Sid Ahmed Ghlam, étudiant en informatique, était connu des services de renseignement pour ses «velléités de départ en Syrie» afin d'y rejoindre les rangs jihadistes, Sid Ahmed Ghlam. Arrivé pour la première fois en France avec sa mère en 2001 pour rejoindre son père déjà installé à Saint-Dizier, il a dû repartir en Algérie en 2003, faute de papiers lui permettant de rester sur le territoire français. Il a obtenu son baccalauréat algérien en 2010 avant de revenir en France la même année. En 2011, il a quitté le domicile de ses parents, direction Paris pour entamer des études d'électronique. Il a été étudiant de novembre 2011 à juin 2013 à l'école d'informatique SUPINFO, située à Montparnasse. «Il n'a jamais fait parler de lui, c'était un étudiant normal, ayant des résultats corrects. Alors que le cursus dure cinq ans, il est parti à la fin de sa deuxième année. Puis, il est parti à Reims, revenu à Saint-Dizier avant de retourner sur la capitale en septembre 2014. Il payait son loyer normalement, dans les 200 euros par mois. Il faisait l'objet d'une «fiche S», comme sûreté de l'Etat, qui implique une surveillance policière «sans attirer l'attention» et qui le présentait comme un «islamiste radical dangereux».
Tout débute dimanche matin, avec un appel passé au Samu, peu avant 9 heures, par le jeune homme lui-même. L'étudiant en informatique de 24 ans se trouve alors sur un trottoir du XIIIe arrondissement, blessé par balle au niveau des jambes. La police est également prévenue, comme le veut la procédure lorsqu'il s'agit d'une blessure de ce type.
L'homme affirme avoir été victime d'un vol à main armée, mais son comportement semble suspect. Mais en remontant les traces de sang laissées par le blessé, les policiers retrouvent sa voiture, garée à proximité. À l'intérieur, ils découvrent un véritable «arsenal» ( un fusil d’assaut Kalachnikov, un pistolet et un revolver, des munitions et un gilet pare-balles ainsi qu’un gyrophare), selon les mots du ministre de l'Intérieur: armes automatiques, armes de poing, gilets par-balles ou encore munitions, mais aussi des documents manuscrits comportant des éléments sur des cibles potentielles et une façon d'opérer y sont stockées.
Cette découverte déclenche une perquisition dans le logement du jeune homme, situé dans une résidence pour étudiants, dans le XIIIe arrondissement. Les armes supplémentaires, trois fusils kalachnikov, des brassards police, un caméscope, un appareil photo, un ordinateur et une somme de 2000 euros en liquide et des documents en langue arabe évoquant les organisations terroristes al-Qaeda et État islamique. Sur l'une d'entre elles, il est notamment écrit: «Par Dieu, nous nous vengerons», découverts sur place confirment que l'homme a planifié un attentat, vraisemblablement contre une ou deux églises. A côté, une liste de commissariats assortis d'un minutage, qui correspond au temps d'intervention des forces de l'ordre en cas d'attaque: le suspect aurait chronométré le temps d'intervention des policiers, selon les premiers éléments de l'enquête.
Arrestation fortuite
À partir de là, les enquêteurs s'orientent vers la piste terroriste. Plusieurs perquisitions supplémentaires sont menées dans le quartier du Vert-Bois à Saint-Dizier, ville de la Haute-Marne, où l'étudiant a résidé de 2009, date de son arrivée en France, à 2012. Mercredi, le quartier a été bouclé et sa compagne, qui y habite toujours, a été interpellée. Le lien entre le jeune homme et la mort d'Aurélie Châtelain, dont le corps a été retrouvé à Villejuif, a par ailleurs été établi. Le suspect pourrait s'être lui-même blessé en tentant de voler la voiture de la jeune femme. Les églises qu'il visait se trouvent également à Villejuif.
