Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 22 septembre 2016

L'affaire des policiers belges "passeurs" de migrants tourne à l'incident diplomatique


Bernard Cazeneuve demande des explications. L'affaire des deux policiers belges interpellés mardi 20 septembre à la frontière franco-belge en train de déposer 13 migrants au bord d'une route de campagne sur le territoire français tourne à l'incident diplomatique.

Le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve a en effet convoqué mercredi 21 l'ambassadeur de Belgique pour "lui demander des explications". Mais cette information n'a été rendue publique que le lendemain et le ministère de l'Intérieur n'a pas détaillé le contenu de leur entretien. Le "premier flic de France" à notamment "fait part de son mécontentement à son homologue belge dès hier matin" et "le message est passé", a toutefois précisé le ministère.

"Il est à craindre qu'il y ait de grands trous juridiques"

Les deux policiers belges avaient été interpellés par la police française mardi soir à Nieppe dans le Nord, ville frontalière, au volant d'un de leurs fourgons dans lequel se trouvaient treize migrants, dont trois mineurs, de nationalité afghane et irakienne, qu'ils venaient de déposer en rase campagne.

Ils ont été remis en liberté dans la nuit de mardi à mercredi, a indiqué la préfecture du Nord, après avoir été "entendus librement comme témoins au commissariat d'Armentières, où ils sont restés quelques heures car il fallait aussi traiter d'autres affaires". Selon cette même source, ils n'ont pas été menottés. Le président du SLFP Police, un syndicat policier belge, Vincent Gilles, avait affirmé le contraire à la RTBF, s'indignant du sort fait à ses collègues, "malgré l'identification" qui avait été faite.

"Ou bien les collègues français ont voulu s'amuser - il n'y a qu'eux qui ont ri dans cette histoire, en plus ils couvrent toute la police française de ridicule -, ou bien dans le cadre du protocole d'accord entre Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur français et Jan Jambon, le ministre de l'Intérieur belge, il est à craindre qu'il y ait de grands trous juridiques", s'était irrité Vincent Gilles, toujours à la RTBF.

Une initiative "pas conforme aux pratiques habituelles"

De source policière française, on précise que les migrants ont été découverts par la police belge d'Ypres en Flandres occidentale, après être sortis d'un camion parti de France, qui, pensaient-ils, allait les conduire vers Calais, d'où ils envisageaient de rejoindre l'Angleterre.

Les policiers belges les auraient alors reconduits en France, "mais sans respecter la procédure de réadmission, où on doit informer les autorités", a souligné cette source policière auprès de l'AFP. Elle a cependant assuré qu'à sa connaissance, ce type d'initiative était "une première" et que "polices belge et française s'entendent bien". Cette décision belge n'est "pas conforme aux pratiques habituelles de travail entre la France et la Belgique", a corroboré la préfecture du Nord.

Trois migrants placés, cinq libérés et cinq autres expulsés

Le commissaire d'Ypres, Georges Aeck, avait expliqué mercredi à la RTBF: "On a reconduit (les migrants) parce qu'on ne voulait pas les laisser ici, directement sur la route et les laisser à pieds aller à la frontière. Donc on les a reconduits (...) dans la direction où ils voulaient aller".

Et selon l'Obs, la pratique n'est pas nouvelle et se produit dans les deux sens. Selon le parquet de la ville de Tournai en Belgique: "c'est déjà arrivé dans l'autre sens, on a déjà interpellé des policiers français avec des migrants dans le Tournaisis, c'est arrivé au moins une fois", peut-on lire sur le site internet de l'hebdomadaire.

Les trois migrants mineurs ont été placés en foyer. Cinq autres ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, et cinq ont été remis en liberté. Ils avaient été précédemment placés en rétention administrative, le temps d'examiner leur situation.

Cet incident intervient alors que le gouvernement prépare le démantèlement du campement de migrants de Calais, où s'entassent près de 7.000 migrants selon l'Intérieur (10.000 selon deux associations). Pour les loger, les pouvoirs publics auront besoin de 9.000 places supplémentaires dans des Centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour porter leur total à 12.000 d'ici la fin de l'année.

Anthony Berthelier