dimanche 9 octobre 2016
Le Parti justice et développement remporte l'élection au Maroc
Les islamistes du PJD, à la tête du gouvernement de coalition depuis cinq ans au Maroc, ont remporté les élections législatives, a annoncé samedi le ministère de l'Intérieur, au lendemain du vote. Le Parti justice et développement (PJD) du Premier ministre Abdelilah Benkirane a obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le Parti authenticité et modernité (PAM, libéraux), sur un total de 395 sièges, selon des résultats provisoires officiels, après le dépouillement complet des bulletins.
L'Istiqlal, le parti historique de la lutte pour l'indépendance, puis le Rassemblement national des indépendants (RNI) arrivent en troisième et quatrième position avec respectivement 45 et 37 députés. Huit autres partis se partagent le reste des sièges, dont la Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui obtient deux députés. Le PJD était arrivé largement en tête des résultats provisoires annoncés la veille au soir, portant sur les listes locales (soit 90 % des bulletins), avec la quasi-certitude de remporter les élections.
« Un jour de joie et d'allégresse »
Le « parti de la lampe », comme l'appellent ses partisans, a donc réussi son pari d'un deuxième mandat à la tête du gouvernement de coalition pour « continuer la réforme », comme il le promettait au cours de sa campagne efficace et bien organisée. Dès vendredi soir, le Premier ministre Benkirane, également secrétaire général du PJD, avait salué « un jour de joie et d'allégresse pour les Marocains ».
Quelques heures plus tôt, le PJD avait néanmoins dénoncé des « abus » et tentatives de fraudes par des fonctionnaires de l'Intérieur pour favoriser le PAM, selon lui. Le ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad a rejeté ces critiques « de la part d'un parti qui continue de douter de la volonté constante de toutes les composantes de la nation, et à sa tête Sa Majesté le roi, d'enraciner la démocratie comme un choix stratégique et irréversible ». Hassad, qui s'était engagé dans la bonne tenue du scrutin, a aussi déploré l'annonce « prématurée » par le PJD de premiers résultats en début de soirée. C'est le dernier épisode d'un long bras de fer qui a alimenté la polémique ces dernières semaines, le PJD accusant l'Intérieur, puissant ministère régalien, de partialité et d'agissements en sous-main en faveur du PAM, formation fondée en 2008 par un proche conseiller du souverain et accusée par ses détracteurs d'être une courroie de transmission du palais.
Désintérêt électoral
En 2011, le PJD avait remporté une victoire historique, quelques mois après une révision constitutionnelle menée par Mohammed VI pour calmer le « mouvement du 20 février », la version marocaine du Printemps arabe. Avec les déboires ces dernières années des islamistes en Égypte et en Tunisie, le PJD reste la seule formation islamiste encore à la tête du gouvernement dans un pays de la région. Sur le plan national, il conforte sa position dominante sur l'échiquier politique, où le roi, chef de l'État et « commandeur des croyants », reste néanmoins le seul décideur sur les questions stratégiques (l'international, la sécurité et l'économie), selon les analystes.
Avec 125 députés, le PJD est encore en progrès par rapport à 2011 (107 sièges), et ce, malgré cinq années d'exercice du pouvoir. De même pour le PAM qui, s'il arrive en seconde position du scrutin, fait plus que doubler le nombre de ses députés (47 en 2011). Le PAM, par la voix de son porte-parole Khalid Adnoune, s'est dit « très heureux de ces résultats ». La formation libérale, qui se posait en rempart « moderniste » contre le PJD et « l'islamisation de la société », a de nouveau exclu toute alliance avec la formation islamiste. À elles seules, les deux formations raflent 227 députés, soit près de 60 % de la chambre basse du Parlement, et consacrent la « bipolarisation » de la scène politique, l'un des thèmes phares de l'avant-scrutin. Le taux de participation a été seulement de 43 %, illustrant le désintérêt de nombreux Marocains, notamment les jeunes, pour les urnes.
Selon la Constitution, le roi nomme le Premier ministre au sein du parti arrivé en tête des élections. Ce qui signifie logiquement que le Premier ministre Benkirane devrait être reconduit à son poste, et nouer des alliances pour former le prochain gouvernement. Ce qui était déjà le cas pour sa majorité sortante, qui comptait des communistes, des libéraux et des conservateurs.