Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 1 juin 2015

Si deux autres pays avaient été désignés organisateurs des Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar), il n'y aurait jamais eu de scandale à la FIFA


Joseph Blatter a estimé vendredi que le climat autour de son instance n'en «serait pas là» si les Coupes du monde 2018 et 2022 avaient été attribuées à d'autres pays que la Russie et le Qatar.


«Si, le 2 décembre 2010, deux autres pays avaient été désignés organisateurs des Coupes du monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar), je pense qu'on n'en serait pas là aujourd'hui», a expliqué «Sepp», sous-entendant que ces nominations ont provoqué la colère de l'Angleterre, candidate déçue de 2018, et des Etats-Unis, frustrés de ne pas avoir été retenus pour 2022.

Le coup de filet qui a conduit à l'interpellation de sept responsables de la Fifa dans un hôtel de luxe de Zurich a été orchestré par la justice américaine.

L'Angleterre, par la voix de son personnel politique, sa fédération ou encore sa presse, est farouchement opposée à Blatter, 79 ans, qui brigue un 5e mandat, face au prince Ali de Jordanie, son challenger de 39 ans.

Le Premier ministre britannique David Cameron et son ministre de la Culture et des Sports, John Whittingdale, ont soutenu jeudi au Parlement la position de la Fédération anglaise (FA) en appelant au remplacement de Blatter à la tête de la Fifa.

La presse anglaise a titré cette semaine «Tu tues le jeu» ou encore «Donne-nous la Coupe du monde 2018» en s'adressant à Blatter.


Cliquez sur l'image pour voir l'entretien intégral

L’entretien de Sepp Blatter à Darius Rochebin, à la RTS, est un festival de salves assassines: à l’endroit des Américains, des Anglais, des journalistes, de l’UEFA et de Michel Platini (Capture RTS)


A Darius Rochebin qui l’interviewait hier sur la RTS, Sepp Blatter s’est déchaîné contre ses adversaires et la justice américaine, tout en gardant un sourire carnassier. Du côté des Américains, les redoutables enquêteurs de l’IRS enfoncent le clou et menacent. Quant à Vladimir Poutine, il félicite chaleureusement le président

C’est un Sepp Blatter tout enivré encore de sa réélection que Darius Rochebin interviewait vendredi soir sur la RTS. Et le Valaisan n’a pas fait dans la diplomatie: il a même pendant 11 bonnes minutes mitraillé impitoyablement, disant ne pas croire un instant à une coïncidence dans l’affaire qui s’est déroulée à Zurich: «Il y a des signes qui ne trompent pas: les Américains étaient candidats à la Coupe du monde de 2022 et ils ont perdu […] Si les Américains ont à faire avec des délits d’argent ou de droit commun qui concernent des citoyens nord ou sud-américains, qu’ils les arrêtent là-bas, mais pas à Zurich alors qu’il y a un congrès», déclare-t-il. Il pointe également les intérêts des Etats-Unis: «N’oublions pas qu’ils sont le sponsor numéro un du Royaume hachémite, donc de mon adversaire (le prince Ali, ndlr.), cette affaire ne sent pas bon».

Mais Sepp Blatter ne s’arrête pas là et réserve quelques autres séries de salves assassines: à l’Angleterre (qui n’a pas eu l’organisation de la coupe en 2018). A la ministre de la justice américaine, Loretta Lynch: «Je n’oserais jamais, en tant que président de la FIFA, faire des déclarations sur une autre organisation sans savoir ce qui s’y passe». Et le Valaisan de dégoupiller: «La FIFA c’est une institution, ce n’est pas une épicerie».

Cependant, c’est à l’endroit de l’UEFA que le président réélu réserve ses traits les plus meurtriers: il évoque la haine de cette UEFA qui n’a pas compris qu’en 1998 il est devenu président de la FIFA. Une UEFA qui fait la morale à tout le monde mais ne comporte pas en son sein de commission d’éthique indépendante. Une UEFA, néanmoins, avec laquelle la FIFA devra faire, comme l’UEFA devra faire avec la FIFA: «Nous ne pouvons pas vivre sans l’UEFA et l’UEFA ne peut pas vivre sans nous». Quant à Michel Platini, il assène: «Je pardonne à tout le monde, mais je n’oublie pas».

Ce samedi 30 mai, à la conférence de presse organisée après le comité exécutif, Sepp Blatter a confié avoir été affecté par les attaques dont il a été l’objet. Il a estimé qu’il restait «l’homme de la situation» et a appelé à «l’unité et la solidarité» pour «aller de l’avant». «La tempête dure encore, elle n’a pas la valeur d’un ouragan» mais «les effets sont encore là».

Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, autre mélodie. Prenez le New York Times: au-delà des considérations sur la survie acrobatique du président réélu, il pointe son attention sur deux personnes promises désormais à une attention mondiale: Loretta Lynch, bien sûr, la ministre de la justice américaine, dont Stéphane Bussard trace dans le Temps le portrait. Le New York Times note: «FIFA Charges Instantly Earn Loretta Lynch Global Recognition» («Les charges contre la FIFA confèrent à Loretta Lynch une reconnaissance mondiale») et effectivement, tous les grands titres de la presse mondiale se penchent désormais avec une attention redoublée sur le parcours et la personnalité de cette nouvelle dame de fer à la tête de la justice américaine.

