Robert Boulin, ministre du Travail, pressenti à Matignon, a été retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet (Yvelines) le 30 octobre 1979.
AFP
Trente-six ans après la mort mystérieuse du ministre du Travail Robert Boulin, dont le corps a été découvert le 30 octobre 1979, dans cinquante centimètres d'eau de l'étang du Rompu, en pleine forêt de Rambouillet (Yvelines), la thèse officielle du suicide semble mise à mal.
Deux nouveaux témoignages inédits, révélés ce mercredi par France Inter et 20 minutes, vont dans le sens de la théorie soutenue par la famille de Robert Boulin : la piste de l'assassinat. Fabienne Boulin, la fille de l'ancien ministre, réclame aujourd'hui une reconstitution des faits.
Alors que la justice a conclu en 1991 à un non-lieu dans l'instruction pour meurtre, la famille du ministre a continué à se battre pour avancer que Robert Boulin ne s'est pas suicidé mais a été assassiné. Pressenti, à l’époque, pour devenir Premier ministre, empêtré depuis quelques semaines dans un scandale immobilier médiatisé, le ministre du Travail de Raymond Barre aurait été tué, selon sa famille, car il menaçait de révéler des informations jugées compromettantes. Les deux nouveaux témoignages recueillis par la juge d'instruction de Versailles (Yvelines), Aude Montrieux, chargée en septembre 2015 de rouvrir le volumineux dossier, remettent clairement en cause la thèse officielle du suicide.
«On avait l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau»
Le premier témoignage émane du médecin réanimateur au SMUR (Service mobile d'urgence et de réanimation) qui s’est immédiatement rendu sur place et a examiné le corps, quelques minutes après sa découverte par un escadron de gendarmerie. Le témoignage de cet homme, entendu le 19 janvier 2016 par la juge, n'avait jamais été recueilli dans l’enquête initiale, précise France Inter. «On avait l’impression qu’il avait été placé mort dans l’eau, parce qu’il n’avait pas la position d’un noyé dans l’eau», explique ce médecin. «Vu sa position dans l’eau, ce n’était pas possible que ce soit un suicide.»
Rambouillet (Yvelines), le 30 octobre 1979. Le corps du ministre est retrouvé au matin dans cinquante centimètres d’eau, la version officielle conclut au suicide.
(LP/ Thierry Besnier.)
Le deuxième témoignage provient d'un homme qui affirme avoir croisé Robert Boulin accompagné de deux individus, à bord de son véhicule, peu avant sa mort, le 29 octobre 1979, à 17 heures, à Montfort-l'Amaury. Entendu le 17 décembre 2015 par la juge Aude Montrieux, cet habitant de la région a confirmé sur procès-verbal ce qu'il avait déjà révélé à France Inter en 2013. «J’ai nettement reconnu le passager qui était M. Boulin. (…) Il y avait le chauffeur. M. Boulin, à la droite du chauffeur et une autre personne à l’arrière. (…) Ce n’étaient pas des personnes détendues et gaies. Ils avaient des visages assez fermés.» Il poursuit : «Les deux personnes dans le véhicule du ministre] étaient plus jeunes que M. Boulin». Selon France Inter, ce témoin s'est dit «formel» à propos du fait qu’il s’agissait bien de Robert Boulin. «Je suis sûr de l’heure, de l’endroit et de la personne.»
Une reconstitution réclamée par la fille de Robert Boulin
Les deux nouveaux témoignages sont «une avancée très importante dans l'enquête» réagit Fabienne Boulin auprès de France Inter, la fille de l'ancien ministre. Cette femme qui se bat depuis des années contre la thèse du suicide ne cache pas sa satisfaction après ces nouvelles révélations sur la mort de son père. «Ces témoins apportent bien la preuve qu’il s’agit d’un assassinat, mais aussi qu’il y a eu une mise en scène. Je suis très surprise que ces témoins importants n’aient pas été entendus à l’époque. Contrairement à ce qu’on nous a dit officiellement, le corps de mon père ne flottait pas dans l’eau face contre terre, mais il avait la tête hors de l’eau. Il a également subi des coups importants, de son vivant.»
A ce stade, Fabienne Boulin réclame une reconstitution des faits qui n'a jamais été réalisée au cours de cette incroyable enquête : «On verra alors que la thèse officielle ne tient pas. C’est pour cela qu’elle n’a jamais été faite.»
30 octobre 1979. Robert Boulin est retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet (Yvelines). Une heure plus tard, on annonce qu'il s'est suicidé en se noyant. Des lettres d'adieux parviennent à ses proches.
1984. A la suite de la plainte pour meurtre déposée par la famille Boulin, une seconde autopsie révèle des fractures au visage et montre que le corps a été déplacé.
1991. Non-lieu dans l'instruction pour meurtre.
15 décembre 1992. La Cour de cassation confirme le non-lieu.
4 juillet 1995. La Justice rend une ordonnance de non-lieu suite à la plainte pour « destruction de preuves » déposée par la famille Boulin.
2002. Fabienne Boulin-Burgeat demande la réouverture de l'enquête, ce qui lui est refusé. Elle renouvellera sa demande, en vain, en 2010.
Janvier 2011. Fabienne Boulin-Burgeat dépose une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour contester le refus de la justice française de rouvrir l’enquête.
19 mai 2015. Nouvelle plainte, cette fois pour enlèvement et séquestration et assassinat. En août, le procureur de Versailles ouvre une information judiciaire.
10 septembre 2015. La justice rouvre l'enquête sur la mort de Robert Boulin.