Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 13 septembre 2013

Le mystère du "parapluie bulgare" restera entier


L'épisode le plus rocambolesque de l'histoire des services secrets n'aboutira jamais. Au bout de 35 ans, l'enquête doit être abandonnée. 


L'extrémité du parapluie était en fait un pistolet


L'enquête en Bulgarie sur le meurtre présumé en 1978 à Londres du dissident Georgi Markov, dite affaire du "parapluie bulgare", va se terminer sans aboutir, à la suite de l'expiration d'un délai de prescription de 35 ans. "Le 11 septembre, la procédure judiciaire doit être close pour cause de prescription", avait déclaré Roumiana Arnaoudova, porte-parole du parquet. "Aucune action concrète - ordre d'arrestation, détention, inculpation - à l'égard d'une personne permettant de suspendre la période de prescription de 35 ans n'a été entreprise", a-t-elle expliqué.

L'histoire se passe en septembre 1978, en pleine guerre froide quand le monde est encore divisé en deux blocs rivaux. C'est la grande époque des "Barbouzes", des coups fourrés entre services secrets, l'âge d'or des services d'espionnage, de contre-espionnage, de l'infiltration et de la liquidation des opposants politiques. En désaccord avec le gouvernement communiste de son pays, l'écrivain bulgare Georgi Markov se réfugie à Londres pour animer l'émission radiophonique Free Europe, anticommuniste, sur la BBC, qui remporte un grand succès à l'Ouest et qui déplaît fortement à l'Est...

Poison mortel

Alors qu'il attend le bus, l'écrivain se fait piquer à la cuisse par un passant ayant laissé tomber son parapluie. Le soir même, Georgi Markov est pris d'une forte fièvre. Il meurt le 11 septembre 1978, quatre jours plus tard. Lors de l'autopsie réalisée sur le corps de l'écrivain, les experts font une découverte surprenante : l'extrémité du parapluie était en fait un pistolet ! En piquant la victime, il avait projeté sous sa peau une minuscule capsule en alliage de platine et d'iridium de la taille d'une tête d'épingle contenant un poison violent : la ricine.

Ce poison mortel est connu sous une autre forme : il était donné à très faible dose aux enfants autrefois sous la forme d'huile de ricin. Une huile utilisée comme purge, au goût très désagréable. À forte dose, l'huile extraite est extrêmement toxique. Une première enquête judiciaire avait été ouverte après la chute du communisme puis close en 1993, avant d'être rouverte en 1995. Un premier délai de prescription de 30 ans devait expirer en 2008. Le directeur du service national des investigations, Boïko Naïdenov, avait alors lié l'affaire du parapluie bulgare à la tentative de meurtre la même année à Paris d'un autre dissident bulgare, Vladimir Kostov, avec un procédé similaire. Ce lien avait permis aux enquêteurs de prolonger le délai de prescription. En 1993, les enquêteurs bulgares avaient remis à Scotland Yard des documents mettant en cause un Danois d'origine italienne Francesco Giullino, collaborateur des services secrets bulgares, soupçonné d'avoir tué Markov. Une fuite dans la presse avait cependant permis à Giullino de quitter le Danemark.