastions dans le pays d'où ses militants ont été précédemment délogés par les forces armées américaines et leurs alliés sunnites. Il appelle à libérer les militants djihadistes emprisonnés et menace de mort les juges, procureurs et ceux qui les protègent. Le 27 septembre 2012, 75 détenus s'évadent d'une prison à Tikrit à la faveur d'un assaut ayant entraîné la mort de 13 policiers.
Le conflit syrien, engagé en 2011 par l'Armée syrienne libre contre les troupes gouvernementales de Bachar el-Assad, apporte un nouveau souffle à l'EI, que les revers infligés par les forces américaines avant leur retrait d'Irak avaient affaibli.
En avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi annonce avoir rebaptisé l'État islamique d'Irak sous le nom d'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). L'initiative est fortement désapprouvée par Ayman al-Zawahiri, d'autant qu'elle prône une fusion entre l'EII et le Front al-Nosra. L'annonce du projet de fusion entre les deux groupes provoque des tensions parmi les djihadistes engagés dans la lutte contre le pouvoir du président Bachar el-Assad. De plus, le chef d'Al-Nosra, Abou Mohammed Al-Joulani, ne répond pas favorablement à l'appel de Baghdadi et prête serment d'allégeance à Ayman al-Zawahiri. Il avoue toutefois avoir combattu sous les ordres de l'émir de l'EIIL en Irak et d'avoir bénéficié de son aide en Syrie pour la fondation de son propre groupe. En juin, Ayman al-Zawahiri exprime son refus catégorique de valider la création de l'EIIL, d'autant qu'il condamne le fait de ne pas avoir été consulté au préalable. Devant ce refus, Baghdadi prend ses distances avec al-Zawahiri, il rejette ses instructions dans un message audio et revendique la paternité des combattants syriens d'Al-Nosra. Il confie la branche syrienne de l'EIIL à l'un de ses lieutenants et porte-paroles, Abou Mohammed al-Adnani.
Conscient que sa décision de reconnaître al-Nosra comme le seul représentant légitime d'Al-Qaïda en Syrie peut engendrer des conflits entre les combattants des deux groupes, Ayman al-Zawahiri décide d'envoyer un émissaire, le Syrien Abou Khaled al-Souri, pour tenir un rôle de médiateur entre l'EIIL et le Front al-Nosra. Celui-ci est tué à Alep le 23 février 2014, dans un attentat-suicide attribué à l'EIIL.
Désireux d'étendre les actions de l'EIIL de l'autre côté de la frontière irakienne, Baghdadi projette la création d'un État islamique englobant la Syrie et le Liban. L'EIIL engage des combats meurtriers qui aboutissent à la prise de Falloujah et de certains quartiers de Ramadi en janvier 2014, alors que son émir annonce son intention d'« anéantir ses rivaux de la rébellion », en parlant de l'Armée syrienne libre, qui accuse l'EIIL de faire le jeu du président Bachar el-Assad. De son côté, Ayman al-Zawahiri affirme que l'EIIL n'a aucun lien avec la direction centrale d'Al-Qaïda, désavouant les actions du groupe et de son « émir ».
Malgré les tentatives de l'EIIL de gagner la confiance et le soutien des populations locales au nord de la Syrie, le groupe se livre parallèlement à des exactions, des rapts, des enlèvements et n'hésite pas à assassiner des chefs rebelles non-djihadistes, actions qui entachent sa réputation. De plus, le groupe ne parvient pas à modérer l'intolérance religieuse et la brutalité des mercenaires étrangers présents dans ses rangs.
De son côté, Ayman al-Zawahiri ordonne à al-Baghdadi en mai 2014 de cesser toute agression envers le Front al-Nosra, l'appelant à concentrer les opérations de l'EIIL en Irak, pays dont son groupe est originaire. Il affirme par ailleurs que la proclamation de l'État islamique en Irak et au Levant « a été un désastre politique pour les Syriens ».
Le 29 juin 2014, l'État islamique en Irak et au Levant annonce rétablir le califat et prendre désormais le nom d'État islamique. Après avoir vécu pendant des années dans la clandestinité, Abou Bakr al-Baghdadi apparaît publiquement pour la première fois à Mossoul, le 3 juillet 2014. Il appelle tous les musulmans à lui « obéir ».
D'après le chercheur irakien Hisham al-Hashimi, Abou Bakr al-Baghdadi et le haut commandement de l'État islamique sont établis dans une zone montagneuse du district d'Al-Baaj, au sud-ouest de la province de Ninive en Irak. Ce territoire, passé sous le contrôle de l'État islamique le 5 janvier 2014 et rebaptisé « province de Furhat », est un sanctuaire djihadiste depuis plusieurs années ; les tribus sunnites, largement converties au salafisme, soutiennent l'EI et cinq bataillons de 350 à 500 hommes y seraient établis en permanence.
