Abubakar Shekau s'est montré dans une nouvelle vidéo jeudi, y vantant, sanglantes scènes à l'appui, l'application de la charia dans son «califat islamique» du nord-est du Nigeria.
L'armée nigériane avait affirmé la semaine dernière que Shekau était mort et que l'homme qui se faisait désormais passer pour lui dans les vidéos de Boko Haram avait aussi été tué lors d'affrontements avec des soldats dans le nord-est du pays. Mais les Etats-Unis, comme de nombreux experts, avaient mis en doute les dires de l'armée.
Double résurrection
Des responsables des forces de l'ordre locales ont déjà annoncé deux fois la mort du chef de Boko Haram, en 2009 et 2013. Mais à chaque fois, Shekau, qualifié par les Etats-Unis de «terroriste à l'échelle mondiale», était réapparu rapidement en vidéo.
L'homme qui parle dans cette dernière vidéo a la même apparence physique que dans les vidéos précédentes, et qualifie l'annonce de sa mort par l'armée de «propagande».
La bande, qui dure 36 minutes, montre Shekau en treillis, chaussé de bottes en caoutchouc, debout à l'arrière d'un pick-up, qui rafale successivement vers le ciel avec une mitrailleuse anti-aérienne, une mitrailleuse 12.7 PKM puis une Kalachnikov.
Il parle ensuite pendant 16 minutes, alternant l'arabe, l'haoussa (la langue la plus parlée dans le nord du Nigeria) et l'anglais, avec sa gestuelle emphatique. Il se tient debout devant trois pick-ups, entouré de quatre hommes armés et cagoulés, exhibant en toile de fond le drapeau noir frappé du sceau du prophète Mahomet.
Aucun élément ne permet cependant de déterminer où et quand la vidéo a été tournée.
Mise en scène violente
La rébellion Boko Haram qui a éclaté en 2009, et sa répression féroce par les forces de l'ordre nigérianes, ont fait plus de 10'000 morts et 700'000 déplacés. Ces derniers mois, les insurgés se sont emparés de pans entiers de territoires dans le nord-est du Nigeria, et de plusieurs localités frontalières de l'extrême-nord du Cameroun. Shekau y avait déjà proclamé un «califat islamique», dans une précédente vidéo, semant la terreur parmi les autochtones.
«Nous dirigeons notre califat islamique. (...) Nous pratiquons les injonctions du Coran sur la terre d'Allah», déclare Shekau cette fois-ci. Suivent, dans une séquence différente, des scènes d'une extrême violence, qui rappellent immanquablement les atrocités diffusées en vidéo ces derniers mois par le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.
Devant un large public de villageois rassemblés en plein air dans un paysage de brousse, la caméra filme la lapidation à mort d'un homme accusé d'adultère, puis l'amputation d'une main d'un homme accusé de vol, et l'administration d'un châtiment de cent coups de fouet à un jeune homme et une jeune femme accusée de «fornication».
On ignore d'où proviennent ces images ni quand elles ont été tournées, mais le 21 août dernier des civils ayant fui la ville de Buni Yadi, dans l'Etat de Borno (nord-est), avaient fait état d'exécutions sommaires menées précisément par Boko Haram.