Le meurtre d'Aurélie Châtelain, venue du nord de la France en banlieue parisienne pour y suivre un stage de gymnastique, avait plongé ses proches dans la stupeur et restait mystérieux pour les enquêteurs. Son corps, marqué de trois impacts de balles, avait été retrouvé dans sa voiture au petit matin. «L'enquête déterminera les raisons du crime commis contre cette jeune femme», a indiqué le ministre. Les premières analyses balistiques, génétiques et de géolocalisation téléphonique le mettent en cause pour le meurtre d’Aurélie Châtelain
Une tierce personne impliquée
Le procureur de Paris a également annoncé que le principal suspect était en contact par téléphone avec une personne en Syrie, avec lequel il échangeait «sur les modalités de commission d'un attentat». «Ce dernier lui demandant explicitement de cibler particulièrement une église». Par conséquent, les faits ont été requalifiés en «association de malfaiteurs en vue de la préparation d'acte de terrorisme».
Des propos fantaisistes en garde à vue
Lors de sa garde à vue, Sid Ahmed Ghlam a tenu des propos «fantaisistes», a encore rapporté le procureur de Paris. «Expliquant qu'il disposait de nombreuses armes, que cela lui faisait peur, il avait subitement décidé de s'en débarasser, souhaitant les jeter dans la Seine. Il se serait alors rendu sur le pont de Tolbiac ou de Bercy pour jeter les armes mais se serait blessé lui-même à la suite d'une mauvaise manipulation, en se tirant une balle dans la jambe, a raconté François Molins devant les journalistes. Il avait donc décidé de reprendre toutes les armes et de rentrer chez lui pour appeler les secours». Depuis, il est dans un mutisme complet et refuse de répondre aux questions des enquêteurs. François Molins a évoqué une possible prolongation jusqu'à six jours de la garde à vue. Une durée exceptionnelle que la loi n'autorise que face au «risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste».
Une partie de son entourage dans l'islam radical
Dès lundi, des perquisitions ont été menées dans son entourage à Saint-Dizier, dans le Val-de-Marne, où résident ses parents. Selon France 3 Champagne-Ardenne, ces derniers vivent dans le quartier du Vert-Bois. Le jeune homme venait y passer des week-ends en famille, dont certains membres sont acquis à la cause de l'islam radical, selon des sources policières. Sa compagne, habillée d'une burqa a été interpellée mercredi matin dans cette ville de 25.000 habitants. Il s'agit d'une femme de 25 ans, vraisemblablement convertie à l'islam, selon une source proche de l'enquête. Selon des voisins, elle louait ce pavillon depuis six ou sept mois avec deux enfants en bas âge, les volets toujours fermés. Cette jeune femme est «extrêmement discrète, ne faisant pas d'histoire», on ne la voyait «que lorsqu'elle allait chercher ses enfants à l'école», selon une voisine. C'était la seule femme à porter la burqa dans le quartier, ajoute-t-on dans le voisinage.
Sans l'intervention des secours, dimanche matin, l'opération n'aurait sans doute pas été anticipée. Le suspect était connu des services de police pour ses «velléités de départ en Syrie». Un voyage en Turquie d'une dizaine de jours, en 2015, lui a valu d'être entendu en garde-à-vue à son retour. Mais les vérifications effectuées à deux reprises dans son environnement, en 2014 et 2015, n'ont pas révélé «d'éléments susceptibles de justifier l'ouverture d'une enquête judiciaire», a précisé Bernard Cazeneuve. L'interpellation de ce suspect s'est faite, par conséquent, de manière fortuite.
Sans doute que cette affaire aura des conséquences sur l’opération intérieure Sentinelle, laquelle vise à renforcer le plan Vigipirate par des moyens militaires conséquents. « Tous les lieux confessionnels qui doivent être protégés le seront », avait affirmé Bernard Cazeneuve, le 12 janvier dernier.
En outre, que des églises soient menacées n’est vraiment pas surprenant. Lors du meurtre de 21 coptes égyptiens, la branche libyenne du groupe État islamique avait explicitement menacé les chrétiens. Des menaces à nouveau répétées le 19 avril, lors de la diffusion d’une nouvelle vidéo montrant l’assassinat de 28 hommes présentés comme des ressortissants éthiopiens de confession chrétienne. Les jihadistes proposent 3 choix aux chrétiens établis dans les territoires qu’ils contrôlent : la conversion, le statut de dhimmi (paiement d’un impôt et renoncement à certains droits) ou la mort…
Paule Gonzales
Jean-Marc Leclerc