Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 25 février 2015

Qui a tué Alberto Nisman ?


Le 18 janvier 2015, la veille de son audition devant la commission de législation pénale de la Chambre des députés, le procureur, Alberto Nisman, qui était chargé de l’enquête sur l’attentat de l’AMIA (Asociación Mutual Israelita Argentina) à Buenos Aires en 1994, est retrouvé mort d’une balle dans la tête à son domicile.

On commence par parler de suicide, puis comme personne n’y croit, la présidente Kristina Kirchner se range à l’avis général qu’il s’agit d’un meurtre, accusant les services secrets argentins qui auraient manipulé Nisman pour que ce dernier l’accuse elle. Ensuite, ils l’auraient assassiné quand il ne leur était plus utile.

Un vent de scepticisme a soufflé sur cette hypothèse.

Étant donné que la présidente Kirchner avait signé avec l’Iran un protocole d’entente, le 27 janvier 2013, dans lequel il était question que les Iraniens participent à l’établissement de la «vérité», et puisque Nisman possédait un dossier l’incriminant, personne ne croit à son innocence.

Qui plus est, le fait qu’elle ait procédé à la dissolution des services secrets argentins ne joue pas non plus en sa faveur.

Mais dans tout cela, on a tendance à oublier Carlos Menem, celui qui était président de l’Argentine lors des attentats contre l’ambassade israélienne en 1992, puis contre l’AMIA en 1994.

Or, d’après moi, il y a de bonnes raisons de s’intéresser à l’implication de Menem.

1.Carlos Menem est le fils d’immigrants syriens musulmans ;
2.En bon musulman, il a épousé une syrienne, Zulema Fatima Yoma en 1966 (il s’agissait d’un mariage arrangé par ses parents) ;
3.Alberto Nisman l’a accusé d’avoir œuvré à la dissimulation des preuves qui auraient servi à inculper un homme d’affaires d’origine syrienne qui était mêlé à l’attentat de l’AMIA;
4.En 1988, Jacobo Timerman (le père de l’actuel ministre des affaires étrangères en Argentine) avait accusé Menem (alors candidat à la présidence) de chercher à établir un port franc à l’Ile Martin-Garcia pour encourager le trafic de drogue et le blanchiment d’argent ;
5.Or l’implication du Hezbollah dans le trafic de drogue en Amérique du Sud est bien connu ;
6.Devenu président, Menem obtint que la cour suprême reprenne le procès qu’il avait intenté à Timerman pour diffamation ce qui provoqua la fuite de ce dernier en Uruguay.

Tout cela ne me donne que des présomptions, mais étant donné que Carlos Menem est encore l’objet d’enquêtes et d’accusations diverses, notamment de corruption, d’obstruction d’enquête, il me semble qu’on aurait tort de l’oublier.

Pourquoi Jacobo Timerman aurait-il pensé en 1988 que Menem était corrompu, alors qu’il a été reconnu coupable de contrebande en 2013 ?

Certes, Cristina Kirchner a cherché à court-circuiter l’enquête de Nisman, mais elle avait au moins l’excuse de subir les pressions d’Obama. En effet, il semble que le président Obama, soucieux d’arriver à une entente avec les Iraniens sur l’arrêt de leur programme nucléaire, aurait cédé quand ceux-ci lui ont demandé de faire enlever les noms d’Iraniens de la liste d’Interpol. Comme Mme Kirchner cherchait à obtenir des banques américaines que la dette argentine soit effacée, l’appui d’Obama lui était précieux. En échange, elle aurait tenté de faire effacer le rôle joué par les Iraniens dans l’attentat de l’AMIA. Ce n’est pas bien, mais l’enquête de Nisman était pratiquement terminée en 2013…

Tandis que Menem a, de toute évidence, fait obstruction à l’enquête depuis le début….


© Magali Marc