Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 30 mai 2016

Omar Diaby : "The Revenant"


© Capture d'écran, vidéo YouTube : Al Jazeera English


Sa mort avait été annoncée à l'été 2015 même si elle n'avait jamais été officiellement confirmée. Dans un document de Complément d'enquête diffusé jeudi prochain sur France 2, on apprend qu'Omar Diaby, alias Omar Omsen, connu comme l'un des principaux recruteurs du djihadisme français, aurait fait courir la rumeur de son décès pour se faire soigner à l'étranger.

Il était à la tête d'une brigade de combattants (katiba), affiliée Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al Qaïda. Il avait réussi à recruter une centaine de jeunes Français, la plupart originaires de Nice, ville où il avait grandi. C'est au milieu des années 2000 qu' Omar Diaby avait commencé à diffuser ses vidéos de propagande.

Dans le reportage, Omar Diaby accorde un entretien exclusif de plusieurs minutes. C'est le djihadiste lui-même qui a contacté les journalistes quand il a su qu'ils s'intéressaient à ses techniques de propagande. «Le Monde» a pu visionner les rushs de l'interview dans lequel le Niçois d'orgine sénégalaise de 41 ans explique qu'il a subi une «intervention chirurgicale» dans un «pays arabe».






Il soutient Marine Le Pen

Il prend ses distances avec les méthodes de Daech sur le terrain. «Lorsqu’on vient dans un pays qui n’est pas le nôtre, on n’a pas le droit d’imposer immédiatement des lois que le peuple n’arrive pas à comprendre. (…) On éduque d’abord la population, on lui fait comprendre et aimer la religion. La charia, ce n’est pas couper des mains, ce n’est pas lapider les femmes ou les hommes adultères», explique-t-il tout en légitimant les attentats du 13 novembre. «Ils ont été faits en représailles aux frappes françaises sur des femmes et des enfants», lâche-t-il.

Il justifie le meurtre de civils par le fait que les Français auraient élu un président de la Républqiue dont le programme prévoyait une intervention en Syrie, ce qui est faux. Cet argument le conduit à soutenir le FN et sa candidate pour la prochaine présidentielle : «Si les Français ne veulent pas la guerre, ils votent Marine Le Pen. Elle est une femme, d’accord, qui est on peut dire raciste, mais au moins elle défend les vraies valeurs de la France. Cette femme a demandé aux troupes françaises de revenir parce que cette guerre-là ne les concernait pas.»

Le reportage contient également des images tournées en Syrie dans le camp d'entraînement d'Omar Diaby. Hasard du calendrier, la video sort alors que s'ouvre ce lundi le procès de la filière djihadiste de Strasbourg, dont les membres ont été recrutés par un ancien lieutenant d'Omar Diaby.

Il a mis en scène sa mort

Pour l'émission «Complément d'enquête» qui sera diffusée jeudi, le journaliste Romain Boutilly est entré en contact avec lui, d'abord via des proches, puis les réseaux sociaux. Il a ensuite envoyé dans son camp en Syrie, dans la région de Lattaquié, un caméraman syrien pour parler avec ce commandant d'une katiba (cellule) d'une trentaine de jeunes Français, la plupart originaires comme lui de la région de Nice (sud). «L'émir Omar Omsen n'est pas mort. L'annonce de sa mort a été répandue pour une raison bien précise», explique Omar Omsen, 40 ans, dans un contact via Skype avec le journaliste.

Il précise avoir mis en scène sa mort, qui avait été annoncée sur Twitter par des parents, «afin de pouvoir sortir de Syrie pour subir une importante opération chirurgicale dans un pays voisin», sans être repéré par les services de renseignement. Ces derniers le traquent en application d'un mandat d'arrêt international émis par Paris. Au cours de trois jours de tournage au sein du groupe, dans un campement isolé en pleine campagne, Omar Omsen, passé maître dans la communication, a sélectionné ce qui pouvait être filmé et les combattants autorisés à s'exprimer.

«Nous leur faisons aimer la religion»

Sa katiba, qui semble opérer de façon indépendante et vit isolée dans une pinède, a prêté allégeance au Front al Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda. Omar Omsen affirme que ses hommes participent avec d'autres groupes jihadistes, mais pas l'Etat islamique (EI), à des combats contre l'armée régulière syrienne.

Dans le reportage, il se démarque d'ailleurs des membres de l'EI, déclarant : «Ils ont une compréhension de la charia différente de la nôtre. Nous, nous éduquons la population, nous leur (les habitants de la région, ndlr) faisons aimer la religion, pour qu'ils nous demandent ensuite d'appliquer la charia». On n'y voit pourtant aucune image de contacts avec la population et il semble que la plupart des membres du groupe ne parlent pas l'arabe.

S'il n'est pas directement soupçonné d'avoir organisé des attentats, en Syrie ou ailleurs, Omar Omsen n'en approuve pas moins, dans ses échanges avec Romain Boutilly, l'attaque contre le journal satirique Charlie Hebdo en janvier 2015 à Paris. «Ceux qui ont insulté le prophète ont été exécutés. Il fallait faire ce que les frères Kouachi ont fait. J'aurais voulu être choisi pour faire cela», dit-il.