Le 12 juillet 2006, une patrouille de l’armée israélienne tombait dans une embuscade tendue par des miliciens chiites du Hezbollah à la frontière israélo-libanaise. Huit soldats de Tsahal sont tués, deux autres sont faits prisonniers.
Immédiatement, le gouvernement d’Ehud Olmert décide une opération militaire de grande ampleur pour laver cet affront. L’objectif assigné à Tsahal est de réduire le Hezbollah, qui lance alors des roquettes et des missiles sur les localités situées dans le nord d’Israël.
Le rapport des forces est alors largement en faveur d’Israël, les forces du Hezbollah ne représentant à peine que 2 divisions. Outre la question des effectifs, les moyens mis en oeuvre par Tsahal sont sans commune mesure avec ceux de la milice chiite libanaise.
Et pourtant, après avoir utilisé deux fois plus de munitions que lors de la guerre du Kippour contre les nations arabes et dépense 1% de son PIB dans une campagne qui aura duré à peine plus d’un mois, les objectifs ne sont pas atteints. Qui plus est, le Hezbollah a continué, jusqu’au cessez-le-feu, décrété le 14 août, à lancer des roquettes vers Israël (jusqu’à 250 par jour). En outre, les pertes de Tsahal s’élèvent alors à 119 tués, 750 blessés, 22 chars Merkava, et 5 aéronefs. Une corvette sera même endommagée.
Quelles sont les raisons de cet échec? Directeur du bureau de recherche du Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de Terre, le colonel Michel Goya, en collaboration avec le chef de bataillon Marc-Antoine Brillant, analyste au sein de la même structure, ont analysé avec minutie les erreurs et les fautes commises par les responsables militaires et civils israéliens dans leur livre intitulé “Israël contre le Hezbollah : Chronique d’une défaite annoncée 12 juillet – 14 août 2006“.
Inexpérience du gouvernement d’Ehud Olmert sur les questions militaires, doctrine figée, méconnaissance de l’adversaire, une trop grande confiance aux opérations aériennes et au tout technologique, la perte de compétences au sein de Tsahal, les hésitations de commandants d’unités, la croyance – erronée – que la population israélienne n’accepterait pas les pertes éventuelles, une logistique réorganisée mais déficiente, la non-maîtrise de la communication… Tous ces éléments – et d’autres – sont analysés avec précision et avec simplicité (on ne dira jamais assez combien la vulgarisation des affaires militaires est importante…)
Au delà de l’examen des faits, les deux auteurs s’interrogent sur la notion de victoire dans les conflits contemporains. “Son sens classique n’est-il pas en train de s’effacer un peu?” écrivent-ils. “Pendant des siècles, l’issue des guerres se résumait à la reconnaissance d’une victoire et donc de l’acceptation d’une défaite”, poursuivent-ils. t d’ajouter : “La victoire s’entendait soit comme l’obtention d’un gain visé initialement, soit par l’abandon ou la destruction de son adversaire.
Or, en Afghanistan, par exemple, chaque camp revendique une “victoire”, que ce soit l’Otan, qui voit le succès de sa stratégique, ou les taliban. Même chose pour Israël contre le Hezbollah. Pour Ehud Olmert, l’opération menée au sud Liban a été un succès. Tout comme pour Hassan Nasrallah, le chef de la milice libanaise. Cela tient à la nature de l’adversaire, désormais le plus souvent désigné par le terme de “techno-guérilla”.
“Dans les conflits contemporains, à la fois infraétatiques et asymétriques, il y a peu de victoires nettes, parce qu’il y a rarement des vainqueurs. Aucun affrontement ne débouche sur un succès militaire décisif, l’usure étant de mise. A la manière du jeu de Go, la partie s’achève par commun accord, y compris tacite, et non par un ‘échec et mat’”, expliquent les auteurs. Voilà de quoi donner matière à réfléchir.