Les mafias sont des organisations composées de plusieurs groupes appelées familles dont le chef de chacune est nommé parrain. Le terme de mafia (ou maffia) est également utilisé pour définir n'importe quelle organisation criminelle dont les activités reposent sur une stratégie d'infiltration de la société civile et de ses institutions. La mafia est originaire d'Italie du sud,où ce type de système a été utilisé et caractérisé en tant que tel en premier, et ce dès le XIXème siècle. Ces organisations sont régies par des codes et rituels affirmant l’appartenance de chacun des membres et la cohésion, l’unité en leur sein. Dès lors, quel est le rôle et l’importance des codes et rituels d’appartenance dans les mafias italiennes ?
Nous étudierons donc leur importance et leur rôle au sein de ces organisations familiales que sont les mafias après avoir approfondi l’aspect sociologique des codes et rituels.
Image: dessin satirique décrivant certain des rites mafieux
Définitions des termes sociologiques
Rites : Les rites favorisent la reproduction sociale. Dans une société primitive, un rite est un ensemble ordonné de gestes et de paroles stéréotypés accomplis dans un cadre religieux et/ou social. Dans nos sociétés modernes, le rite est, la plupart du temps, profane. C’est un ensemble codifié d’attitudes, de gestes et de paroles qui se reproduisent à chaque fois qu’un événement à lieu.
Un rite s’apparente toujours à une cérémonie : chacun des participants à une place qui est le reflet de son statut et doit respecter le rôle qui lui est assigné. Le rite traduit, à la fois, l’existence d’idéaux communs et l’asymétrie des relations entre les acteurs. Il est un ensemble de rôles qui rappelle à tous les valeurs du groupe. Ne pas jouer le rôle qui lui est assigné expose le perturbateur à être sanctionné et, éventuellement, à être exclu du groupe. Les rites permettent donc à la société de se reproduire et aux individus de s’y intégrer.
Les rites font appel à des symboles. Un symbole est un concept qui est utilisé pour en représenter un autre. Par exemple, Marianne est le symbole de la République française, la croix celui du sacrifice du Christ. Les symboles sont des représentations concrètes de réalités abstraites, ils incarnent des valeurs et participent à l’orientation de l’action sociale.
Code : Les codes sont l’ensemble des règles de bonne conduite, des conventions dans un environnement donné.
Normes : Une norme, au sens sociologique du terme, représente un comportement généralement observé dans un contexte donné.
La conception de normalité ou d'anormalité en sociologie est vierge de tout jugement de valeur et se rapporte plutôt au concept sociologique de déviance
Il existe deux types de normes en sociologie. La première, la norme formelle, est une loi ou une règle officielle régie par des personnes influentes. La seconde, la norme informelle, est une façon de se comporter dans la société qui n'est pas obligatoire, mais dont les membres de la collectivité trouvent nécessaire à son bon fonctionnement.
- Intégration: un rite d’initiation
a.Rites à connotations religieuses…
‘Ndrangheta :
-Les réunions de la 'Ndrangheta se font dans un dialecte calabrais et suivent un certain rituel avec des allusions à la loyauté
-Pour en devenir membre, il faut être né d'une famille de la 'Ndrangheta. Les enfants de mafiosi sont élus dès leur naissance, par un rituel où l'on place une clé et un poignard de chaque coté de l'enfant (Le couteau est généralement placé plus près de l’enfant).
-On entre très jeune dans la ‘Ndrangheta. Les enfants des villages ont 2 baptêmes, un a l’église et un au sein de la mafia. C’est une cérémonie avec des formules qui rappellent la maçonnerie et les sociétés secrètes de carbonari.
Cosa Nostra :
-La Cosa nostra est scrupuleuse lors de l'initiation d'un futur membre au sein de leur « famille ». Un mafieux doit être obligatoirement :
•sicilien de père et de mère
•de sexe masculin et catholique
Sont d’offices interdits d'initiation :
•Les éléments nés hors de la Sicile,
•Les fils illégitimes (même de parents séparés ou divorcés),
•Les communistes ou fils de ces derniers,
•Les fils ou frères de femmes « légères »,
•Les homosexuels,
•Les divorcés,
•Les conjoints ou proches de victimes de Cosa nostra (le vœu de vérité entre hommes d'honneur leur révélerait le nom de l'assassin et déclencherait des vendettas sans fin),
•Les proches parents de policiers, magistrats ou fonctionnaires de toute instance répressive.
