Donald Trump, « ce clown à temps partiel et sociopathe à temps plein, va devenir notre prochain président ». L'affirmation est signée Michael Moore, le réalisateur activiste américain, auteur notamment de Bowling for Columbine ou de The Big One, un homme résolument à gauche et qui a ardemment soutenu Bernie Sanders. Sur son blog, Michael Moore est formel et détaille les « 5 raisons pour lesquelles Trump va gagner ». Il ajoute : « Jamais de toute ma vie je n'ai autant souhaité me tromper. » Comme un écho à ses propos, les derniers sondages indiquent que le milliardaire rattrape son retard sur sa rivale démocrate Hillary.
L'erreur ? Croire en la « logique » et croire qu'elle peut triompher. Oui, affirme Moore, la gauche est majoritaire aux États-Unis et elle a, souligne-t-il, remporté « les grandes batailles culturelles », sur les droits des homosexuels, l'égalité salariale, l'avortement, le contrôle des armes à feu, la lutte contre le changement climatique. « À mon avis, il n'y a aucun doute qu'Hillary remporterait l'élection haut la main si les jeunes pouvaient voter avec leur console Xbox ou Playstation. » Mais Michael Moore rappelle que voter est compliqué, particulièrement pour les pauvres. Résultat, un électeur sur deux boude les urnes aux États-Unis et seuls les plus motivés se déplacent. « Au mois de novembre, qui pourra compter sur les électeurs les plus motivés et inspirés ? » demande Moore. Question rhétorique que son texte développe en cinq temps.
1. Le « Brexit du Midwest »
Trump suit une stratégie électorale payante en visant « les États "bleus" (démocrates, NDLR) de la région des Grands Lacs, c'est-à-dire le Michigan, l'Ohio, la Pennsylvanie et le Wisconsin ». Ces États, Michael Moore les connaît bien : originaire de Flint, dans le Michigan, son premier film Roger et moi était consacré dès 1989 à la ruine de sa ville, berceau de General Motors, frappée par la délocalisation des usines du géant de l'automobile dans les pays à bas coûts de main-d'œuvre. Ces États, rappelle Moore, sont en passe de devenir « rouges ». En cause : les traités de libre-échange qui les ont tués ou les menacent et que soutient Hillary Clinton. À l'inverse, Trump tient un discours protectionniste qui, sincère ou pas, séduit une population désespérée. Les quatre États du Midwest (aussi appelé Rust Belt) sont en train de faire leur « Brexit », conclut Michael Moore. « Passons maintenant aux calculs mathématiques. En 2012, Mitt Romney a perdu l'élection présidentielle par une marge de 64 voix du Collège électoral. Or, la personne qui remportera le scrutin populaire au Michigan, en Ohio, en Pennsylvanie et au Wisconsin récoltera exactement 64 voix. Outre les États traditionnellement républicains, qui s'étendent de l'Idaho à la Géorgie, tout ce dont Trump aura besoin pour se hisser au sommet ce sont les quatre États du Rust Belt. Oubliez la Floride, le Colorado ou la Virginie. Il n'en a même pas besoin. »
2. Le baroud d'honneur des mâles blancs
Argument massue de Hillary Clinton : elle dispose du vote féminin car elle est une femme. Face à elle, ce rustaud de Trump, misogyne, accusé récemment d'agression sexuelle, et qui traite les femmes comme des organes à pattes. Et alors ? Et Moore de se mettre dans le tête d'« un mâle blanc en danger » : « Après avoir passé huit ans à nous faire donner des ordres par un homme noir, il faudrait maintenant qu'une femme nous mène par le bout du nez ? Et après ? Il y aura un couple gay à la Maison-Blanche pour les huit années suivantes ? Des transgenres ? Vous voyez bien où tout cela mène. Bientôt, les animaux auront les mêmes droits que les humains et le pays sera dirigé par un hamster. Assez, c'est assez ! »
3. Le sentiment anti-Hillary
Moore le connaît bien. Même s'il juge que beaucoup des critiques qui lui sont faites ne sont pas méritées, lui-même s'était promis en 2001 de ne plus jamais voter pour elle car elle avait soutenu la guerre en Irak. Lui se parjurera pour « éviter qu'un protofasciste ne devienne notre commandant en chef ». Mais les autres ? Mais les jeunes qui ont une haine tenace pour Hillary ? Ceux qui voteront pour elle le feront à contrecœur. Bref, Hillary ne peut compter sur l'enthousiasme qui est la marque de l'électorat de son rival.
4. La déception des partisans de « Bernie »
C'est là où le bât blesse : nul enthousiasme, cela signifie que même si un farouche partisan de Sanders va déposer un bulletin pour Clinton, il ne militera pas dans son entourage pour convaincre quatre autres indécis de faire comme lui. Contrairement au camp d'en face...
5. Parce que c'est un clown
Moore appelle cela l'effet Jesse Ventura. Et de raconter comment, en 2008, cet ancien lutteur est devenu à la surprise générale gouverneur du Minnesota : « Élire Ventura a été [une] manière de se moquer d'un système malade. » L'équivalent en France de l'effet Coluche : entre protestation et provocation. Michael Moore se fait l'écho de ces électeurs engagés, fatigués que rien ne change, après huit ans d'Obama, un président noir, intelligent, soucieux de progrès, et pour finir, à peu près impuissant. Dans l'isoloir, ceux-là risquent de se défouler, prévient le réalisateur.
Petite note d'espoir à la fin : la semaine prochaine, le réalisateur maître ès agit-prop, révélera à ses lecteurs le « talon d'Achille de Trump », et détaillera la stratégie pour le faire échouer. Une bataille qui a évidemment déjà commencé par ce grand cri d'alarme : réveillez-vous, Trump va gagner. Car la sous-estimation de la menace a été jusqu'à présent le meilleur allié du candidat républicain.