Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 16 juin 2014

Obama se cherche des raisons de ne pas agir contre les djihadistes qui menacent l'unité de l'Irak


Il l'a promis aux Américains : le président Obama ne renverra aucun boy en Irak pour aider l'armée flageolante du pouvoir en place à empêcher les djihadistes fanatiques de l'EIIL de prendre Bagdad. Et s'il a, depuis son discours de vendredi, donné l'ordre au porte-avions George HW Bush de faire mouvement dans le Golfe persique pour que ses avions soient à portée de frappe des insurgés, il essaie de gagner du temps. En espérant qu'un sursaut des forces chiites fidèles à al-Maliki, le Premier ministre irakien, lui évitera d'avoir à donner le feu vert aux aviateurs et à ceux qui pilotent à distance les drones.

Il faut reconnaître que la situation d'Obama est inconfortable : il vient tout juste, devant les cadets de West Point, de définir le souvenir qu'il veut laisser dans les livres d'histoire, celui d'un président qui aura mis fin à toutes les guerres dans lesquelles l'Amérique était engagée outre-mer. Pas de chance. Deux semaines après, le voilà contraint de trancher dans l'une de ces situations auxquelles une superpuissance comme les États-Unis, avec un système complexe d'alliances et un passé chargé d'interventions militaires, se trouve régulièrement confrontée : celle d'aider un de ses obligés.

Gagner du temps

Alors, pour le moment, il gagne du temps et traîne des pieds. Même lorsqu'il s'agit de pratiquer une de ces frappes ciblées à l'aide des drones Predator pourtant largement utilisés sous sa présidence pour mettre hors d'état de nuire les ennemis de l'Amérique au Pakistan ou au Yémen.

Et puis, il invoque la morale pour dire, comme lors de son intervention de vendredi : "Il ne peut être question que l'Amérique soit entraînée dans une opération militaire tant que les autorités de Bagdad n'auront pas réformé un système politique qui a laissé le champ libre à l'insurrection islamique." C'est un peu la réaction du pompier qui n'accepterait pas de faire monter les victimes d'un incendie sur son échelle tant qu'elles n'ont pas vérifié si leur prise de courant ne pourrait pas être à l'origine du court-circuit.

Machiavélisme

Al-Maliki est une créature remise en selle par les Américains quand ils ont chassé Saddam Hussein et déstabilisé toute l'administration du pays parce qu'elle avait collaboré avec le dictateur. Le choix de l'homme était mauvais puisqu'il a pratiqué l'exercice du pouvoir sans penser une seconde à la réconciliation nationale, mais seulement à une vengeance de la communauté chiite sur les sunnites évincés de tous les niveaux de responsabilité. Mais cela, Obama le sait depuis longtemps. Il n'avait pas besoin d'attendre que les sunnites se révoltent en profitant de l'aide qu'étaient prêts à leur apporter les mercenaires islamisés qui font la guerre dans la Syrie voisine contre Bachar el-Assad. Il devait exiger de Bagdad depuis des mois les changements qu'il réclame aujourd'hui. Et s'il l'a fait, il a manqué de conviction et d'arguments.

Maintenant, la guerre est en train de déstabiliser toute la région et d'inquiéter au plus haut point les Iraniens qui ont déjà envoyé trois bataillons de Gardiens de la révolution au secours de leurs frères en religion. Il faut d'ailleurs se demander si Obama n'est pas en train d'attendre tranquillement que Téhéran fasse le travail pour lui. Et rétablisse l'ordre et les frontières en Irak. Certains verront dans cette attitude un habile machiavélisme. D'autres jugeront qu'il s'agit d'une belle reculade de l'Amérique dans son rôle traditionnel de superpuissance. "Cela ressemble à de l'alcool, cela a le goût de l'alcool, mais ce n'est pas de l'alcool"... C'est peut-être cela, la doctrine Obama. Celle d'un président américain Canada Dry.