vendredi 4 décembre 2015
Les 4 risques terroristes qui menacent la Suisse
La Suisse officielle ne tombe pas des nues après les attentats de Paris. Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) a déjà le terrorisme islamiste sur son radar depuis de nombreuses années. En 2012 cependant, le danger lié à Al-Qaida était considéré comme moyen, derrière l’extrémisme de gauche ou le PKK. Avec l’avènement de l’Etat islamique, tout a changé. Dans le dernier rapport 2015 du SRC, les partisans du djihad sont considérés comme le risque numéro un, sans aucun équivalent.
Pour le chef du Département fédéral de la sécurité, Ueli Maurer, le risque s’est encore accru après les événements de vendredi soir. «Un attentat en Suisse n’est plus aujourd’hui totalement abstrait. Il est envisageable», déclare-t-il dans le SonntagsBlick du 15 novembre. Mais quelles sont les menaces réelles? La task force antiterrorisme TETRA, qui regroupe le SRC, FedPol, les polices cantonales et le Ministère public de la Confédération, en a identifié plusieurs. En voici un résumé.
Un risque général qui s’accroît depuis le début de l’année
L’attentat contre le journal Charlie Hebdo en début d’année a fait passer le niveau d’alerte au rouge en Suisse. Les autorités communiquent désormais régulièrement sur la question et le font de manière coordonnée et unitaire. Certaines personnalités critiques envers l’islamisme ont été placées sous protection policière. On citera par exemple le rédacteur en chef de la Weltwoche et conseiller national Roger Köppel ou le comique alémanique à la coiffure de Huron Andreas Thiel.
L’attentat raté en août dans le TGV Thalys en France a constitué une nouvelle piqûre de rappel du danger. En Suisse, pas d’attentat: mais on recensait en octobre 2015 quelque 40 cas de voyages à motivation djihadiste. Soit 10 de plus qu’en février (+33%). On estime qu’il y a actuellement 70 cas d’activités terroristes présumées. Plus d’une vingtaine d’enquêtes pénales sont en cours.
Les représentations des grands pays occidentaux comme cible
La Suisse n’est pas directement dans la ligne de mire de l’Etat islamique. Le nom de notre pays a été mentionné par le passé mais pas de façon claire, ciblée et répétée. C’est dû au fait que notre pays ne participe pas à la guerre en Irak et en Syrie. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France ou la Russie sont en revanche régulièrement vouées aux gémonies par les extrémistes islamistes en raison de leur engagement militaire au Proche-Orient.
Cela ne reste pas sans conséquences pour la Suisse. Elle subit en effet un risque collatéral en accueillant les ambassades et les consulats des grands pays en guerre ouverte avec l’Etat islamique. Le SRC estime que ce risque est en augmentation.
L’agent dormant ou le loup solitaire redouté en Suisse
Sans l’exclure, la Suisse ne considère pas comme principale menace un attentat du type de Paris, qui témoignait d’une coordination et d’une logistique sophistiquées. Trois groupes de terroristes étaient en effet simultanément à l’œuvre. Le conseiller fédéral Ueli Maurer redoute davantage le terroriste «dormant», comme il le confie à la Neue Zürcher Zeitung d’hier.
C’est le principe du loup solitaire. Il vit en Suisse, il s’est radicalisé dans l’ombre, à travers Internet ou par un proche. Il est fasciné par la propagande de l’Etat islamique et vibre à chaque attentat réussi. Et un jour, il passe à l’acte de façon autonome, sans grande préparation. «Ces individus sont difficilement détectables et représentent un véritable défi pour la prévention du terrorisme», juge le SRC.
Le retour des guerriers si l’Etat islamique part en lambeaux
Les attentats de Paris vont certainement infléchir la politique étrangère de la France. Les leaders de l’opposition réclament déjà bruyamment un rapprochement avec la Russie de Poutine et la Syrie de Bachar el-Assad. Cela pourrait accélérer la constitution d’une grande coalition avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Kurdes pour prendre en tenailles les territoires conquis par l’Etat islamique. Ce dernier pourrait alors se décomposer face à cette force de frappe inédite.
La task force antiterroriste suisse a déjà anticipé de tels changements. Et dans un premier temps, ils ne sont pas réjouissants. «D’importants changements en Syrie ou en Irak pourraient provoquer le retour en Suisse de djihadistes endoctrinés et entraînés au combat. A moyen ou long terme, il faut s’attendre à une expansion de la menace terroriste djihadiste en Suisse.»
Les mesures pour combattre le terrorisme islamique
La réponse suisse au terrorisme est d’abord sécuritaire. Le renforcement des effectifs du service de renseignement est en cours. L’arsenal de surveillance des individus qui attentent à la sécurité de l’Etat va être étendu, avec notamment l’arrivée de logiciels espions. Un état-major national de conduite policière, placé sous le commandement des polices cantonales, a été mis sur pied depuis 2015. Il doit coordonner les actions en cas d’attaques terroristes sur le sol d’un ou de plusieurs cantons.
Mais les pouvoirs publics estiment aussi que la prévention est indispensable pour lutter contre le mal à la racine. Ils veulent continuer à bien intégrer les étrangers et éviter des quartiers «ghettos» comme en France. Ils souhaitent aussi détecter de façon précoce des personnes qui se radicalisent. Pour ce faire, point de hotline ou de help line nationale: on compte plutôt sur le fait que les cas soient identifiés et signalés dans l’environnement proche de la personne.