Selon le gouvernement américain, l'otage américaine Kayla Mueller, travailleuse humanitaire enlevée à Alep en août 2013, est violée à plusieurs reprises par Abou Bakr al-Baghdadi. Elle aurait été la « propriété » du chef de l'EI. Elle est tuée en février 2015, par une frappe aérienne de l'aviation jordanienne selon un communiqué publié par l'État islamique le 6 février. Le 10 février, les États-Unis confirment sa mort en niant cependant qu'elle ait été tuée par un bombardement.
Selon The Guardian et les autorités irakiennes, le 18 mars 2015, Al-Baghdadi est grièvement blessé à la colonne vertébrale dans une attaque aérienne américaine menée dans le nord-ouest de l'Irak et n'a pas repris les commandes du groupe terroriste depuis. Cependant l'information est démentie par le Pentagone qui affirme qu'aucun élément ne laisse penser qu'al-Baghdadi ait été blessé.
Le 26 décembre 2015, l'EI publie un audio d'Abou Bakr al-Baghdadi qui appelle à des soulèvements en Arabie saoudite et promet des attaques contre Israël.
Avant la guerre d'Irak, Abou Bakr al-Baghdadi est marié et père d'un fils. En 2008, il épouse Saja al-Doulaïmi, une jeune veuve âgée de 20 ans déjà mère de deux jumeaux après un premier mariage avec un Irakien membre de la garde personnelle de Saddam Hussein avec qui il a une fille, Hagar, née vers 2009. Elle le quitte, enceinte, après trois mois de mariage et divorce. Arrêtée en 2014 au Liban, elle est libérée avec douze autres personnes le 1er décembre 2015, lors d'un échange de prisonniers avec le Front al-Nosra qui relâche en contrepartie 16 soldats et policiers libanais pris à la bataille d'Aarsal. Saja al-Doulaïmi étant également la sœur d'un émir du Front al-Nosra.
Selon une thèse développée en 2015 par le magazine allemand Der Spiegel, qui s'appuierait sur un document de 31 feuillets récupérés par l'Armée syrienne libre, al-Baghdadi ne serait qu'un « leurre spirituel » d'un groupe dirigé par d'anciens hauts militaires de Saddam Hussein désireux de s'emparer des richesses d'une partie de la Syrie et de l'Irak. L'article du Spiegel a été critiqué par plusieurs spécialistes. Pour la chercheuse Myriam Benraad, l'article contient des « erreurs factuelles et [des] interprétations biaisées ». Pour le chercheur Romain Caillet, il reprend une « thèse conspirationniste » dont l'objectif est de « vouloir absolument minimiser les convictions religieuses des dirigeants de l’EI, sans doute par souci d’éviter tout amalgame entre l’organisation terroriste et la religion musulmane, reprenant ainsi le narratif des rebelles modérés et d’al-Qaïda, faisant des dirigeants de l’EI les agents d’un «complot contre le jihad mondial» ». De même, pour le journaliste Wassim Nasr, tous les anciens militaires baasistes et ex-officiers de Saddam Hussein passés à l'État islamique sont désormais des djihadistes convaincus.
Si monstrueux sont les méfaits commis en Irak et en Syrie par les takfiris (extrémistes islamistes) du groupe «Etat islamique» (Daech), que les savants islamistes n’hésitent pas non plus à dénoncer l’imposture du chef djihadiste Abou Bakr al-Baghdadi, alias «calife Ibrahim». Celui-ci viole la lettre et l’esprit du Coran, reprenant à son compte douze interdits fondamentaux.
Les voici:
- Il est interdit dans l’islam de simplifier à outrance ce qui a trait à la charia et d’ignorer les sciences islamiques reconnues.
- Il est interdit dans l’islam d’ignorer les réalités de l’époque contemporaine au moment d’émettre des jugements légaux.
- Il est interdit dans l’islam de tuer les innocents.
- Il est interdit dans l’islam de tuer émissaires, ambassadeurs et diplomates, donc il est interdit de tuer journalistes et humanitaires.
- Il est interdit dans l’islam de nuire ou de maltraiter – de quelque manière que ce soit – les chrétiens ou n’importe quel «peuple du Livre». Il est obligatoire de considérer les Yézidis comme un «peuple du Livre».
- La réintroduction de l’esclavage est interdite dans l’islam. Il fut aboli par consensus universel.
- Il est interdit dans l’islam de forcer des gens à se convertir.
- Il est interdit dans l’islam de refuser aux femmes leurs droits.
- Il est interdit dans l’islam de refuser aux enfants leurs droits.
- Il est interdit dans l’islam de pratiquer la torture.
- Il est interdit dans l’islam de défigurer des morts.
- Et il est interdit dans l’islam de déclarer un califat sans le consensus de tous les musulmans.
En vertu de quoi, les 126 savants coraniques appellent le chef de Daech à abandonner sa lecture déviante du Livre saint, laquelle «porte offense à l’islam, aux musulmans et au monde entier».
TF121