On notera que la plupart de ces prohibés sont proscrit par la religion catholique.
Dès l'âge de raison, et souvent de père en fils, le jeune est imprégné des « valeurs mafieuses ». Il est observé, jaugé longuement par les anciens, puis prudemment abordé par des sous-entendus, des demi-silences ou allusions. Si l'évaluation est positive, le candidat est invité à adhérer à Cosa nostra. Cette introduction est à sens unique et on ne sort de l'honorable société que mort ou exclu.
-Dans la plupart des familles, le rite d’orientation est organisé quand un homme devient un « associé » et, plus tard, un « soldat ». Comme le décrit Tommaso Buscetta au juge Giovanni Falcone, la cérémonie réunit, en plus du néophyte, au moins trois « hommes d’honneurs » de la famille ; le plus vieux lui précise que cette « Maison » protège le faible contre l’abus du pouvoir ; il pique alors le doigt de l’initié dont il verse le sang sur une image sacrée, souvent un saint. L’image est alors placée dans la main de l’initié et l'officiant y met le feu. Le néophyte doit résister à la douleur et passer l’image d’une main à l’autre, jusqu’à ce que celle-ci soit consumée, tout en jurant solennellement de garder la foi dans les principes de la « Cosa Nostra » ; il utilise pour cela la formule « que ma chair brûle comme ce saint si je ne garde pas mon serment. » Joseph Valachi fut la première personne à mentionner cela au tribunal.
Stidda :
La Stidda est la mafia la plus méconnue des mafias Italiennes, car son apparition est relativement récente, elle est originaire du Sud de la Sicile. Ses membres se font tatouer cinq points entre le pouce et l’index.
Sacra Corona Unita :
Par Sacra Corona Unita ("Couronne Sacrée Unie" en français), il faut comprendre:
•Sacra : l'entrée d'un affilié dans l'organisation équivaut à un baptême ou un sacrement religieux
•Corona : en référence au rosaire utilisé dans les processions
•Unita : unie et forte "comme les anneaux d'une chaîne"
Lors de son entrée dans l'organisation, l'initié prête le serment suivant: "Je jure sur cette pointe de poignard baignée de sang d'être toujours fidèle à ce corps de société d'hommes libres, actifs et affirmant appartenir à la Sacra Corona Unita et de représenter n'importe où son fondateur, Giuseppe Rogoli."
Image: photo du film "Gomorra", précédent la scène du rite d'initiation,
ces adolescents vont se faire tirer dessus munis d'un gilet pare-balle.
b. …Tandis que les valeures transmises s’opposent à la religion
‘Ndrangheta :
-L'acceptation au sein du clan, souvent familial, se fait, la plupart du temps, après un acte illégal tel qu'un homicide.
-Les Réunions de la 'Ndrangheta font une apologie de la violence.
Le rituel d'initiation transmet lui aussi des valeures s'opposant à la religion. Le nouveau né est placé en position allongée, un couteau et une clé sont placés a sa gauche et a sa droite. S'il touche le couteau en premier, cela signifie qu'il sera un mafioso ; en revanche si l'enfant touche la clé, il deviendra un magistrat, ou un homme politique corrompu. Le couteau est placé de préférence plus près que la clé.
Cosa Nostra :
-La première épreuve après l'initiation est souvent un meurtre désigné par la Coupole en signe de soumission et d'obéissance à l'organisation.
II - Codification : une vie soumise à des règles intransigeante
a. Le sentiment d’appartenance est renforcé par un code d’honneur…
‘Ndrangheta :
-Il existe un Code qui règle les rapports entre les associés.
-Le sentiment d’appartenance à la ‘Ndrangheta est très fort, car l’identité est cimentée par une double appartenance : à la famille mafieuse et à sa propre famille. Le lien de l’organisation et celui du sang sont mêlés dans un groupe dont le père de famille est le chef, et dont le fils héritera le pouvoir.