«Nous suivrons l’argent» 

Et puis, il y a le bras armé de l’enquête, promis, lui aussi, aux feux de la rampe médiatique: on parle ici de Richard Weber, le patron des investigations criminelles de la très puissante Internal Revenue Service (IRS) que les banques et les employés de banques suisses ont appris à connaître et à jauger la ténacité. «Je suis plutôt confiant dans le fait qu’il va y avoir une nouvelle vague d’inculpations» déclare-t-il et le New York Times répercute impitoyablement la clarté des intentions: «Nous croyons vraiment qu’il y a d’autres personnes et d’autres sociétés impliquées dans des actes criminels». Un Richard Weber qui martèle ne pas en vouloir au football, mais essentiellement à la corruption, dans une enquête qui a mené l’IRS de découverte en découverte: «Une chose en a amené une autre, puis une autre et encore une autre». Levier cardinal de l’enquête, Chuck Blazer, un haut responsable de l’association américaine de football qui a passé à table et décidé de coopérer avec la justice de son pays. Richard Weber souligne avec gourmandise: «L’affaire a commencé comme une banale affaire fiscale contre Blazer, mais notre rayon d’action n’est pas limité à la fiscalité. Lorsque nous sommes confrontés à une affaire de corruption internationale comme celle-là, nous utilisons notre expertise pour suivre à la trace l’argent». On ne peut être plus clair…

Comme n’est, on ne peut plus clair le soutien de Vladimir Poutine au Valaisan. Le président russe, nous apprend l’AFP, a félicité samedi Joseph Blatter et salué son «professionnalisme». «M. Poutine s’est dit certain que l’expérience, le professionnalisme et la grande autorité de M. Blatter vont lui permettre d’étendre davantage le rayonnement géographique et la popularité du football». Dès jeudi, le président russe avait considéré que cette enquête était, de la part des Etats-Unis, une «tentative évidente d’empêcher la réélection de M. Blatter». «On se souvient des pressions exercées sur (Blatter) pour empêcher la tenue de la Coupe du monde en Russie en 2018», avait-il poursuivi.

Bref, que ce soit côté américain, valaisan ou russe, personne n’est vraiment décidé à lâcher le morceau!

Michel Danthe 

Un haut dirigeant de la Fifa attaque les USA en s'appuyant sur… un site satirique

Au cœur du scandale qui secoue la Fifa, Jack Warner a souhaité réagir en s'attaquant aux Etats-Unis. Dans une vidéo postée puis supprimée de Facebook, l'ancien vice-président de l'institution cite un site satirique américain pour renforcer sa défense.



La France possède Le Gorafi, les Etats-Unis ont The Onion. Après Christine Boutin qui cite très sérieusement le site parodique français, Jack Warner est lui aussi tombé dans le panneau en s'appuyant sur un site satirique américain. Inculpé de corruption par la justice américaine, l'ancien homme fort du football mondial a lancé une attaque virulente, et surtout maladroite, à l'encontre des Etats-Unis, par l'intermédiaire d'une vidéo postée sur Facebook. Tout au long de son monologue devant la caméra, Jack Warner fustige l'attitude agressive des Etats-Unis envers la Fifa. Un choix louable ou critiquable mais les propos de l'ancien président de la Concacaf ont perdu toute leur crédibilité après une erreur grossière.

The Onion annonce une Coupe du monde aux Etats-Unis

Dans son désir d'enfoncer les Etats-Unis, Jack Warner s'est emporté. Après avoir déclaré que «tout ceci avait pour origine la candidature malheureuse des Etats-Unis pour organiser la Coupe du monde 2022», le Trinidadien a commis une erreur exceptionnelle en appuyant sa défense sur un article publié par The Onion.

Dans ce dernier, le site satirique américain annonce dans un papier complètement fantaisiste que la Fifa a accordé l'organisation de la Coupe du monde estivale 2015 aux Etats-Unis. L'information vous fait peut-être sourire mais Jack Warner a mis les deux pieds dans le plat. L'article s'achève par des propos surréalistes: «Au moment où nous écrivons ces lignes, les Etats-Unis menaient contre l'Allemagne, championne en titre, dans le match d'ouverture de la Coupe du monde après avoir bénéficié de douze penalties dans les trois premières minutes de jeu.» Plus c'est gros, plus ça passe… Toujours est-il que la vidéo originale a été supprimée lundi matin.

Malgré son manque de vérification des sources, Jack Warner n'en a pas pour autant oublié de s'en prendre aux Etats-Unis. Pour lui, les Américains ne supportent pas de perdre contre un pays musulman. «Ils se sont inclinés face au Qatar, un petit pays, un pays musulman. Aucun pays au monde n'a un droit divin qui lui assure l'organisation de la Coupe du monde», indique-t-il. Avant d'ajouter: «Si la Fifa a préféré le Qatar, dans sa grande sagesse ou dans son manque de sagesse, acceptez votre défaite, soyez des hommes et tournez la page.»

Amusé par la détermination des Etats-Unis pour faire tomber le système de l'instance dirigeante du football mondial, il déclare: «Si la Fifa est si mauvaise, pourquoi donc les Etats-Unis veulent tant la Coupe du monde? La Fifa est la même organisation qu'ils accusent de corruption. Il y a deux poids deux mesures.»


Retiré des affaires du monde du football depuis quatre ans, Jack Warner est aujourd'hui à la tête du Parti libéral indépendant, parti d'opposition en Trinidad-et-Tobago. Placé en garde à vue pendant 24 heures mercredi dernier après s'être présenté de lui-même aux autorités, il a finalement été libéré en échange d'une caution avoisinant les 400 000 dollars. En juillet, la justice devrait statuer sur la demande d'extradition formulée à son égard par les Etats-Unis.



Egger Ph.