Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 20 février 2016

Noureddine Chouchane a été neutralisé


Noureddine Chouchane


Même si le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) et les Libyens n’ont encore mandaté personne pour combattre le terrorisme en Libye, certains pays y envoient néanmoins régulièrement et cela a commencé depuis au moins deux années des chasseurs ou des drones pour «nettoyer» certaines localités contrôlées par l’Organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI).

Des sources évoquent même la présence sur le terrain de troupes spéciales occidentales. Celles-ci ont pour mission de débusquer puis d’éliminer certains chefs terroristes affiliés à Daech, AAMI ou à Ançar Acharia.

Les premiers à avoir ouvert la «chasse» dans l’ex-Jamahiriya sont les Etats-Unis. L’Egypte et certains pays européens sont aussi de la partie. Officiellement, l’Administration américaine a envoyé ses drones et ses Navy Seals en Libye pour traquer avant tout les auteurs de l’attaque, en septembre 2012, de son consulat à Benghazi qui a coûté la vie à Christopher Stevens, l’ambassadeur américain en Libye, et à trois autres Américains.

Depuis cette date, les troupes spéciales américains ont mis la main sur de nombreux terroristes présumés libyens parmi lesquels Ahmed Abou Khattala et eu à «traiter» plusieurs cibles. Mokhtar Belmokhtar, chef d’Al Mourabitoune, groupe affilié à AQMI, figure parmi les cibles prioritaires des Etats-Unis. L’armée américaine avait, rappelle-t-on, mené un bombardement contre son quartier général en Libye dans la nuit du 13 au 14 juin 2015.

Opérations régulières

Les Etats-Unis mènent régulièrement également des opérations contre les chefs de Daech. En novembre 2015, les Seals avaient d’ailleurs tué l’Irakien Abou Nabil qui avait été alors présenté comme la tête pensante de l’EI dans le pays. C’est probablement l’objectif recherché par les avions de chasse américains qui ont bombardé, hier à l’aube, un camp d’entraînement de l’EI dans la banlieue de Sabrata, localité située à près de 80 km à l’ouest de Tripoli. Le New York Times a rapporté, à ce propos, que le Pentagone avait dans son viseur Noureddine Chouchane, un important chef de l’organisation terroriste de nationalité tunisienne, et un certain nombre de ses proches lieutenants.

Noureddine Chouchane qui, selon le Pentagone, a «probablement» été tué, est activement recherché en Tunisie où il a commis une série d’attentats meurtriers, dont l’attaque contre le musée du Bardo à Tunis en mars 2015 qui a fait 22 morts. Outre Noureddine Chouchane, le bombardement américain a causé la mort d’une quarantaine de personnes. D’après Associated Press (AP), la plupart d’entre elles sont des civils. Comme dans beaucoup de cas, l’opération montre que très souvent, les bombardements ne sont pas efficaces face à une menace aussi diffuse que le terrorisme et générèrent trop de dommages collatéraux.

Deux employés de l’ambassade de Serbie morts dans la frappe 

Selon le ministre serbe des Affaires étrangères, deux fonctionnaires de l'ambassade de Serbie en Libye qui avaient été enlevés en novembre dernier ont péri lors dans un raid américain contre une maison où étaient réunis des membres présumés de Daesh.

Le 8 novembre Sladjana Stankovic, chargée des communications, et son chauffeur Jovica Stepic voyageaient dans un convoi de véhicules de la mission diplomatique serbe se dirigeant vers la Tunisie, quand ils ont été enlevés à environ 70 km à l'ouest de la capitale Tripoli.

La frappe aérienne a été effectuée vendredi, le 19 février. Selon les autorités locales, 41 personnes ont été tuées et six autres ont été blessées. La grande majorité des morts étaient des Tunisiens qui étaient probablement des membres de l'EI.

Les autorités libyennes doivent encore confirmer la mort des deux ressortissants serbes.

Les bombardements, une solution ?

Les autorités locales de Sabrata ont, pour leur part, indiqué hier que plusieurs armes d’assaut, pistolets-mitrailleurs et lance-roquettes, ainsi que des plans d’attaque ont été découverts dans les décombres des bâtisses visées par les chasseurs américains. Les experts évaluent entre 1500 et 3500 le nombre d’hommes dont dispose la filiale de Daech en Libye.

Ses unités sont actuellement prises en étau par les milices de Tripoli et celles de Benghazi. L’opération américaine intervient à un moment où des lobbies en Europe et aux Etats-Unis appellent à une intervention militaire massive urgente dans la région afin de débarrasser la Libye de la menace Daech.

Une telle perspective inquiète bien évidemment les pays voisins de la Libye qui, comme l’Algérie et la Tunisie, redoutent une aggravation du chaos et une dispersion de la menace surtout qu’il n’y a pas encore dans le pays un gouvernement ou un Etat central capable de coordonner, sur le terrain, une lutte contre le terrorisme.

Le constat fait d’ailleurs dire à ces pays que la priorité en Libye, c’est d’abord la mise en place d’un gouvernement et la construction d’un Etat. Deux éléments sans lesquels, disent-ils, tout projet de lutte contre le terrorisme est voué d’avance à l’échec. Pour beaucoup d’experts, le plus grand danger en Libye résulte surtout dans l’absence d’un Etat viable. Il n’est pas certain par ailleurs que les Libyens acceptent une nouvelle intervention étrangère dans leur pays, même si ce sont leurs autorités qui en font la demande.

Quoi qu’il en soit, en prévision d’une éventuelle intervention militaire étrangère massive et pour parer à toute éventualité, l’Algérie et la Tunisie ont pris des mesures de protection. Les autorités des deux pays ont renforcé davantage le contrôle de leurs frontières et mis leurs unités en état d’alerte maximum.

Par ailleurs, tous les regards sont rivés vers le Parlement de Tobrouk qui doit se prononcer, mardi, sur la composante du gouvernement libyen d’union nationale proposée par l’homme d’affaire Faïz Serraj. Un quitus de ce Parlement signifierait que les Libyens pourront à nouveau espérer prendre leur destin en main et reconstruire leur pays transformé en un champ de ruines par 5 terribles années de guerre. Cela, bien évidemment, si personne ne vient contrarier leur marche, car rien n’est jamais simple dans la Libye de 2016.

Zine Cherfaoui