Le 27 mars 1999, lors de l’intervention de l’Otan au Kosovo, un chasseur-bombardier américain furtif de type F-117 Nighthawk était abattu par un missile S-125 « Neva » (ou SA-3) tiré par la défense aérienne serbe.
Etant donné les capacités de cet appareil, qui aurait dû échapper au radar, cette nouvelle était alors surprenante. Les Serbes prétendirent que leurs radars d’origine soviétiques avait été modifiés pour opérer sur de larges longueur d’ondes, ce qui leur permit de détecter le F-117 quand la soute de ce dernier était ouverte pour larguer ses bombes. Mais l’explication la plus plausible est que, étant donné que l »avion américain suivait un plan de vol identique depuis 3 jours et que ses communications étaient interceptées, la défense aérienne serbe savait surtout où et quand regarder avant de frapper.
Cet épisode n’a pas remis en cause la furtivité des avions de combat. Bien au contraire puisqu’elle est devenue l’une des caractéristiques principales des appareils dits de 5e génération, comme peuvent l’être les F-22 et F-35 américains (sans oublier le bombardier B-2 Spirit), les J-20 et J-31 chinois, en cours de développement ou encore le Sukhoï T-50 russe, mais aussi des futurs drones de combat (nEUROn, X-47B, etc..).
Des budgets conséquents, voire faramineux, sont dépensés pour mettre au point ces avions censés pouvoir frapper avant d’être repérés. Pour autant, cette course à la furtivité suscite du scepticisme chez quelques uns, dont l’amiral Jonathan Greenert, qui n’est autre que le chef des opérations navales de l’US Navy. Ce dernier s’en était ouvert dans un article publié en juillet 2012 par la revue de l’US Naval Institute.
« L’augmentation rapide de la puissance de calcul des ordinateurs ouvre la voie à de nouveaux capteurs et à des méthodes de détection qui feront que la furtivité et ses avantages seront de plus en plus difficiles à maintenir au-dessus et en dessous de l’eau », avait en effet estimé l’amiral Greenert.
En clair, pendant que les ingénieurs des constructeurs aéronautiques planchent sur des technologies censées rendre furtifs les avions de combat (forme de la cellule, revêtement absorbant les ondes, etc…), leurs homologues spécialistes des radars travaillent quant à eux sur les moyens de rendre les systèmes de détection plus performants.
Ainsi, selon l’amiral Greenert, les capteurs futurs « fonctionneront des fréquences électromagnétiques plus basses que ce que les technologies de furtivité peuvent contrer » et la « détection se fera sous des angles sous lesquels un aéronef présente une plus grande signature ».
Et d’ajouter : « L’amélioration du traitement informatique permettra de nouvelles techniques qui pourront détecter des plate-formes furtives sur des aspects ciblés à partir desquels elles ont des échos radar plus élevés ». Et les radars à antenne active (AESA) associé à un ordinateur de gestion de combat pourront détecter « une partie de la plateforme furtive, le côté, le dessous, ou l’arrière » et « mettre en corrélation ces éléments » pour l’attaquer.
Même chose pour les radars dits passifs, « qui peuvent capter les ondes électromagnétiques produites par des émetteurs d’opportunité, comme les téléphones portables ou les antennes de télévision, qui rebondissent sur une plate-forme furtive à une variété d’angles. Avec un meilleur traitement dans le futur, ces signaux fragmentés faibles peuvent être combinés pour créer des informations de cible de poursuites », expliquait l’amiral Greenert.
De tels systèmes existent déjà. Au moment où le responsable de l’US Navy publiait son article, Cassidian, devenu aujourd’hui Airbus Defense&Space, diffusait un communiqué dans lequel il indiquait avoir « développé un radar dit ‘passif ‘, susceptible de détecter même des objets volants difficilement détectables, comme par exemple les ‘avions furtifs’, et lui-même pratiquement impossible à repérer ».
L’industriel expliquait alors que « contrairement aux radars traditionnels, le radar passif n’émet lui-même aucun rayonnement mais exploite, pour la reconnaissance des objets, les réflexions des rayonnements d’autres émetteurs, tels que par exemple les stations de radio ou de télévision ».
« Le principe du radar passif est connu depuis longtemps déjà », avait alors commenté Elmar Compans, responsable de l’unité Sensors & Electronic Warfare, mais nous avons eu recours aux possibilités d’avant-garde des technologies numériques en matière de récepteurs et de traitement des signaux, en vue d’augmenter sensiblement aussi bien portée qu’exactitude de détection grâce à l’utilisation simultanée de différents émetteurs ».
En outre, ce radar passif peut être déployé facilement, en étant embarqué à « bord d’un véhicule de la taille d’une camionnette commerciale ». Et cela « au prix d’une dépense logistique minime ».
En octobre dernier, un député de la commission de la Défense et des Forces armées s’était inquiété d’un éventuel décrochage de la France en matière de développement d’avions dits de 5e génération – donc furtifs – alors que « la Russie, l’Inde, la Chine et le Pakistan en seraient déjà à la cinquième génération et que les États-Unis travailleraient même sur la sixième ».
Chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Denis Mercier, lui avait répondu que le « Rafale, s’il fallait le qualifier comme relevant de telle ou telle ‘génération’ d’avions – avec tout ce que cela a d’artificiel » était « par bien des aspects un avion de cinquième génération plutôt que de quatrième génération ». Et de préciser : « On pourrait m’objecter qu’il n’est pas assez furtif, mais je ne crois guère à la pertinence de la furtivité ».
Au Sénat, à la même période, le général Mercier avait précisé sa pensée. « La future capacité de combat aérienne sera un ‘système’ capable d’associer de la façon la plus efficace possible des capteurs et des effecteurs. Les capacités critiques de ce ‘système’ reposeront sur sa capacité d’intégration des données et des missions ainsi que sur ses liaisons de données », avait-il affirmé.
Laurent Lagneau