Les vraies raisons de la bagarre qui a abouti jeudi 6 juin au soir à la mort de Clément Méric sont en train de s'éclaircir. Et elles sont fort différentes de la version servie les jours suivant le drame. Dans ce dossier, les témoignages concordent. D'après le vigile qui a assisté à la montée en puissance de l'altercation, "Clément Méric voulait vraiment en découdre". "Il semblait vraiment haïr ces gens", affirme-t-il sur le procès-verbal de son audition.
Ce témoin-clé raconte qu'avant que les choses ne dégénèrent il est allé voir le groupe des "antifafs", alors clairement identifiés comme étant les auteurs des troubles, afin de leur demander de quitter les lieux. Les militants de Ras ont fait semblant d'obtempérer, mais se sont repliés au rez-de-chaussée à droite du magasin Fred Perry, dans lequel Alexandre E., Samuel D. et Katia Veloso faisaient leurs courses. Se sentant menacés, ceux-ci ont téléphoné à Esteban Morillo, qui les a rejoints, suivi d'une cinquième personne arrivée au moment où débutait la bagarre.
Toujours selon des témoignages concordants, les skins quittent le magasin en sortant à gauche afin de ne pas croiser les militants d'extrême gauche. Malheureusement, la bouche de métro est située sur la droite. Et c'est près d'elle que les jeunes gens se croisent et que tout dégénère. Selon nos informations, un certain Samuel D. (un des skins mis en examen) reçoit le premier coup. Les mêmes témoignages affirment : "Les mecs d'extrême droite ont cherché à échapper à l'affrontement, n'ont fait que se défendre, puis ont répliqué."
Un mystérieux site avait publié leurs photos
Ce matin, RTL révèle que la police judiciaire parisienne a mis la main sur les premières images de la rixe. La vidéo, tournée par une caméra de surveillance de la RATP dans une rue située au niveau de la station Havre-Caumartin, serait, selon la radio, accablante pour le militant d'extrême gauche. On y verrait notamment Clément Méric se précipiter vers son meurtrier présumé, le skinhead Esteban Morillo, alors de dos, pour lui porter un coup. Ce dernier se serait alors retourné avant de frapper son agresseur en plein visage. Un coup donné qui a laissé au sol Clément Méric, inconscient. Avec un poing américain ? L'enquête ne l'a pas encore démontré.
Toutefois selon Libération, la vidéo n'est pas si explicite, les images ne permettant de voir que les pieds des protagonistes : "Ayant repéré Clément Méric à ses chaussures claires et Esteban Morillo à ses godillots, les policiers aperçoivent à un moment de la rixe, Méric passer derrière Morillo occupé à frapper un autre. Peut-être Méric donne-t-il un coup à Morillo lequel, en tout cas, se retourne. Et Méric tombe par terre. Inconscient."
Quoi qu'il en soit, Le Point.fr est en mesure de révéler que les enquêteurs disposent de captures d'écran de sites internet "anti-fachos", notamment Vigilance Végane antifasciste, très proche de la mouvance de Clément Méric, sur lesquels apparaissent dès le 2 décembre 2012 les photos d'Esteban et sa compagne Katia, au-dessus desquelles figure la mention "Besoin d'identification please". Méric et ses amis les avaient-ils reconnus ? Ce qui changerait considérablement la donne... À noter que ces photos étaient encore accessibles sur le site mardi 25 juin à 11 heures ! L'affaire est actuellement instruite par le juge Carole Vujasinovic. Et selon une source proche de l'enquête, Estaban Morillo n'a jamais eu affaire à la justice et est vierge de tout passé pénal.
Jean-Michel Décugis
Aziz Zémouri