Le directeur adjoint du cabinet de François Hollande a déclaré mardi que le président français avait été alerté dès le 15 décembre de l'existence d'un enregistrement sur lequel Jérôme Cahuzac affirmait détenir un compte en Suisse.
Les personnes auditionnées par la commission d'enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l'État dans l'affaire Jérôme Cahuzac commencent à parler. Après les journalistes de Mediapart et Michel Gonelle, le prédécesseur de l'ex-ministre du Budget à la mairie de Villeneuve-sur-Lot, c'est au tour de Alain Zabulon, directeur adjoint de cabinet du président François Hollande, d'être sous le feu des projecteurs.
Sous serment, Alain Zabulon a affirmé mardi matin qu'il avait prévenu le 15 décembre le président français de l'existence d'une bande enregistrée provenant de Michel Gonelle sur laquelle une voix attribuée à Jérôme Cahuzac avouait détenir un compte en Suisse. Auditionné à l'Assemblée, il a relaté son entretien avec François Hollande:
«Le président de la République est très attentif, demande ce que j'en pense. A la fin il me dit: 'si vous avez un nouveau contact avec M. Gonelle, dites lui que ces informations doivent être sans délai apportées à la connaissance de la justice' et ne me donne aucune autre instruction».
Les témoignages concordent
Alain Zabulon a confirmé avoir reçu le samedi 15 décembre, depuis son domicile, un appel téléphonique «d'un quart d'heure à vingt minutes» de Michel Gonelle, ancien élu RPR ayant perdu la mairie de Villeneuve-sur-Lot au profit de Jérôme Cahuzac, qui lui dit détenir une bande enregistrée sur laquelle l'ex-ministre avoue détenir en compte en Suisse. «Il (M. Gonelle, ndlr) me dit, 'j'ai conservé cet enregistrement'» et précise qu'il l'a fait «graver sur CD, en deux exemplaires», dont un a été remis à l'ancien juge, Jean-Louis Bruguière, candidat à la députation en 2007 contre Cahuzac.
A la fin de la conversation, «il me demande mes conseils, mes instructions (...) Je lui dis je vais d'abord en référer en interne dans ma maison», a raconté Alain Zabulon, précisant qu'ils étaient convenus de se rappeler. «Je vais voir le secrétaire général de la présidence à qui je commence à raconter (...). Pierre-René Lemas me propose d'aller dans le bureau du président de la République. Je rends compte en détail de l'entretien que je viens d'avoir au président de la République et secrétaire général», explique-t-il.
Alain Zabulon a aussi indiqué avoir appelé, ce 15 décembre, l'ex-ministre Jérôme Cahuzac, et lui avoir relaté cet entretien téléphonique. «Je le sens un peu tendu, il était assez pressé, l'entretien est assez bref, il prend acte, m'en remercie et ne fait pas de commentaire particulier».
La «bonne foi» de Cahuzac
Le collaborateur de François Hollande a à plusieurs reprises mis en avant la «prudence» avec laquelle il avait accueilli ce témoignage. «Nous (le) prenons comme un témoignage , mais non avéré, non démontré, non prouvé à ce stade», a-t-il dit, interrogeant aussi: «Pourquoi M. Gonelle n'a-t-il pas publiquement révélé son rôle ?».
Le 15 décembre, estime-t-il, il n'y a «pas d'élément tangible à ce stade. A l'époque la majorité des commentateurs et observateurs donnent crédit à Cahuzac de sa bonne foi». «L'attitude de la présidence a considéré que c'était à la justice et à elle seule de démêler les fils de la vérité», a-t-il souligné.
Selon Alain Zabulon, il y a «peut-être eu là une sorte d'instrumentalisation de la présidence (de la République) à travers la production d'un témoignage qui aurait dû être porté à la justice et ce depuis longtemps». Il a également assuré n'avoir «jamais eu entre (s)es mains le moindre document écrit sur l'affaire Cahuzac». «Je suis resté toujours discret sur cette affaire (...) Je n'ai eu aucun contact ni avec le cabinet de Cahuzac ni avec celui de Moscovici», a-t-il ajouté.
«Le président de la République ne m'a pas chargé de suivre à son cabinet ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Cahuzac. Il ne m'a pas demandé de passer des vérifications sur quoi que ce soit», a-t-il encore dit.