Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 24 février 2015

Drones : « On cherche à tester les services de renseignement français »


Crédits photo : Francois Mori/AP


Selon le criminologue Christophe Naudin, spécialiste des questions de sûreté aérienne, une « organisation structurée » est sans doute derrière les multiples survols de Paris par des drones dans la nuit de lundi à mardi.

Après les centrales nucléaires en fin d'année 2014, la base militaire de l'Île-Longue en janvier, c'est au tour de Paris d'être survolé par des drones. Faut-il s'inquiéter de ce phénomène?

On a tort de s'inquiéter à propos des survols de centrales nucléaires: les drones n'ont aucune capacité pour entraîner un sinistre de type radiologique. On a, au contraire, toutes les raisons de s'inquiéter lorsque les drones volent au-dessus de l'espace public. Ces derniers peuvent tomber sur les passants. Si cet événement survenait, les conséquences dépendent de la taille de l'engin. Si c'est un drone thermique, pesant de 2,5 à 50 kg, il peut aisément tuer quelqu'un ou provoquer un accident de la circulation. Au-dessus de la campagne, cela ne gêne personne, cela peut tout au plus agacer les propriétaires d'un lieu. Au-dessus d'une foule ou d'un rassemblement, c'est irresponsable.

Peut-on s'en servir pour faire du renseignement au-dessus de Paris?

Avec n'importe quelle image satellite, on obtiendrait la même image que celle prise par un drone. Paris est une ville dont on sait déjà tout. J'exclus toute utilisation de ces drones pour des motifs d'espionnage. Nous sommes sans doute face à une organisation qui cherche à tester les moyens du renseignement français. La coordination des survols ne laisse aucun doute à propos d'un acte calculé et évacue l'hypothèse du plaisantin. Nous avons cinq lieux survolés au-dessus de Paris. Tout comme, fin 2014, cinq centrales étaient survolées simultanément. Cela ne m'étonnerait pas que les auteurs soient les mêmes. Nous sommes sans doute face à une organisation très structurée et suffisamment financée pour arriver à de tels résultats. Peut-être un groupe écolo-terroriste. Ces derniers ont pour coutume de négliger le droit afin de faire valoir leur argumentation.

Les forces de l'ordre n'ont pas réussi à attraper les pilotes des drones. Quel peut être leur mode opératoire?

Il est très difficile d'attraper les auteurs de ce type de survol en milieu urbain. Il n'est pas pensable que les drones aient été lancés de la rue. Les personnes qui ont fait cela étaient très certainement situées dans la cour d'un immeuble de bureau, souvent vide à ces heures ou, encore plus pratique pour eux, sur un toit. Une fois les drones lancés, leurs trajectoires étaient sans doute programmées (autopilotées) sans personne pour les guider, et donc se faire attraper.

Que faire face à ce phénomène?

Il faudrait avoir trouvé d'ici à 2020 une réponse adéquate, avant que des personnes malveillantes n'aient trouvé une application criminelle aux drones. Ces cinq années sont sans doute le délai nécessaire pour mettre au point une réglementation et des solutions qui tiennent la route. Faut-il développer des lasers capables de faire fondre l'électronique du drone? Des outils pour reprendre en main les drones? Des drones mangeurs de drones? Chaque technique présente ses avantages et ses inconvénients.

Julien Licourt