L’affaire remonte à fin 2013, mais «grenouillait» depuis un moment déjà. En décembre dernier, les polices fribourgeoise et militaire ont perquisitionné un local situé sur la place de tir de Montagne de Lussy dans le canton de Fribourg. Tout un stock de munitions et d’armes a été saisi. «C’était un mélange improbable», indique une source évoquant pêle-mêle des anciens mousquetons de l’armée suisse, des armes de poing, mais également des armes en provenance des pays de l’Est, dont des AK-47, plus connus sous le nom de kalachnikov.
S’agissant d’un lieu placé sous la responsabilité de la Confédération, en l’occurrence de l’armée, c’est la justice militaire qui est en charge de l’affaire. Son porte-parole, Tobias Kühne, confirme l’ouverture d’une enquête «en complément de preuves» concernant l’usage d’armes et de munitions ainsi que l’utilisation des infrastructures. Il indique que «300 armes, pour la plupart appartenant à des civils et entreposées dans un local militaire ont été séquestrées». Mais que faisait cette artillerie lourde propriété de civils dans un local de l’armée? C’est justement ce que le juge d’instruction militaire désigné est en train d’établir. Son rapport sera rendu d’ici à quelques semaines.
Milieu interlope
Selon nos informations, plusieurs dignitaires de l’armée en poste ou à la retraite ont déjà été interrogés. Tout comme un haut gradé en exercice et des civils. Il y aurait également un ancien des forces spéciales françaises et un ex-agent de sécurité suisse qui, il y a plusieurs années, a travaillé pour le compte d’une société de sécurité israélienne. Cet homme avait à l’époque été entendu par la justice genevoise dans le cadre d’un hypothétique kidnapping d’Athina Onassis. L’affaire avait fait grand bruit à la fin des années 1990 avant d’être classée, rien ne prouvant une tentative de rapt.
Dans le dossier «Montagne de Lussy», certaines sources n’hésitent pas à évoquer des «barbouzeries» et même la création «d’une cellule secrète à la P26»! Le stand de tir accueillait régulièrement des stages organisés par un militaire connu au niveau européen – et même au-delà – pour ses méthodes de tir de combat. «Un maître en la matière qui a pu susciter des jalousies», estime un officier sous le couvert de l’anonymat.
Enquête intercantonale
Pour la justice militaire, il s’agit désormais – en collaboration avec les différents services des armes cantonaux – de retrouver les propriétaires des différents calibres et «de procéder aux vérifications usuelles». «Par rapport aux munitions, la police militaire a effectué différents contrôles au sein de plusieurs troupes avec les commandements concernés», ajoute Tobias Kühne, précisant que cette place de tir peut être utilisée par les civils «moyennant autorisation des autorités compétentes».
A l’issue du rapport du juge militaire, l’affaire débouchera soit sur un classement, soit sur une sanction disciplinaire ou alors, si des éléments probants sont mis en évidence, sur l’ouverture d’une enquête dite «ordinaire».