Les renseignements français perdent 5 personnels
Et la communauté française du renseignement vient d’être une nouvelle endeuillée avec l’accident au décollage, ce 24 octobre à Malte, d’un avion ISR (intelligence, surveillance, reconnaissance) de type Fairchild Metroliner Mark III, loué par les besoins de la DGSE et de la DRM [Direction du renseignement militaire, ndlr] à la société CAE Aviation.
L’appareil, un bimoteur immatriculé « N577MX » et mis service en 1983, devait effectuer une mission au-dessus de la Libye. Ses 5 occupants, tous de nationalité française, n’ont pas survécu.
Ce que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a partiellement confirmé. « Un avion de reconnaissance léger appartenant à la société CAE Aviation et effectuant des missions de reconnaissance en Méditerranée pour le compte du ministère de la Défense s’est écrasé ce matin (…) sur l’aéroport de Luqa à Malte, lors du décollage », a-t-il expliqué, via un communiqué. « La chute de l’appareil a causé la mort des cinq personnels présents à bord : trois relevant du ministère de la Défense et deux salariés du contractant privé », a-t-il ajouté.
Selon l’entourage du ministre, les trois « personnels relevant du ministère de la Défense » ne sont « pas tous » des militaires, sans donner d’autres détails, les familles des victimes n’ayant pas encore été toutes prévenues. Cela étant, il est donc probable qu’elles fassent partie de la DGSE.
Une enquête interne a été ouverte au sein du ministère de la Défense, en coordination « avec les autorités locales », afin de déterminer les causes de cet accident.
D’après les autorités maltaises, « des information officielles, des images et des témoins, dont trois militaires maltais se trouvant dans les casernes alentour et deux pilotes civils ont clairement indiqué qu’il n’y avait pas eu d’explosion avant l’impact ».
Qui sont les victimes ?
Selon nos informations, les cinq victimes travaillaient toutes pour la DGSE. Les deux pilotes seraient, selon nos sources, de jeunes retraités du Groupe aérien mixte 56 (GAM 56), basé à Évreux. Le GAM 56 est l'unité aérienne de la DGSE, appartenant au service Action. Il est courant dans ces activités de renseignement « privé » que des membres du personnel soient recrutés au sein même des services spéciaux. Ils ont de ce fait toute la confiance de l'État français pour la conduite de missions secrètes, tout en étant salariés par une compagnie privée, étrangère de surcroît. Les trois techniciens installés à l'arrière de l'avion appartenaient directement à la DGSE selon nos informations et travaillaient au profit de la direction technique. Il est de ce fait possible, sous réserve de confirmation, que la DGSE ait perdu huit hommes en un peu plus de trois mois, après le décès de trois de ses personnels en Libye, en juillet dernier.
Quid de la société CAE Aviation ?
Cette entreprise, basée au Luxembourg, est présidée par un passionné d'aviation, Bernard Zeller. Elle fournit à la Défense française une flotte d'une petite dizaine d'avions loués en fonction des besoins opérationnels. Cette flotte est composée de Fairchid SA227 Merlin IV utilisés par la DGSE et de Beechcraft 350 Super King Air utilisés par la direction du renseignement militaire. Selon les missions, l'avion peut emporter une variété de capteurs techniques, qui permettent soit des missions de guerre électronique (interception de communications), soit la prise de vues. Ces avions vulnérables volent dans des « milieux permissifs », à savoir dans les zones où un avion de combat – qui peut également conduire une partie de ces missions - n'est pas nécessaire.
Pourquoi les armées ne possèdent pas de tels appareils ?
Les besoins en renseignement technique sont immenses et les armées françaises, pas davantage que la DGSE, n'ont pas les moyens de se payer ce type d'avions. Seules deux acquisitions d'avions ISR, non encore effectives, sont prévues dans l'actuelle loi de programmation militaire. Le statut de CAE Aviation, basée au Luxembourg, immatriculant ses avions aux États-Unis, avant de les louer aux armées françaises, est extrêmement curieux, s'agissant de missions aussi périlleuses engageant la souveraineté de l'État français. Selon des acteurs du petit monde des ESSD (Entreprises de services de sécurité et de défense), ces acrobaties pourraient s'expliquer par la volonté d'échapper aux règles trop normatives des autorités techniques françaises. On n'est qu'au début de l'affaire…
TF121