Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 16 octobre 2016

Révélations sur le financement des attentats de Paris


Les enquêteurs traquent, depuis plusieurs mois, l'origine de l'argent qui a servi à l'organisation des attaques terroristes, commises contre la France en janvier et en novembre 2015 mais aussi en juillet 2016. Le centre d'analyse du terrorisme (CAT) s'est, comme la police, penché sur les comptes des différents auteurs des attentats. Ses experts ont épluché les relevés bancaires des frères Kouachi, d'Amédy Coulibaly, mais aussi d'Abdelhamid Abaaoud ou de Salah Abdeslam. Il ressort de cette étude que l'organisation des attaques de janvier 2015 (contre Charlie Hebdo, l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes et plusieurs policiers) a coûté 25 800 euros ; là où celle des attentats du Stade de France, du Bataclan et des terrasses de l'Est parisien a mobilisé près de 82 000 euros.

Sinistre comptabilité

Cette sinistre comptabilité aurait peu de sens s'il ne s'agissait surtout de cerner l'origine des sommes réunies afin d'identifier les commanditaires de ces actions criminelles. Or, de ce point de vue, il n'a pas été, à ce jour, possible de « tracer » aussi précisément les flux financiers comme pour l'attaque du Wold Trade Center, le 11 septembre 2001, où des « financeurs » avaient été retrouvés en Arabie saoudite. Le rapport du CAT, dont Le Journal du dimanche publie quelques extraits, aboutit à la conclusion que c'est par des prêts à la consommation, contractés par plusieurs des terroristes, que ces attaques ont majoritairement été financées.

C'est la raison pour laquelle Jean-Claude Brisard, directeur du CAT, milite pour la mise en place d'un registre central des prêts à la consommation accessible par Tracfin (le service du ministère des Finances de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins). Selon lui, un recoupement du fichier S et de cet instrument de surveillance des transactions financières permettrait d'alerter les services de renseignements en cas de mouvements suspects. « Les candidats au djihad ont tendance à vider leurs comptes d'un coup », pointe-t-il.

Reste que certaines opérations ne nécessitent pas de fonds importants : l'attentat de Nice n'a, ainsi, « coûté » que 2 500 euros. Et les meurtres des policiers de Magnanville ou du père Hamel ne semblent pas avoir nécessité de financement particulier. Les enquêteurs ont, par ailleurs, retrouvé d'importantes sommes en liquide, dans diverses caches européennes, qui accréditent l'idée que l'organisation des attaques de novembre était bien plus sophistiquée que ce que l'on imaginait au départ.

Le 13 novembre, opération « à part »

En découvrant des planques ayant abrité certains membres des commandos jusqu'en Hongrie et en apprenant que d'autres attentats étaient prévus à la même date, dans plusieurs pays européens, les services antiterroristes ont dû élargir le périmètre de leurs investigations. L'opération du 13 novembre était, de toute évidence, appuyée sur un réseau aux ramifications plus nombreuses que celles identifiées jusque-là.

Les enquêteurs se concentrent aujourd'hui sur une poignée d'individus impliqués dans la cavale de Salah Abdeslam, qui a duré quatre mois. Les interrogatoires en cours n'ont, pour le moment, pas filtré. À ce stade, c'est surtout la mémoire d'un ordinateur retrouvé fin mars dans une poubelle située près du dernier domicile connu du logisticien des attentats de Bruxelles qui semble s'être révélée la plus « loquace ».

Les informations contenues dans ce portable sont, en effet, très riches. On y a retrouvé, outre les testaments des « kamikazes », une liste de cibles potentielles (où figurait le quartier d'affaires de la Défense, mais aussi le siège de l'association catholique Civitas, des recettes d'engins explosifs et surtout des mailings qui n'ont pas fini de livrer tous leurs secrets.