-Contrairement aux autres mafias, il y a très peu de repentis : on ne dénonce pas son père ou son frère. La loi du silence recouvre tout : « Nun saccio, Nun vidi, nun ceru, e si ceru, durmiu » (je ne sais rien, je n’ai rien vu, je n’étais pas là et si j’y étais, je dormais)
Cosa nostra :
-Il existe une liste de « 10 commandements »expliquant comment être un bon, respectable et honorable mafiste :
•Personne ne doit se présenter directement à un autre de "nos amis". Une tierce personne doit être présente.
•Ne convoite pas les femmes d’autre "homme d'honneur".
•Ne collabore jamais avec la police
•Les bars et discothèques te sont interdits.
•Toujours être disponible pour Cosa nostra, même si ta femme est en train d'accoucher.
•Les rendez-vous doivent être toujours respectés.
•Les femmes doivent être traitées avec respect.
•Quand on te demande une information, la réponse doit être la vérité.
•L'argent ne peut pas t'être approprié s'il appartient à un autre "ami" ou à une autre famille.
•Ne peut faire partie de Cosa nostra les personnes qui ont un proche dans la police, quelqu'un qui a quelqu'un de sa famille dans une autre famille mafieuse, quelqu'un qui se comporte mal et qui n'a pas de valeurs morales et les homosexuels.
Lors de son initiation, le nouveau mafieux doit prêter serment. Le code d'honneur suivant lui est édicté :
•Ne pas voler, ne pas se livrer au proxénétisme,
•Ne pas tuer d'autres hommes d'honneur, sauf ordre de la « Coupole »,
•Ne jamais parler de Cosa nostra en public,
•Respecter l'omertà (loi du silence) ; la rupture de l’omertà est punie de mort.
Sont strictement interdits :
•L'adultère notoire.
•L'alcoolisme (un homme d'honneur doit conserver son sang-froid et sa dignité en toute circonstance. L'ivresse est sévèrement prohibée également parce qu'une personne ivre n'a pas de secret).
•Le prêt usuraire (à titre personnel), le proxénétisme et toutes les activités déshonorantes.
•Les enlèvements sur l'île.
Image: arrestation de Salvatore Lo Piccolo, parrain de la Cosa Nostra (5 novembre 2007)
Camorra :
-Il n’existe pas des structures hiérarchiques comparables à celles de Cosa Nostra ou de la ‘Ndrangheta, ni d’ailleurs des particuliers rites initiatiques. Il existe au contraire un Code de comportement (d’abord transmis oralement et ensuite rédigé par écrit) qui s’appelle « frieno » et qui prévoit les hiérarchies internes minimales et les peines encourues pour ceux qui ne respectent pas les règles.
b. …Alors que les activités pratiquées sont immorales
Nous pouvons citer quelques unes des sources de revenus exploitées par la plupart des mafias :
• Trafic de narcotiques,
• Interventions illicites dans les adjudications des travaux publics et de la construction,
• Racket et extorsion de fonds auprès des commerçants ou des entreprises,
• Usure (intérêt d'un prêt au taux abusif),
• Escroqueries sur les marchés du vin, de la pêche, des agrumes et des oléagineux (qui contient de l'huile), à travers les aides communautaires par exemple,
• Trafic de cartes bancaires,
• Extorsions de fonds : la Camorra reçoit de l'argent de la plupart des entreprises de la région sous forme d'un impôt appelé le pizzo,
• Prostitution,
• Jeux, boîtes de nuit,
• Contrebande en tous genres : objets volés et contrefaçon. Le trafic des cigarettes a refait surface depuis la hausse récente du prix du tabac,
• Trafic de drogue en provenance du Maghreb, de la Turquie (héroïne, opium) et d’Amérique du Sud (cocaïne). Il rapporterait jusqu'à 500 000 dollars par jour à la Camorra,
• Fraude : comme toutes les mafias italiennes, la Camorra détourne des subventions européennes. Après le tremblement de terre de 1980, la Camorra a détourné des millions d'euros sous couvert de reconstruction immobilière de la région de Campanie financée par l'Union Européenne,
• Gestion illicite des déchets toxiques : elle a permis d'empoisonner de nombreux terrains agricoles, accroissant ainsi le nombre de cas de cancers.
III - Transgression : une déviance relative au code sévèrement punie
‘Ndrangheta : Le code est soumis à la juridiction d’un tribunal interne, saisi lorsqu’un affilié ne respecte pas les règles de l’organisation.
