Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 26 août 2014

Les mystérieux avions qui ont bombardé les islamistes libyens auraient été fournis par les Émirats arabes unis




La semaine passée, des positions tenues par les milices islamistes dans le secteur de Tripoli ont été bombardées à deux reprises par des avions non identifiés. Visiblement, ces raids aériens ont été menés en soutien des brigades de Zenten, qui, proches des milieux libéraux, livrent des combats acharnés depuis la mi-juillet pour conserver le contrôle de l’aéroport de la capitale libyenne.

Comme l’on peut s’en douter, l’origine des appareils impliqués a fait l’objet de spéculations. La France, l’Italie et les États-Unis ont été soupçonnés d’avoir pris part à ces bombardements… Ce que ces pays ont nié. Ayant lancé, en mai dernier, l’opération « Dignité » contre les groupes islamistes et jihadistes implantés à Benghazi (est de la Libye), le général Khalifa Haftar a revendiqué ces raids sur Tripoli.

Revenu en Libye après un exil aux États-Unis, le général Haftar, qui n’a plus de fonctions officielles, a su en effet rallier à sa cause des unités des forces aériennes libyennes. Selon la version donnée par son entourage, les bombardements des positions islamistes à Tripoli auraient été effectués par des SU-24 Fencer. Seulement, aucun des appareils en service au sein de l’armée libyenne (une douzaine) n’ont été vus en vol depuis au moins 2011… Ont-ils été remis en état? Et par qui si c’est effectivement le cas? Et il a aussi été question de l’implication de mercenaires dans cette affaire…

De leur côté, les islamistes de Tripoli ont accusé l’Égypte et les Émirats arabes unis d’être responsables de ces raids nocturnes. Mais Le Caire, qui soutient par ailleurs le général Haftar, a immédiatement démenti toute implication. Ou du moins l’implication de ses avions. Seulement, d’après des responsables américains cités par le New York Times, il semblerait bien que les autorités égyptiennes (avec, à leur tête, le président Abdel-Fattah el-Sissi) aient joué un rôle.

Ainsi, selon le quotidien américain, les Émirats arabes unis ont envoyés des chasseurs-bombardiers sur des bases aériennes égyptiennes. C’est à partir de ces dernières qu’ils auraient décollé pour effectuer les deux raids aériens sur Tripoli. Les forces aériennes émiraties ont les moyens d’une telle opération : elles disposent en effet de F-16E/F Block 60 « Desert Falcon » (un exemplaire a été endommagé lors des opérations en Libye, en 2011) et, au besoin, de 3 avions ravitailleurs A-330 MRTT.

Toujours d’après le New York Times, l’Égypte et les Émirats arabes unis n’ont pas prévenu les États-Unis de leurs intentions… D’où une certaine surprise, à Washington, après les deux raids aériens.

A priori, il s’agirait d’un épisode de la guerre que se livrent par procuration la Turquie et le Qatar d’un côté (ces deux pays soutiennent les Frères musulmans) et, de l’autre, l’Arabie Saoudite, les Émirates arabes unis et l’Égypte. Ces dissensions ont récemment provoqué des tensions au sein du Conseil de coopération du Golfe.

« Lors du soulèvement contre le colonel Kadhafi, il ya trois ans, le Qatar et les Émirats arabes unis ont tous deux joué un rôle actif, mais chacun a favorisé différents clans parmi les rebelles. Tandis que le Qatar a soutenu certains islamistes, les Émirats Arabes Unis ont favorisé certaines milices tribales ou régionales, y compris les milices de Zenten », a expliqué Frédéric Wehrey, un expert de la Fondation Carnegie Endowment for International Peace.

Outre ces raids aériens, l’Égypte et les Émirats auraient mené, toujours selon les responsables américains, une opération spéciale contre un camp islamiste implanté dans la ville libyenne de Derna. Cependant, il n’est pas clair si les forces égyptiennes ont été impliquées : Le Caire aurait seulement fourni la base de départ.

l'Arabie saoudite coupable

La mort atroce du journaliste américain James Foley n'a pas seulement bouleversé les opinions occidentales à tradition judéo-chrétienne ou laïque. Elle suscite colère, gêne, réprobation dans la plupart des pays d'islam et un sentiment de frustration et de révolte chez beaucoup de croyants musulmans. En témoigne cet éditorial, publié par le New York Times, d'Ed Husain, un chercheur de confession musulmane, membre du Council on Foreign Relations américain et associé de la Fondation pour la foi de Tony Blair. Il désigne le responsable, selon lui, de tous les excès dont se rendent coupables non seulement l'État islamique en Irak et en Syrie mais aussi al-Qaida en Afghanistan, au Pakistan et au Mali ou encore Boko Haram au Nigeria.

Tous, écrit Ed Husain, s'inspirent de l'enseignement, des pratiques et du prosélytisme de l'Arabie saoudite. Ou du moins de l'islam salafiste, tel qu'il existe dans un endroit où les non-croyants ne savent pas ce qui s'y passe puisqu'ils en sont bannis. Mais où 13 millions de musulmans viennent chaque année en pèlerinage puisqu'il s'agit de La Mecque. Et en reviennent parfois endoctrinés. Un extrémisme protégé par le royaume saoudien en vertu du pacte conclu en 1744 entre la tribu des Saoud et le fondateur du wahhabisme, la forme la plus littérale, rigoriste et puritaine de l'islam qui a donné lieu au salafisme. Celle qui se donne pour mission de convertir tous les musulmans à leur conception de la religion dont ils disent qu'elle est libérée de "toute pollution occidentale".

Attitude ambivalente

Ed Husain sait d'autant mieux de quoi il parle qu'il a vécu en Arabie saoudite. Il raconte d'ailleurs qu'en 2005 le roi Abdallah avait lancé une campagne pour soutenir l'idée du dialogue avec les autres religions. "Or, écrit-il, dans ma mosquée, l'imam profitait de la prière du vendredi pour condamner cette ouverture parce qu'elle semblait mettre sur un même plan l'islam et les fausses religions." Ed Husain fait également remarquer que les pays démocratiques s'émeuvent à juste titre de la décapitation de James Foley, mais qu'ils ne manifestent pas outre mesure contre le fait que l'Arabie saoudite continue à pratiquer la décapitation au sabre (déjà 19 exécutions pour l'année 2014), ce qui indirectement encourage les musulmans de par le monde à recourir à des pratiques barbares de ce genre.

Le paradoxe est que l'Arabie saoudite, dans une attitude ambivalente (schizophrénie ou comble de l'hypocrisie), vient la semaine dernière encore de doter de 100 millions de dollars l'agence créée par les Nations unies... pour lutter contre le terrorisme.

Huit milliards pour La Mecque

L’Arabie saoudite devrait engranger quelque 8,5 milliards de dollars (7,8 milliards de francs) du prochain pèlerinage à La Mecque au début octobre. Près de deux millions de fidèles sont attendus, selon une étude publiée hier. Dans cette étude, la Chambre de commerce de La Mecque précise que les revenus du prochain pèlerinage (hajj) devraient progresser de 3% par rapport à la dernière saison de ce grand rassemblement annuel musulman. Ces estimations ont été établies sur la base d’une participation au prochain hajj de 1,98 million de fidèles, dont 1,38 million de l’étranger (70%).