Des chercheurs, dirigés par Yoshihiro Kawaoka de l’université du Wisconsin à Madison, ont génétiquement modifié un virus ressemblant à celui de la grippe espagnole, composé de segments de virus de la grippe aviaire et qu’ils prétendent être encore plus pathogène que l’original (qui a tué 50 millions de personnes).
Image d’entête : une aire de repos improvisée sur le plancher de la salle d’exercices de la base d’entrainement navale de San Francisco, avec des draps érigés entre chaque lit par mesure de précaution contre la propagation de la grippe. Photographié pendant la Première Guerre mondiale, probablement dans la dernière partie de 1918.
Le Pr Kawaoka affirme que le travail de son équipe est essentiel, car il permet aux scientifiques d’avoir une longueur d’avance sur la compréhension des virus qui pourraient un jour poser un risque grave pour la population mondiale. Cette justification est bien loin de contenter la communauté scientifique.
La recette aviaire qui tue
Les scientifiques de l’université du Wisconsin à Madison ont utilisé une technique appelée la génétique inverse pour construire le virus à partir de fragments de grippe d’oiseau sauvage. Ils ont alors fait muter le virus pour le rendre aéroporté afin qu’il se propage plus facilement d’un animal à un autre.
Les Influenzavirus circulent librement dans les populations d’oiseau sauvage. La plupart se trouvent dans les poulets, les canards et d’autres oiseaux, mais de temps à autre des souches mutent dans une forme qui peut infecter des humains. La grippe aviaire H5N1 a tué au moins 386 personnes depuis 2003. On pense que la grippe espagnole de 1918 vient aussi des oiseaux.
Yoshihiro Kawaoka décrit dans son étude (Circulating Avian Influenza Viruses Closely Related to the 1918 Virus Have Pandemic Potential) comment son équipe a analysé différents virus de la grippe aviaire pour trouver des gènes de plusieurs souches qui étaient très similaires à ceux qui composaient le virus de la grippe humaine de 1918. Ils ont combiné les gènes de la grippe aviaire dans un seul et nouveau virus, engendrant un nouvel agent pathogène qui n’a que 3 % de différence avec la grippe espagnole de 1918.
Leur première version, qu’ils ont testée sur des souris et des furets, ne fonctionnait pas très bien. Le virus n’était pas aussi dangereux que celui de la grippe espagnole et ne se propageait pas dans la population des furets. Les chercheurs l’ont alors modifié et 7 mutations plus tard, le virus était bien plus dangereux et se répandait bien plus vite entre les animaux par le biais de minuscules gouttelettes d’eau, comme dans les cas de transmission de grippe chez l’humain.
Cette recherche est la dernière d’une série d’études controversées qui ont divisé la communauté scientifique. D’un côté, il y a les chercheurs qui créent de dangereux virus dans des laboratoires sécurisés avec l’espoir d’apprendre comment les souches pourraient muter pour devenir une menace potentielle pour les humains.
D’autre part, il y a les scientifiques qui soutiennent que ce type de recherche fait peu ou rien visant à protéger les personnes, mais met plutôt la population mondiale en danger.
Bien sûr, ce sont ces derniers qui ont le plus de partisans. De plus, la chance qu’un virus très similaire à celui qu’ils étudient apparaisse dans la nature est extrêmement peu probable. Kawaoka affirme que son équipe en a pleinement conscience et que les mécanismes sous-jacents, qui rendent le virus si dangereux, sont plus importants pour la prévention des pandémies futures.
Parmi les nombreux virologistes, microbiologiste et autre spécialiste des maladies infectieuses à travers le monde, qui ont critiqué cette recherche, il y a, par exemple, Simon Wain-Hobson, virologiste à l’Institut Pasteur à Paris, qui a déclaré qu’il craignait que les gouvernements et les organismes de financement ne prennent les risques au sérieux qu’une fois l’accident arrivé.
C’est de la folie, de la folie. Il montre un profond manque de respect pour le processus de décision collective, dont nous avons toujours fait preuve dans la lutte contre les infections. Si la société, le profane intelligent, comprend ce qui se passe, ils diraient “What the F are you doing?” (P mais qu’est-ce que tu fais ??)
Exemple de manipulation d’agent hautement pathogène dans un laboratoire de type P4 au Dugway Proving Ground (USA) qui vise à lutter contre les attaques chimiques et biologiques
Et pour conclure, Il est à noter qu’une récente étude de l’université d’Harvard et de Yale a démontré que, si 10 laboratoires à travers les États-Unis conduisaient des recherches similaires, sur des souches hautement pathogènes (danger biologique de niveau 5), pendant 10 ans, il y aurait 20 % de chance d’une “fuite” dans la population.