Les Siciliens ont aussi une loi du silence appelée l’omertà : elle interdit, sous peine de mort, à quiconque, femme ou enfant de coopérer avec la police ou le gouvernement. Cette loi implique que la personne trahie doit tuer le coupable.
Les peines encourues en cas de non-respect du code sont appliqués après un procès devant le tribunal ; pour les affaires moins importantes on aura le jugement du tribunal de quartier, dénommé la «Mamma» («Maman») ; si l’affaire est plus importante et intéresse toute l’organisation elle est portée devant la «Grande Mamma» («Grande Maman») qui a juridiction sur toute la ville et qui est présidé par le «capintesta», le chef de l’organisation, qui prend le nom de «Mammasantissima» («Maman-très-sainte»).
Cette justice interne prime sur la « vraie » justice (morale et nationale) pour les membres du groupe.
Des policiers ont découvert le "code d'honneur et de sang" de l'organisation mafieuse
La police italienne vient de mettre la main sur un mystérieux message codé, basé sur d'anciens hiéroglyphes grecs et égyptiens. Le fameux document a été déniché par des détectives à Rome lors d'une enquête sur l'assassinat de Vincenzo Femia, un membre de la mafia calabraise, la célèbre 'Ndrangheta, basée dans le sud du pays, rapporte le quotidien britannique The Telegraph. Après l'avoir décrypté, les enquêteurs se sont aperçus qu'il s'agissait du code de "sang et d'honneur" de cette organisation mafieuse.
Un rite d'initiation. La 'Ndrangheta est une mafia très puissante en Italie pour son important trafic de cocaïne. Elle est aussi connue pour pratiquer l'extorsion de fonds mais également d'autres activités criminelles. Ses adeptes, appelés "Ndranghetistes", sont de fervents adeptes de la "vendetta", la vengeance, n'hésitant pas à faire régner la terreur dans la "botte italienne". Dans le document que la police a réussi à décrypter, un rite d'initiation aurait été récité par de futurs membres du réseau du crime organisé lors de cérémonies secrètes. "Pour un baptême, cinq personnes sont nécessaires", précise la note, révélée par La Repubblica.
Pour faire partie de la mafia, le prétendant doit se scarifier. Il utilise un couteau ou un autre instrument tranchant pour se faire une entaille dans la peau. Un serment dans le sang, où le néo-mafieux doit jurer "allégeance éternelle" à la 'Ndrangheta.
Un symbole clé. Ce décryptage a été réalisé par deux officiers de police qui ont des connaissances dans les codes et jeux de mots. Comme Robert Langdon, le célèbre symbologiste du Da Vinci Code de Dan Brown. Le mystère a été percé lorsqu'ils ont décodé un symbole clé qui représente la lettre C. La découverte de ce document dans la capitale italienne n'est pas forcément une bonne nouvelle pour la police puisque cela montre que l'influence de cette mafia du sud du pays dans le reste du pays…
Conclusion
En guise de conclusion, nous pourrons dire qu'au sein d'une mafia, les codes et rituels permettent autant l'intégration que l'exclusion. En effet, intégrer, ou plutôt être assimilé à la mafia, c'est respecter des règles qui assurent sa pérennité dans le groupe. Ainsi, nous avons pu démontrer que beaucoup de ces rites ont un caractère religieux, héréditaire, et relève d'un engagement personnel fort, en "signant" son assimilation par le sang ou par un tatouage. Mais cette codification religieuse n'est qu'un masque car l'activité mafieuse (drogue, homicides,...)va à l'encontre des valeurs de l'Église. Une fois dans le groupe, les mafiosi doivent respecter un code d'honneur qui témoigne de leur appartenance. Ce sentiment se développe d'ailleurs davantage a la suite de l'acceptation et du respect des autres à leur égard. Ce code d'honneur établit les rapports entre les "associés", notamment avec "l'omerta",loi du silence. Il dicte également les devoir du mafioso et les peines encourues en cas de non-respect de ces derniers. Pourtant, ce code est une idéalisation, un fantasme de la mafia; les activités n'ont en effet rien d'honorable et mis à part l'omerta, rares sont les "lois" respectées dans leurs codes d'honneur. En cas de transgression, le parjure passe devant un tribunal interne dont il part généralement les pieds devant.
Egger Ph.