Des gestes réalisés inconsciemment peuvent révéler beaucoup de choses sur la personnalité d’un individu. Ou du moins sur les émotions qu’il ressent à un moment donné. Et selon, Amy Cuddy, psychologue sociale à la Harvard Business School, “notre langage corporel forge qui nous sommes”.
Aussi, pour en savoir plus sur la personnalité des dirigeants étrangers, il serait tentant, si l’on souscrit à ces thèses, d’étudier de près leur language corporel. Il n’y aurait là rien de répréhensible : passer au crible les faits et gestes de chaque responsable politique important est une pratique courante (du moins en théorie… De mémoire, c’est ce que faisait le personnage de Jack Ryan dans le film la Somme de toutes les peurs, adaptés du roman de Tom Clancy).
Seulement, l’on aurait presque l’impression que cela le serait après les révélations du quotidien USA Today selon qui une équipe du Pentagone étudie de près le langage corporel d’une quinzaine de grands de ce monde, dont Vladimir Poutine. A force de s’offusquer de tout et de rien, on finira un jour ou l’autre à trouver scandaleux que l’eau mouille…
Reste que, lors d’une conférence de presse donnée le 7 mars, un porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby, a dû justifier l’existence de ces études réalisées par l’Office of Net Assessment (ONA). Ces dernières “ne sont pas utilisées pour élaborer une politique ou prendre des décisions”, s’est-il ainsi défendu et le secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, en aurait “appris l’existence” après la publication de l’article d’USA Today. En outre, si elles ne sont pas “classifiées”, elles ne sont pas rendues publiques non plus.
Auparavant, ces études étaient réalisées pour le compte du département d’Etat. Du moins jusqu’en 2002. Le Pentagone dépense 300.000 dollars par an pour les financer. Cela fait quand même un peu cher si l’on ne s’en sert pas… Sans doute que la vraie polémique, s’il devait y en avoir une, se trouverait là.
L’une des membres de l’ONA, Brenda Connors, avait publié un article dans un quotidien, en 2004, où elle donnait quelques indications sur le profil psychologique de Vladimir Poutine après avoir étudié son langage corporel.
Selon le porte-parole du Pentagone, cette unité aurait travaillé sur la personnalité de Vladimir Poutine en 2008 et en 2012, mais pas depuis. L’actuel secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, n’aurait pas eu connaissance de ces rapports.
Le programme Body Leads (le rôle du corps) emploie les professeurs Brenda Connors (chercheuse à l’École de guerre de la Navy), Richard Rende (psychiatre à l’université Brown) et Timothy Colton (russologue à Harvard). Le Dr Connors est rattachée à l’Office of Net Assessment (ONA), une structure créée au Pentagone par les disciples du philosophe impérialiste Leo Strauss et dirigée par le très influent Andrew Marshall (photo).
Andrew Marshall (92 ans), surnommé « Maître Yoda » (par référence au personnage de La Guerre des étoiles) est une figure historique du militarisme états-unien et le mentor de Dick Cheney et Paul Wolfowitz. En 2004, il fut mis en cause pour avoir épuré le Pentagone de tout fonctionnaire opposé à la destruction de l’Irak. Son Bureau a été maintenu par Chuck Hagel, mais son budget a été réduit à 10 millions de dollars annuels et il doit désormais rendre des comptes au sous-secrétaire à la Défense.
Le Mouvement d’analyse des comportements, dont se réclame le Dr. Brenda Connors, a été créé par le Hongrois Rudolf Laban en 1940, puis développé par le Britannique Warren Lamb qui vient de décéder. Selon sa notice biographique publiée par The Independant, son travail aurait été tardivement reconnu par des multinationales et le gouvernement états-unien. Il aurait ainsi été payé 24 000 dollars comme consultant du programme Body Leads et aurait travaillé personnellement sur la personnalité de Vladimir Poutine.
Le Dr Brenda Connors s’est exprimée à propos de ses études sur Vladimir Poutine, mais bien avant qu’elle ait officiellement travaillée sur lui, en 2005 . Elle observe que son côté gauche est d’une grande aisance, tandis que son côté droit semble partiellement paralysé, sa main droite semble insensible. Elle développe plusieurs hypothèses pour expliquer cette infirmité. Puis, elle observe que malgré cela, il est devenu champion d’arts martiaux. Sur cette base, elle le compare ses mouvements à ceux d’un reptile et lui attribue des comportements reptiliens lorsque son territoire est envahi.
“En regardant les vidéos image par image, il est possible de découvrir le style de mouvement d’une personne, une signature unique comme les empreintes digitales”, écrivait-elle. Et en étudiant la démarche du président russe, elle en avait conclu qu’il s’agit d’un “homme qui lutte pour avancer (…) Cette instabilité est compensée par un besoin criant de contrôle interne, qu’il manifeste en étalant sa force”.