Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 14 décembre 2014

CIA: «Ce sont des héros, pas des tortionnaires»


Dick Cheney a défendu dimanche le programme de torture de l'agence contre des terroristes présumés au début des années 2000, louant le travail des interrogateurs.

Dick Cheney a défendu dimanche le programme de torture de l'agence contre des terroristes présumés au début des années 2000, louant le travail des interrogateurs. «Je suis parfaitement à l'aise: ils devraient être glorifiés, ils devraient être décorés», a-t-il déclaré. 


«Je suis parfaitement à l'aise: ils devraient être glorifiés, ils devraient être décorés», a déclaré sur NBC l'ancien vice-président américain, en poste de 2001 à 2009 sous le président George W. Bush, à l'époque où ont été perpétrés les interrogatoires musclés de terroristes présumés par l'Agence du renseignement américaine.

Le rapport accablant rendu public mardi par le Sénat affirme que la torture menée par la CIA contre les terroristes présumés n'avait permis de récupérer aucune information valable. La commission du Renseignement du Sénat a aussi mis en lumière les mensonges de l'agence du renseignement vis à vis du Congrès et de la Maison Blanche.

La torture a «bien fonctionné»

Mais pour Dick Cheney, ces interrogatoires menés sous la torture «ont parfaitement fonctionné», a-t-il ajouté. L'ancien vice-président avait déjà fait savoir son désaccord avec les conclusions du rapport sénatorial, affirmant mercredi qu'il était «plein de conneries». «Je pense que ce rapport est déplorable. Il me semble très imparfait. Ils n'ont pas pris la peine d'interroger les personnes clés impliquées dans ce programme», avait-il dit.

Le patron de la CIA John Brennan avait également souligné jeudi qu'il n'était pas d'accord avec les conclusions du rapport du Sénat. S'il a reconnu que ses agents avaient utilisé des méthodes d'interrogatoire «répugnantes» après le 11-Septembre, il a affirmé qu'il était impossible de dire si elles avaient été utiles pour obtenir des informations. De nombreuses réformes avaient été menées pour éviter que ce type de dérives ne se reproduise, avait-il aussi noté.

Les services secrets britanniques sous pression

La publication mardi du rapport accablant du Sénat américain a brusquement relancé les nombreuses interrogations en suspens sur le rôle joué par le MI5 et le MI6, les services de renseignements intérieur et extérieur britanniques, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

Plus proches alliés des Américains, les Britanniques ont marché main dans la main avec eux lors des campagnes en Irak et en Afghanistan.

En 2010, le Premier ministre David Cameron reconnaissait lui-même qu'il y avait «des interrogations sur le degré de collaboration des agents britanniques avec les services de renseignement étrangers qui traitaient les prisonniers d'une façon inappropriée».

Davantage de questions

Le juge à la retraite Peter Gibson se voyait alors confier la lourde tâche de mener une enquête indépendante.

Mais, faute de moyens suffisants, son rapport rendu en décembre 2013 pose davantage de questions qu'il n'apporte de réponses. Et résonne comme un aveu d'impuissance face à une administration guère encline à divulguer ses secrets, qui plus est lorsqu'ils concernent son principal allié.

La Commission parlementaire sur le renseignement et la sécurité (ISC) a hérité du dossier, et devrait rendre ses propres conclusions fin 2015.

«La vérité»

«Une fois que la commission aura rendu son rapport, nous devrons nous demander s'il n'est pas nécessaire d'ouvrir une enquête judiciaire complète», a cependant d'ores et déjà déclaré cette semaine le vice-Premier ministre Nick Clegg (libéral-démocrate). «Je suis comme tout le monde, je veux la vérité», a-t-il martelé.

Les services secrets britanniques ont-ils les mains propres? Au nombre de ceux qui répondent par la négative figure l'Ethiopien Binyam Mohamed. Détenu à Guantanamo pendant plus de quatre ans, il a affirmé qu'un membre du MI5 avait fourni les questions lors d'interrogatoires assortis de tortures.

Le Royaume-Uni est aussi accusé de complicité d'enlèvement par Abdelhakim Belhaj, ancien jihadiste devenu commandant militaire de Tripoli après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

En octobre dernier, la Cour d'appel de Londres a estimé qu'il était fondé à poursuivre les autorités britanniques.

Complice de la CIA

«Nous savons que le Royaume-Uni a été complice de la CIA dans des cas de torture et de transferts de détenus», accuse Donald Campbell, porte-parole de Reprieve, une organisation de défense des droits de l'homme.

La question est de savoir «quand le gouvernement expliquera comment cela a pu être autorisé», dit-il à l'AFP, ajoutant que le rapport américain «souligne la nécessité» pour Londres de faire son propre examen de conscience.

«En ce moment, le Royaume-Uni agit comme quelqu'un qui n'ose pas ouvrir une porte de peur de découvrir ce qu'il y a derrière», abonde Tom Davies, un responsable d'Amnesty international.

L'ONG a lancé une pétition en ligne pour demander l'ouverture d'une enquête judiciaire qui avait reçu plus de 14'000 signatures vendredi matin.

La presse s'interroge

Si ça ne suffisait pas, le gouvernement Cameron doit aussi composer avec la presse britannique qui s'interroge sur la possibilité que Londres ait demandé à Washington d'expurger certains passages gênants du rapport sur la CIA.

«Ces informations ont été supprimées (...) les Etats-Unis connaissent la vérité, pas nous», lâche Jenni Russell dans un éditorial publié dans le Times.

Du côté de Downing Street, on reconnaît qu'un dialogue a eu lieu avec les Américains sur le contenu du rapport, «mais il n'était pas question de chercher à faire retirer d'éventuelles accusations sur une implication britannique dans des activités considérées comme illégales au Royaume-Uni».

Patience

Pour le reste, les services du Premier ministre appellent à attendre les conclusions de la commission parlementaire: «Voyons ce qu'ils disent et après nous verrons ce qu'il faut faire».

Les Britanniques qui veulent savoir devront alors croiser les doigts pour que les informations les plus sensibles de cet énième rapport ne soient pas protégées par le délai de 20 ans sur la publication des documents classifiés...

AFP