Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 29 janvier 2015

Cristina Kirchner dissout les services secrets de son pays face à une tentative de coup d’Etat israélien


La présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé ce mardi la dissolution des services secrets du pays, le SI. L’organisation sera remplacée par l’Agence fédérale du renseignement. Une conséquence directe de la mystérieuse mort du procureur Alberto Nisman, le 18 janvier. Ce dernier accusait son gouvernement de couvrir l'Iran dans l'enquête sur l'attentat contre le centre juif AMIA en 1994.

La date précise n'a pas encore été fixée. Mais dans quelques semaines, les services de renseignement (SI) deviendront l'Agence fédérale du renseignement. La présidente argentine l'a annoncé ce mardi lors d'une allocution télévisée. La toute première depuis la mort du procureur Nisman.

Celui qui travaillait sur l'affaire AMIA depuis dix ans, allait révéler au Congrès les tentatives de la présidente Kirchner et de ses proches de dissimuler la responsabilité de l'Iran dans l'attentat de ce centre culturel juif, en échange de juteux contrats.

Elle a également annoncé le contrôle strict des liens entre les juges et les agents secrets dans le but d'empêcher des fuites.

Pour de nombreux Argentins et l'opposition, c'est le gouvernement qui a commandité cette mort, présentée au départ comme un suicide.

La présidente maintient pourtant que ce sont les services secrets qui sont derrière la mort du procureur ; et affirme que Nisman avait constitué le dossier qui la mettait en cause avec de fausses informations fournies par un agent secret : Antonio Horacio Stiusso. Un "super espion" qui a dirigé le SI.

"Une dette de la démocratie"

"La dissolution du SI est une dette de la démocratie et je dois m'attacher à cette réforme. Nous avons assisté à une sorte de manège permanent de procureurs, de juges, de médias, qui a été mis à nu et qu'il faut couper à la racine", a-t-elle déclaré, vêtue de blanc, assise dans un fauteuil roulant, en raison d'un fracture à une jambe. Et aussi en raison de la théâtralité qui la caractérise.

"Pour les attentats visant l'ambassade d'Israël en 1992 et le centre AMIA en 1994, plus de 20 ans après, il n'y a pas un seul condamné, ni un seul détenu", a-t-elle déploré. 

En décembre, la présidente avait congédié Antonio Horacio Stiusso et deux des principaux dirigeants du SI, également soupçonnés de fuites et de manque de loyauté. Un séisme dans le monde du renseignement. La réplique viendrait quelques semaines après.

Services secrets et dictature

Si Cristina Kirchner parle de "démocratie" c'est parce que les services secrets en leur état actuel sont un héritage direct de la dictature militaire (1976-1983). Et s'ils ont déjà été réformés -ou du moins en apparence- dans le passé, ils conservent une structure qui échappe bien souvent au contrôle du gouvernement.

"Kirchner, souhaite donc pour la nouvelle Agence fédérale d'Intelligence un directeur et un adjoint, qui seront tous deux nominés par le pouvoir exécutif et dont la candidature sera approuvée par le Sénat", écrit la BBC.

Les premières critiques se font déjà entendre : les détracteurs de cette agence craignent le manque de transparence et la partialité.

Entre-temps, l'enquête sur la mort du procureur patine. On est loin de savoir qui l'a tué. Ce que l'on sait c'est que Nisman avait même peur des gardes en charge de sa protection.

Sous haute protection 

Le magistrat vivait dans un luxueux appartement au 13e étage d'un immeuble ultramoderne du quartier de Puerto Madero, une zone portuaire transformée en quartier d'affaires et de résidences haut de gamme.

Il vivait sous haute protection, dix policiers étant affectés à sa sécurité, en raison de son implication dans ce dossier hyper sensible.

Proximité avec Washington

Des télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks ont mis en lumière sa proximité avec Washington, via l'ambassade des Etats-Unis à Buenos Aires.

Son homme de confiance, Diego Lagomarsino, un informaticien de 35 ans, a reconnu lui avoir fourni un pistolet de calibre 22, la veille de son décès brutal.

«Yo soy Nisman»

Nisman a été retrouvé mort d'une balle dans la tête, l'arme prêtée par Lagomarsino près de lui. Les premiers éléments de l'enquête pointent vers un suicide mais la majorité des Argentins, dont l'opposition et Mme Kirchner, croient qu'il a été supprimé.

Le jour de l'annonce de sa mort, des milliers d'Argentins en état de choc ont manifesté dans diverses villes du pays avec des pancartes affichant «Yo soy Nisman», en référence au «Je suis Charlie» français. «C'était un juriste courageux», a salué l'Etat d'Israël.


AFP