Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 14 avril 2015

Prison à vie pour un ex-mercenaire de Blackwater



Quatres gardes privés employés par l'armée US en Irak ont été reconnus coupables de meurtres de civils lors d'une fusillade à Bagdad en 2007. Elle avait déclenché une vague de protestations anti-américaines dans le monde arabe.

Quatre ex-employés de la société américaine Blackwater ont été condamnés lundi à de longues peines de prison pour avoir tué des civils irakiens. Nicholas Slatten écope de la perpétuité, reconnu coupable d'avoir assassiné un civil. Paul Slough, Evan Liberty et Dustin Heard ont été condamnés à trente ans de prison pour homicides volontaires.

Chargés de la sécurité d'un convoi, ces gardes de sécurité privés, employés en sous-traitants par l'armée américaine lors de la guerre en Irak, avaient fait feu sur la foule de la place Nisour à Bagdad le 16 septembre 2007. Une fusillade mortelle qui avait fait 17 victimes civiles selon les autorités irakiennes, 14 selon les américains, ainsi qu'une vingtaine de blessés. Après quatre années de présence américaine en Irak, la tuerie de Nisour marquera un tournant dans l'anti-américanisme croissant de la population locale, déclenchant des protestations anti-américaines dans le monde arabe.



Les Blackwater ont affirmé par la suite que le convoi avait été pris dans une embuscade et qu'ils auraient été attaqués les premiers, ce que démentiront une douzaine de témoins oculaires irakiens ainsi que d'anciens collègues. Les miliciens continuent pourtant de clamer leur innocence. «Je suis sûr que je serai disculpé, dans cette vie ou dans l'autre», a lancé Paul Slough à la barre, convaincu de n'avoir fait que son devoir.

«Aussi puissants que Sadam Hussein»

Les bavures des Blackwater pendant la guerre d'Irak ont longtemps été couvertes par une impunité totale, cette armée de l'ombre n'étant pas soumise à l'encadrement légal de l'armée régulière. Mais la fusillade de Nisour avait permis de mettre la lumière sur cette société privée, fondée par d'anciens membres des SEAL (forces spéciales de l'US Navy) , et employée également dans la guerre en Afghanistan. Elle deviendra le symbole du pouvoir militaire privatisé et sans contrôle de l'après 11 Septembre.

Mohammed Hafedh Abdulrazzaq Kinani, père d'un enfant de 9 ans tué lors de la fusillade de Nisour, a témoigné au procès du sentiment de toute-puissance et d'impunité dont jouissaient les miliciens: «Les Blackwater avaient autant de pouvoir que Sadam Hussein (...) Ce pouvoir vient des États-Unis», a-t-il ajouté, dans des propos rapportés par le New York Times.

Un mémorandum révélé par le journal le 30 juin dernier avait dévoilé au grand jour la toute-puissance de cette société qui, à Bagdad, régnait sur l'administration policière, militaire et diplomatique américaine. Il y avait en Irak plus de contractuels (180.000) que de soldats réguliers (160.000). Le journaliste américain Jeremy Scahill avait même baptisé la société d'«armée la plus puissante du monde» dans un livre éponyme.

Salie par ce scandale, la société Blackwater a changé de nom et s'appelle Academi depuis 2011. Depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche en 2009, le département d'État a annulé tous ses contrats avec cette société privée. En mai 2014, le quotidien allemand Bild révelait que 400 des mercenaires d'Academi avaient été envoyés en Ukraine pour coordonner et diriger les opérations de guérilla contre les pro-russes.

Eugénie Bastié