Les services spéciaux russes ont arrêté dans la capitale un agent américain de la CIA. Celui-ci tentait d'enrôler un agent russe, avant de le remettre à l'ambassade de son pays.
«L'agent de la CIA Ryan C. Fogle, travaillant sous couverture de troisième secrétaire du département politique de l'ambassade, a été interpellé dans la nuit de lundi à mardi», a annoncé le FSB (Service fédéral de sécurité, issu de l'ex-KGB), cité par les agences de presse russes.
«Ont été découverts sur lui des équipements techniques spéciaux, des instructions pour le citoyen russe qu'il voulait recruter ainsi qu'une importante somme d'argent et des objets permettant de modifier son apparence», selon la même source.
Photos de l'arrestation
Les télévisions russes ont montré des photos de l'arrestation, l'homme étant plaqué au sol par les agents russes, les bras derrière la tête. Sur d'autres photos on peut voir des perruques, des lunettes noires pour se déguiser ainsi qu'un vieux modèle de téléphone portable, un banal plan de Moscou et plusieurs billets de 500 euros tirés d'une enveloppe.
La télévision publique en langue anglaise RT a publié des extraits d'une lettre présentée comme adressée à l'espion russe potentiel. «Cher ami (...) Nous sommes prêts à vous offrir 100'000 dollars et à discuter de votre expérience et d'une collaboration (...) Nous pouvons offrir jusqu'à un million de dollars par an pour une collaboration à long terme», pouvait-on lire.
Remis à l'ambassade
L'Américain a été remis à l'ambassade après «les procédures nécessaires», a indiqué le FSB. «Ces derniers temps, le renseignement américain a tenté à plusieurs reprises de recruter des collaborateurs des forces de l'ordre et des services secrets russes», affirme le FSB.
Le ministère russe des Affaires étrangères a aussitôt annoncé avoir «convoqué mercredi l'ambassadeur américain» à Moscou Michael McFaul. Interrogé pour confirmer, démentir ou commenter l'incident, ce dernier a simplement répondu sur son compte Twitter : «Non».
L'expert indépendant russe Alexandre Golts, interrogé par l'AFP, a ironisé sur les «preuves» présentées par les médias étatiques russes, tout en estimant que l'incident allait miner encore un peu plus les relations russo-américaines et «alimenter la propagande» antiaméricaine.
Relations russo-américaines au plus bas
«J'ai du mal à imaginer des informations qui pourraient être fournies par des agents russes pour des sommes pareilles. Pour un million de dollars, on devrait enrôler un responsable du rang de vice-directeur des renseignements extérieurs russes», a-t-il dit. Les relations russo-américaines sont au plus bas depuis le retour au Kremlin en mai 2012 pour un troisième mandat de Vladimir Poutine, lui-même ancien agent du KGB.
Confronté à une vague de manifestations fin 2011 et en 2012, l'homme fort de la Russie n'a cessé d'accuser les Etats-Unis de financer l'opposition et des ONG qui ont dénoncé des fraudes électorales.
Précédent en 2010
Les ONG russes sont ces dernières semaines la cible de contrôles sans précédent après l'adoption d'une loi qui oblige celles bénéficiant d'un financement étranger et ayant «une activité politique» à se faire inscrire sur un registre d'«agents de l'étranger». Ce terme était employé par les autorités soviétiques dans les années 1970 et 1980 pour qualifier les dissidents, accusés d'être à la solde de l'Occident.
«Il est possible qu'on nous dise par la suite que le troisième secrétaire de l'ambassade avait rencontré des opposants russes et ainsi de suite...», a conclu M. Golts.
Le précédent scandale d'espionnage russo-américain remonte à 2010, quand dix agents «dormants» russes avaient été arrêtés aux Etats-Unis, puis expulsés vers Moscou dans un échange digne de la guerre froide. Les Etats-Unis les avaient remis à Moscou contre quatre Russes, dont trois condamnés pour espionnage au profit des Occidentaux.
Moscou déclare «persona non grata» le présumé agent
«La Russie déclare Ryan Fogle persona non grata», a annoncé le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que «de tels actes provocateurs dans l'esprit de la guerre froide ne contribuent pas à renforcer la confiance mutuelle».