Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 2 octobre 2016

Gabon : les observateurs européens écoutés par les services secrets d'Ali Bongo


Le 24 septembre, la Cour constitutionnelle gabonaise proclamait la victoire d'Ali Bongo à l'élection présidentielle du 27 août, une annonce survenue après un mois de controverses et de violences.

L'Union européenne avait envoyé des observateurs pour s'assurer de la bonne tenue de l'élection présidentielle, mais comme le révèle le Journal du dimanche, non seulement ces observateurs ont été largement écoutés par les services secrets d'Ali Bongo, mais leurs écoutes qu'a pu consulter le JDD révèlent des suspicions importantes de fraude électorale.

Pendant le mois d'août, une soixantaine d'observateurs de l'Union européenne arrive au Gabon pour "présenter une évaluation précise, détaille et impartiale du processus électoral". Le jour de l'élection, le 27 août, les observateurs de l'UE ne peuvent assister aux opérations de dépouillement dans la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo, ce qui provoque les premières hésitations des observateurs. Le 30 et le 31 août, pendant que les Gabonais attendent la proclamation des résultats, l'inquiétude des Européens devient palpable quant à des manipulations électorales : "Bongo sait qu'il a perdu, mais comment il va faire pour annoncer qu'il a gagné", questionne l'un des membres de la mission. Le responsable de la sécurité de la mission européenne, Pierre B., signale pour sa part des "modifications" sur Wikipédia pendant la nuit : "Ils ont gonflé la population du Haut-Ogooué ! C'est pas un signe encourageant."

Menaces de mort

Alors que les services secrets gabonais sont parfaitement au courant des doutes émis par les observateurs européens, des rumeurs propagées par les médias se mettent à courir sur les membres de la délégation. Sur les réseaux sociaux, l'un des membres est menacé de mort et doit être exfiltré du pays. Les 5 594 voix d'avance pour Ali Bongo, annoncées par le ministère de l'Intérieur le 31 août,  confirment les craintes des observateurs : le Haut-Ogooué a voté à 97 % pour le président sortant et déclenchent une vague de violences dans le pays. Dans les jours qui suivent, les écoutes vont permettre aux services secrets de prendre connaissance des échanges des Européens avec des opposants, notamment à propos d'originaux de procès-verbaux des opérations de vote. Alors que les observateurs quittent le pays, Pierre B. pronostique : "Franchement, ici, vu le volume de mécontents, une asphyxie du pays. Les gens ne vont pas jouer la force, ils vont jouer l'asphyxie."