Selon France Info, le juge Van Ruymbeke "a très certainement trouvé la pièce du puzzle qui lui manquait" dans l'enquête sur la campagne de Balladur.
Édouard Balladur, devant l'Assemblée nationale (image d'illustration) © WITT / Sipa
C'est peut-être l'épilogue de l'affaire Karachi. Cette semaine, le juge Renaud Van Ruymbeke, qui instruit le volet financier de l'affaire, aurait trouvé le lien entre les commissions versées à des intermédiaires étrangers en marge de contrats d'armement conclus par la France en 1994 et 1995 et le financement présumé occulte de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur.
Selon France Info, le magistrat détiendrait désormais la preuve qu'un des intermédiaires, Abdul Rahman El Assir, aurait utilisé une partie des commissions qu'il a perçues pour acheter des sondages d'opinion lors de la campagne d'Édouard Balladur. "Le sulfureux intermédiaire - qui était à l'époque l'associé de Ziad Takieddine - a fait appel à un spin doctor américain très réputé, Paul Manafort, pour réaliser des études sur les chances de réussite d'Édouard Balladur à l'élection" détaille la radio publique. Le juge Van Ruymbeke aurait mis la main sur le contrat de 52 000 dollars pour ces deux études. Une somme dont le compte suisse de l'intermédiaire aurait été débité le 22 mai 1995 via un chèque à l'ordre d'une des anciennes sociétés de Paul Manafort.
Un chèque de 250 000 dollars
Le juge a pu enquêter sur ce dernier grâce à une commission rogatoire internationale et a découvert qu'"il avait reçu près de 250 000 dollars de la part d'Abdul Rahman El Assir en l'espace de quelques mois" poursuit France Info. L'ex-épouse de Ziad Takieddine, Nicola Johnson, a par ailleurs indiqué aux enquêteurs que son mari recevait régulièrement "des fax" de Paul Manafort, qu'il s'agissait de "conseils, en anglais, pour la campagne de M. Balladur" pour lesquels payaient MM. Takieddine et El Assir. Mis en examen en mai 2012, entendu en octobre, Abdul Rahman El Assir a reconnu avoir travaillé avec Paul Manafort, mais nié tous liens entre ses paiements et la campagne d'Édouard Balladur. La justice aurait donc désormais la preuve du contraire.
Lorsque Édouard Balladur était Premier ministre (1993-1995), il avait mis en place un système de commissions légales pour réussir à conclure des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie saoudite. Des intermédiaires étaient payés pour faire du lobbying auprès de ces deux pays. Jusqu'ici, rien d'illégal. Mais les juges soupçonnent qu'une partie de l'argent reçu par ces intermédiaires soit revenue à Édouard Balladur, via des sociétés-écrans, afin de financer illégalement sa campagne pour l'élection de 1995. Ce qu'on appelle les "rétrocommissions". Le juge Renaud Van Ruymbeke instruit l'affaire depuis deux ans et demi.